DES PREMIERS TEMPS. GES AMERIQU AINS. COMPAREES AUX MOEURS Par le P. La fit au , de la Compagnie de feftiSo Ouvrage enrichi de Figures en taille-douce, ÏOME T R OISIE’M E. )hez A PARIS, Saugrain l’aîné, Quay des Auguftins a ' prés la rue Pavée , à la Fleur de Lys. ICharles-Estienne Hochereau > à l’en«» . trée du Quay desj AuguiÜns , au Phénix. MDCCXXIV. I 'VEC APPROBATION et PRIVILEGE W Qpqp9pqpqpqp:qpqpqp<5p<$pq P&pbp&P&d&Ptj : P&'J&v&'JtiP'‘iJ T A B L E DES CHAPITRES CONTENUS dans le troisième tome, I‘ C cap ai ton j des hommes dans lt V_y Village. pag. i, II. Occupations des femmes, j 7 III. De la Guerre. 146 Fin de h Table da IIT» Tome. approbation du Pere Provmcu J E fcuiïigné Provincial de la Compagne de Jeftis dans la Province de France , per- mets au Pere jos. Fr. Lafitau de la même Compagnie , de faire imprimer un Livre qu’lia compofé , intitulé , Mœurs des. Sauva- ges Amtriquains , compas ées aux Mœurs dts pre* %'ters umps \ lequel Livre a été lû 8c approuve par trois Théologiens de nôtre Compagnie 3 w foy de quoi j’ai figné la préfente Permit, fion. A Paris ce 1 May 1712. PAUL BODIN. A P P P O B AT J O N, J ’A y lû par ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux un Manufcrit intitulé Mœurs des Sauvagrs Amerïquains > comparées aux Mœur)s d's premiers temv^ 3 dont on peut permettre rimpreffion. A Paris le 12. Aouft 1 722. mm * BS» M (E D\ R S SAUVAGES AMERIQUAINS, COMPAREES AUX MOEURS des premiers temps. Occupations des Hommes dans le Village, H o m m e né pour le travail, lan- guie & s’ennuye dans le repos. Ii lui faut une occupation $ s’il n’en a point , il en cherche &'s’en don« ne , 8c fouyent au défaut d’une lenleure, il s en fait une de s’inquiéter , ou inquiéter les autres. Cette propofition , qui t a/fez exa&ement vraie de la plupart des pmmes chez les Peuples de l’Europe en qui 3n remarque beaucoup de vivacité ôc beau- >upd action 3 ne l’dt pas tout-à-fait tant pas Tomç m % a r v V MOEWB.S BÏS SAWŸAOES «oortauxSauvagesdc rAmerique.Ceux-Ci fe font un honneur de leur oifivetéi La parefle , l’indolence , la fainéantife font dans icurgouc Sc dans le fonds de leur caraétere • de^ i «aue n’ayant ni fciences ni métiers , n ayant plus d’ailleurs , ou prefque plus les exercices réglés du temps paiTe qui pou voient leste mr ln haleine, ils font les gens du monde les o?us defœuvrez -, & fi Ton en excepte certai- nes petites cfiofes qui ne leur demandent pas k SÆmps, moins encore de fujet- Son £ ^d’application, ils font prévue tou- jours les bras croifez , ne faifant autm ehofg îcjue tenir des Affemblées , chanter > manger > dormir» ôc ne rien faire. ^Ouelque dure que fût la vie des Laçede- m cm le ns & des Cretois , & quelque ptecau, ïïon au-euffent pris les Législateurs, de. ces Républiques , on peut dire néanmoins que payant M et y an u c? « pSeufe .laquelle ^ donner aces det- iilêêss ^Les^ccupafiSs deîeût compétence les plus è^S^S-ËB S leurs Forts , df^^^/^^fdont ils font fcanes > de P te Pj are J *;if et a quelques petits kut vétemeus . de travaille 1 éta t leur, équipages de Guette, de Çhaile ou u= o, " 4 p . fmUaAX ihfyi* h * AmUI QJI A î N S, '$ :ae > enfin de s’orner t Sc de fe mettre fur leur propre. &es Villages <, Ils choififiTent allez bien remplacement de eurs Villages. Iis les fituenc , autant qu’ils peuvent , au milieu des meilleures Terres fur l“ c : ] 9 ue , P e «te éminence , qui leur donne ;ue fur la Campagne, 3 de peur d’être furpris , * au bord de quelque ruideau 3 qui , s’il eft > ietpente à Lenteur , -& faife comme m toile naturel aux Mortifications que P Art >eut ajouter à un terrain a lequel fe défende ar Jui-meme. lis ménagent au centrede leurs i liage s une place a-ifez grande pour y tenir es aflemblées * Les Cabanes y font aflezfec- ^es les unes contre les autres s ce qui les expo» -a un danger continuel du feu , la matière n etant auffi combuftible qu’elle l’eft: Leurs .les fpnt peu allignées , chacun bâti /Tant ou ' paroit plus propre 8c moins piec» eux. Les Villages les plus expofez à l’Ennemi « mt fortifiez d’une PaliiTade de quinze â mgt pieas de haut , &c compofée d’un tripie tng de pieux, dont ceux du milieu fonr plan- z droits 8c perpendiculairement, les autres »nt croifez 8c entrelacez en manière de che* iux de rrife , 8c doublez par- tout de gran- ds & fortes écorces à la hauteur de dix ou )uze pieds. Ils pratiquent en dedans le loncr ' cette paliifade , une efpéce de banquette î de chemin des ronces fait avec des arbres menez en travers , tout joignant la paLifiade» • SP. 1 ponem fur de grofies fourchettes de aïs ficheesen terre , ils y ménagent de dif- nce en diltancedcs Redoutes ou. des Guérie Des Cabanes, 4 Moeurs des Sauvages tes cju’iis rempliiTent en temps de Guerre oe pierres pour fe défendre de f efcalade, 8e d eau pour éteindre le feu. On y monte par des troncs d’arbres entaillez pardegrez qui leur fervent d’échelle, la paüflade a aufli fes ou- vertures pratiquées en guife de créneaux. J La nature du terrain détermine la figure de leur enceinte. Il y en a de Polygones j mais le plus grand nombre font de figure ron- de & fphérique , comme l’étoient la plupart des Villes anciennes. La paliflade n a qu u- ne îffue par une porte étroite , 8e placée de biais qui ferme avec des barres de traverfe ». & par où l’on eft contraint de palier de co- té. Ils ont foin aufïi de laifler un alfez grand chemin entre ja paliflade ôc les Cabanes. Ces Villaves. font peu fournis , 8e les plus gros n’onf gueres au-defiusde cent Cabanes, d un 3 de trois , de cinq , ou même de fept feux» dans.lefqucll.es il y a quelquefois plufieurs Les^Sauvages de l’une & de 1 autre Améri- que fe fortifient a peu prés de la même manié- ré i mais il eft moins ordinaire a ceux de la Méridionale, 8e généralement aux ^Peuples errans de recourir a ces fortes de fortifica- tions, à moins qu’ils ne foient actuellement en ^uerre , 8e qu’ils ne foient fort expofe? $ux°infultes de leurs ennemis. Les Cabanes de toutes ces Nations font en- core aujourd’hui la montre de la pauvreté & A» la frugalité des hommes nez dans 1 enfam % du Monde» 8e fi l’on en excepte lesbabi- -tans du Pérou 8e du Mexique , qui batifloienl miCm 4e pierçe a où il n y wm A M É R I C^17 A 1 if §. 'f blMgnificence , ni art, ni commodité , ^ quel- ques autres Peuples de leur voiiinage, qui font à leurs demeures un enduit de chaux ou de ci- ment allez paflable , tout le relie des Nations fauvages n a que de miférables cafés ou chau- mières , connues dans T Antiquité fous le nom de Maparia ou Tugurià , lefquelles font toutes propres à donner une idée parfaite de la mu 1ère. Les Auteurs nous peignent les premiers Pîommes , comme n’ayant pour toute retraits que les troncs des rochers ou le creux des ar- bres. Qu’ont ajouté à cette première barba- rie les Peuples du Nord de l'Amérique , &C - ceux du Sud qui habitent dans les Païs iujets à être noyez par de fréquences inondations 2 i^es Eskimaux , les Sauvages dif Détroit de Davis , de la Nouvelle-Zemble fk les Cali- forniens j fe retirent dans des Cavernes que la nature leur a préparées pour leur en épar- gner la peine , ou en font d'artificielles dans lefquelles ils pafient un hyver fort long prclf que fans en fortir : peu diflérens des bêtes qui fe creufent desTanntéres : au lieu que pen- dant l’Été ils couchent en pleine campagne fous les arbres, ou tout au plus fous quelques Cabanages faits de peaux de Loup Marin. Il faut qu’ils foient bien endurcis & bien faits aux injures de l’air pour pouvoir vivre de la forte dans des climats auflî rigoureux. Sur les bords de l’Ofénoque , du fleuve des Amazo- nes & en quelques autres endroits , on voit des Villages en l’air au milieu des Palus ôc des Marécages. Il s’élève dans ces Païs noyez des palmes d’une hauteur prodigieufe qui eroiffent fort prés les unes des autres. C’effc fut ces pâlîmes que les Naturels du païs con- fie uifent leurs habitations, Ils lient ces ac- Aà & Moïurs dïs Sau.vagis bresl’un à l’autre par des poutres tranfverfalcs ÔC édifient fur ce plancher élevé de vingt à trente pieds de terre 5 des demeures qui fem- blent plutôt être faites pour des Vautours 3 -que pour des hommes. C’eft un plailir , die— on 9 devoir avec quelle adreife les femmes chargées de leurs enfjans & de leur bagage do- meltique , montent par des troncs gWfïié re- nient écôtez dans ces.efpeces de nids* Ce n’eii: pas feulement contre leslnondations que ces Peuples prétendent fe garantir par dés azyles suffi extraordinaires. Ils fe mettent par-là à couvert contre les incursions fubires de leurs ennemis 9 contre les furprifes des Crocodiles Sc des Tygres > & contre Tincommodité des Maringuoms ou Coufïne 3 lefquels ne peu- vent pas s’élever fi haut , & leur devient droient infupportables fans cette précaution. Les Conquerans de la Nouvelle - Efpagne trouvèrent des Nations nombreufes logées de cette forte 3 lefquelles leur donnèrent bien de la peine à vaincre , & leur firent périr beau- coup de monde. * Il y a encore en Afrique * vers les Côtes de Guinée , un des anciens Peu- ples Atlantiques 3 nommé les Véthês 3 dont les Villages font ainfi bâtis en l'air fur des pilotis au milieu des eaux. Les Nations errantes comme les Algonqui- nes, n’étant pas long-temps dans un même endroit j fe contentent de faire des Huttes extrêmement baffes , ou pèle- même avec le grand nombre de Chiens qu’elles nourrfifonï, elles font dans le centre de la mal-propreté & de l’incommodité. Les Nations fédentaires ont des logemenS un peu plus fpatieux & plus folides. Les maifons des premiers Egyptiens étoienK 2 loyer t Rfrrm du Voyage A’JJftni h $. nh A M t R I QJ7 A I N f. . P bines de cannes 3c derofeaux , * félon Dio- dore de Sicile, f Pline dit la même choie des Peuples Hypêrboréens. Les cannes , les rc*- féaux , les bois , 3c les feuilles de Palmifte 3C de Laranier , les écorces d’Orme 3c de Bou- leau , font aujourd’hui la matière de celle des Sauvages. , . Quant à leur forme, quelques-unes font ronaes , comme les Tabernacles ou les Tentes des Anciens , comme les ToursdesMofynœ- ciens, desTyrrhéniens 3c des Gaulois Pari- liens. Telles font les Cabanes des Peuples de la Floride , des Naïhez, à la Louilïane , 3C de plafieurs autres Peuples. 4 Les Carbets 3c les Cafés des Caraïbes font ovales. Le Carbet ou Café commune a environ foixante à quatre-vingt Pieds de lon- gueur , § 3c eft compofé de grandes four- ches hautes de dix-huit à vingt pieds. Ils po- fent fur ces fourches un Latanier #*, ou un A 4 * Diedor . Sic. Lib. t, cap. 7» •f Plinius > Lib . 1 6 , cap. }6. # Pu Tertre, Traitey.c. i.ff. 10. Jf. Rochtfort , Bifi. Morale des Antilles , chap. t f . ** Le Latanier oft une efpece dt Palmifte; il fort groftt motte de racines ; il n’eft gueres jamais plus gros qua la jambe il eft prefque pn-tout égal & fe leve droit » comta® unlflécbe, quelquefois jufques à la hauteur de 40. à t®* pieds. lia tout autour un doigt d’épaiffeur d*un bois dutr comme du fer 3 & tout le refte tft filaffeux comme le cœue des Palmiftes ; au lieu de branches, il n’a que de longue* feuilles , qui étant épanouies , font rondes par le haut , plicées par le bas à la façon d’nn évantail. Elles font atta- chées à de grandes queues ^kfquelles fortent de certains ft- lemens qui entourent le corps de l'arbre comme une grolîk toile rouffe & fort claire ; ces feuilles étant liez par petits fajfceaux , fervent à couvrir les cafés . & la peau qu’on enlè- ve ds deffus les queues , eft propre à faire des cribles , des paniers ôC plulïeurs autres petites eufiofités que les Sauvage* tiennent entre leurs meubles les plus prétieux. Ils font au® du bois de cet arbre , des arcs , des maffuës dont ils fe fer- U«H i'épée , des zagayçs qqi fggs d,s pei^i lâQgçs tt* $ Moeurs ses Sauvages autre arbre fort droit qui fert de faîte , fur ie- quel ils allient des Chevrons , qui toucheni îufqua terre des deux côrez. Ils le couvrent de feuilles de, Latanier , de rofeaux } de can- nes , de joncs, ou d’autres herbes qu’ils fça- : vent enlacer les unes dans les aotresfi propre- ment 5 qu’ils y font bien à couvert des pluies &c des autres injures du temps. Mais comme les Çarbets ne reçoivent de jour que parla Porte > laquelle eft fi baffe qu’on ne, peut gueres y entrer, fans fe, -courber , il y fait or- dinairement fort ©bfcur Sc on doit y être trés-incommodé de la fumée des feux que chacun a foin d’entretenir fous fon Hamac. Les Cafés particulières font de la même for- me que le Carbet. Les femmes qui les habi- tent , y entretiennent une grande propreté,^ ont foin de les balayer fouvent ; les jeunes gens ont aufîi le foin de balayer le Carbet , &c de le tenir propre. * Le Pere du Tertre die que dans le Carbet , outre la porte commune* il y en a une autne particulière plus petite* par laquelle aucun des Sauvages ne paffe » Qc ïi’oferok même paffer. Ils. prétendent qu’elle- eft d’eftinée pour les efprits * iorfqu’ils font appeliez par leurs Boyez ou Devins dan-s leurs évocations magiques. Les Cabanes des ^Bréfiliens font faites en forme de berceau , Bc de même matière que celles des Caraïbes ; Elles font fort longues ; cinq ou fîx Cabanes compofent un gros Vil- lage. Il elt vrai que dans chaque Cabane il y a jufqu’à foixante & quatre-vingt perfon- mes partagées en différens ménages. f nës qu’i!s ; dardent avec la main contre leurs ennemis , & il|, -an muniflent la pointe de leurs flèches , qui font pas ç§ gaoyen aufli pénétrantes que fi cgcs étojent d’asjex» ® Qü ïtr/fs i IfGt . ^ A M I R T Q^ TT A I N S . 9 Ce n’eft pas fans rai Ton qu’on a donné aux ïroquois le nom d ' Ho timon ftanni ou de F aifeurs de cabanes : ce font en effet ceux de toute l’Amérique qui font logez le plus commodé- ment. Cependant ce nom ne leur convient pas tellement , qu’il ne put être appliqué a J? x tarons 8c à quelques autres de leurs Voifins , qui ont pris d’eux la même maniée l’e de fe bâtir. Cabanes Iroquoifes*. Ces Cabanes font aufïî en forme de ton» nelle ou de berceau de jardin j elles font lar- , ges de cinq ou fix brades , haute à propor- tion , &c longues félon la quantité des feux. Chaque feu emporte vingt ou vingt-cinq P|eds de plus fu-ria longueur de celles qui n en ont qu’un , le (quelles n’excédent point 3e nombre de trente ou quarante pieds ^cha- cune de ces Cabanes porte fur quatre poteaux; par chaque feu > qui font' comme la bafe 8c le foütien de rout l’Edifice. On plante dans toute la circonférence v c’eft-à-dire, dans toute la longueur des deux cotez , 8c aux; deux pignons , des piquets pour affujettir les écorces d’Otmequf en font les murailles,, êc qui y font liées avec dès bandes faites de: la Tunique intérieure , ou- de la fécondé é- corce du bois blanc. Le quarré étant élevé ,, on fait le ceintre avec des perches courbées; en arc > qu’on couvre aufîi d’écorces longues; d’une brade , 8c larges d’un pieâ ou de quin- ze pouces. Ces écorces enjambent l’une fut i autre comme l’ardoifë. On les afïlijettit en, dehors avec de nouvelles perches , fembla» blés à celles qui forment le ceintre. en de- - dans y 8c on ks-fortihe encore par de longue^ *0 M oeurs des-Sauva ges pièces de jeunes arbres fendus en deux , qui régnent dans toute la longueur de la Caba- ne de bout en bout, 8c qui font foûtenues aux extrémitez du toit , fur les cotez , ou fur les ailes , par des bois coupez en crochet , qui font difpofez pour cet efïtt de diftance en diftance. Les écorces fe préparent de longue main ; on les enleve des arbres qu’on cerne lorfqu’ilf font en fève , parce qu’alors ils fe dépouil- lent mieux j & après leur avoir ôté leur fu- perficie extérieure » laquelle eft trop rabo- te tife 3 on les gêne les unes fur les autres, afin qu’elles ne prennent pas un mauvais pli , Sc on les laiffe ainfi fécher. On prépare de la même manière les perches 8c les bois nécef- faires à la conftru&ion de l’Edifice 8c quand 3e rems eft venu de mettre la main à l’oeuvre 3 on invite la jeuneffe du Village , à qui l’on faitfeftin pour l’encourager en moins d’un ou de deux jours tout l’ouvrage eft fur pied , plutôt par la multitude des mains qui y travaillent , que par la diligence des Tra- yaillans. - Après que le Corps du Bâtiment eft ache- vé, les particuliers qui y ont intérêt , tra- vaillent enfhite à leur aife à l'embellir par le dedans & à y faire les compartimens nécef- faires , félon leurs ufages 8c leurs befoins. La place du milieu efl toujours celle du foÿer , dont la famée s’élevant s’exhale par une ouverture pratiquée au fbmmet de la Cabane dans le lieu qui y répond , 8c qui fert aufïi à y donner du jour. Ces Edifices n’ayanq point de fenêtres , ne font éclaire^ que par le haut de la même manière que lecé» lébre Temple de la Rotonde bâti par Agrip- pa , qui fe voit encore en entier à Rome* A M E R î QJJ A I N S. ï ^ Cette ouverture fe ferme par une ou deux écorces ambulantes qu’on fait avancer ou retirer, comme on le juge à propos, dans le tems des grandes playes , ou de certains vents qui feroient refouler la fumée dans les Cabanes , ÔC les rendroient très-incom- modes. Je parie feulement ici des Cabanes conftruices félon la forme Iroquoife ; car celles qui font bâties en rond ôc en manière de Glacière , n’ont pas même d’ouverture par le haut ; de forte qu’elles font ôc beau* coup plus obfcures , ôc qu’on y eft beaucoup plu s en proy e à la fumée. Le long des feux , de chaque côté , régne une Eftrade de douze à treize pieds en lon- gueur fur cinq ou fix de profondeur , Ôc au- tant à peu-prés de haut. Ces Eftrades fer- mées de toutes parts,, excepté du côtddu feu, leur fervent de lit & de fiégespour s’afTeoir., ils étendent fur les écorces qui. en font le plancher des Nattes de jonc ôc des peaux de fourrure. Sur cette couche , qui n’eft guère propre à entretenir la mollefle ou la fainéan- tise , ils s’étendent fans autre façon envelop- pez dans les mêmes couvertures qu’ils por- tent fur eux durant le jour. Iis ne fçavent pour la plûpart ce que c’eft que fe Servir d’o- ïeüler. Quelques- uns néanmoins, depuis qu’ils ont vû la manière Françoife , en font: un d’un morceau de bois ou d’une natte rou-i iée. Les plus délicats en ufent qui font faits de cuir fournis de poil de Cerf ou d’Ori- gnal J mais en peu de rems ils font fi gras ii fales , ôc font tant d’horreur à voir /qu’il n’y a que des gens au/fi mal propres que lès Sauvages , qui puiÆènt s’enaccommoder. Le fonds de l’Eftrade fur. lequel on cou*; e lle 3 eft élevé à un pied de terre tout au plus , AS ' ït M o e u r s b e s Sauvage $ . ils lui donnent cette élévation pour n’êfre pas incommode^de l'humidité -, ôc ils ne^luî en donnent pas davantage , pour éviter d’au- tre part l’incommodité de la fumée , qui e(t infupportable dans les Cabanes quand on s’y 1 tientdebout y&qu’ôn y eft unpeu exhaufle. Les écorces ; qui fer mène les Eltrades par- deflus , & qui font le Ciel du lit , leur tien- nent lieu d’ Armoires ôc de garde-manger 9 . où ilsmettent fous les yeux de tout le mon- de leurs- plats. & tous, les petits uftenciies de leur ménage. Entre les Eltrades font placées- de grandes cailles d’écorce , en forme de Tonnes & hautes de cinq à fîx pieds , ou ils mettent leur bled lorfqu’il eli égrené. Au lieu de ces Eltrades , les Sauvages Mé- ridionaux fe fervent de lits fufpendus qu’on : nomme Hamacs > qui font un tiifu de co- ron ou de fl d’écorce d’Arbre travaillé fort proprement. Us les attachent aux principaux f il lier s de leurs Carbets., ou bien à des Ar- res lorfqu’ils font en voïage. On y elt cou- ché trés-com mqdément il y a du plaine d’y être en plein air à l’ombre fous des feuil- lages pendant la grande chaleur du jour. Les Caraïbes ne lqs quittent guère ôc y pallènî. une grande partie du tems à ne penfer a rien. - Ceux qui n’ont point de Hamac fe font une autre forte de lit qu’on apelle. Cabane , ce font plu lieu rs bâtons en quarré pofez de long éc en. travers } fur lefquels on met quantité, de fciiilles de Balifer 8e de Bananier. Ils font: . iuill fufpendus par les quatre coins 8e foiïte- nus par des cordes faites de racine ou d e~ coice d’Arbre. . , LesCabanes- Iroquoifesqnt lïiuedes deux côtés. A chaque bout il y a une efpëce de tam-- bour ou de petit apauement répare* &. ydtiJkule. extérieur,. '• „ -A MRÎ Q_ TT A T rit Us font dans ces tambours , aufti-bien qu& dans l’entre-deuxftes Eftrades qui font libres <> de petits Cabinets des deux côtés où ils met- tent leurs Nattes pour les jeunes- gens quand: la famille eft nombreufe , ou pouf sen fervic- eux-mêmes dans les remps oùJe voi£ nage du fcu ne leur eft plus £ néceffaire. Ces Cabinets font élevés de trois à quatre pieds pour le ga- rantir de l’importunité des puoes,par-deffous, ils mettent la proviiîou de leur petit bois. Leur veftibule extérieur fe ferme en Hy ver avec des écorces^ Si leur ferr de bûcher pour le gros bois , mais en Efté ils l’ouvrent de tous : côtés pour prendre le frais, plufieurs mettent pendant les grandes chaleurs leurs Nattes fur le toit de ces veftibules , lequel eft plat SC n’eft pas fi exhauffé que leursCabanes. Ils cou- chent ainii à l’air fans fe mettre en peine du ièrain. Quoi qu’on puiffe aller Si venir dans les Cabanes le long des feux des deux côtés entre le foyer Si les Nattes , ce n’eft pourtant point: -un lieu commode pour fe promener ^auiïi le Sauvage quelque part oiul foit s i moins qu’il ne foit aétuelkment en route , eft toûjours ; aifis ou couche , Si ne fe promène jamais. Iis fontmême auffi furpris de voir les Européens- aller & venir toûjours fur leurs mêmes pas 0 que l’étoient les Peuples d’Efpagne dont parle ^ Srrabon, lefquels voïant quelques Centurions de l’Armée Romaine fe promener de cette manière , prurent qu’ils avoient perdu l’ef- prit , Sc s’offrirent à eux pour les conduire dans leursCabanes. Car ils croyoient , ou qu’il falloir fe tenir tranquillement affis dans fa tente, ou qu’il falloit ayoîc envie de: fa battre. &;Stra6oif t ut* H M0IT7RS B ES S AT7VAGÏ5 Les portes des Cabanes font des écorces mobiles & fufpendues en dehors par en haut. Point de clef ni de ferrure. Au tems pa'ffé rien ne fermoit chez les Sauvages. Quand ils alloient pour long- tems en campagne, ils fe concentoient d’arrêter leurs portes avec des traverfes de bois , pour les défendre con- . tre les chiens du Village. Pendant tous les fiécles qui nous ont précédé , ils ont vécu dans une grande fécutité , & fans beaucoup de défiance les uns des autres , les plus foup- çonnetix porroient leurs meubles les plus précieux chez leurs amis, ou les eDfévelif- ïhierrt dans des trous faits exprès fous leurs Nattes , ou dans quelque lieu inconnu de leur Cabane. Quelques-uns ont maintenant des coffres ou de petires cadettes , d’autres fortifient leurs Cabanes par les pignons avec des planches grodiérement faites , & y met- tent des portes de bois avec des ferrures qu’ils aehetterrt des Européens , dont le voifinage- leur a fou vent appris à leurs dépens , que ce qu’ils avoient fermé n’étoit pas toûjours en furete. Ils doublent leurs portes pour fé garantir du froid Si de la fumée y 8c ils en font com- me une fécondé avec des couvertures dé peau* ou de laine. Dans les froids communs ôc or- dinaires leurs Cabanes font affez chaudes * mais quand lèvent de Nord-Oiiefl: nre, 8c qu’il fait un de ces tems rigoureux du Cana- da qui dure des fept à huit jours ; de fuite à faire fendre les pierres, alors le froid y ayanr pénétré , fe ne fçals comment ils peuvent y durer , étant aufïi peu couverts qu’ils le font 5 , fur-tout ceux qui couchent loin des feux. Pendant l’Eté elles font aflez fraîches , mais pleines de puces 6c de punaifes 3 elles fou? A M E R ï CLV A J N S. If aufîî très- puantes quand ils y font fécher leur poiflon à la fumée. * Les maiTons des Lacédémoniens n’étoient fans doute , ni plus magnifiques ni plus com- modes , leur Lëgiilateur leur ayant ordonné de ne les faire que de bois , & de n’employer que la Hache pour la conft ruéïion de tout: 1 Ouvrage , de tout au plus la icie pour ea faire les portes. Il n’avoir pas voulu leur permettre de fe fervir d aucun autre inftru- ment , ni d’aucune autre matière qui eût pâ dans la fuite tenter les particuliers d’affeéter de fe diftinguer du commun , par des Ou- vrages plus folides & travaillez avec plus de propreté. II en avoir appréhendé une émula- tion , laquelle donnant entrée au luxe & à là magnificence, les eût fait fortir de cet état de médiocrité de d égalité qu’il avoir jugé feul capable de maintenir la République dans tet état floriflant , d ou déchoient les Empi— tes qui paroi fient le mieux affermis , lon- gue les particuliers, fortentdes bornes de nodeitie^ Des VLah'üimem. Nos premiers pères ne s’apperçurent d£ eur nudité qu’aprés le péché. Ils en furent hoques eux-mêmes , mais f ils ne firent que a ^ ors à la bienféànce , par quelques millages f qui ne fervoient qu a cacher ce ui pouvoir blefler la pudeur fans les ga*. mut de la rigueur des faifons. Dieu leur t enfuite des Tuniques de peaux , ditTE- iture. Adam & Eve infpirérent fans doute leurs enfans de s’én couvrir à leur ex em- le , & d’avoir ce refpeét les uns pour les f Flutarcb, in Lyturgo< -f- 8C l’ornement des Héros. Hercule n’étoit para que. de la peau du Lion * deNémée : 1 ug 4es Argonautes fuivant Jafon pour avoàS » JlÿfilkiiiU i, %» } À M E R I QJJ- A 1 W S. >aft a 1 expédition de Colchos , court vers e Rivage , f & arrive couvert d’une belle ' eau i! e , Taureau qui loy defeendoit jufques ux Talons : Acefles en Sicile vient au de- ant d Enée qui abordoit fur Tes Terres , labille d’une belle peau d’Ours de Lybie* c menant à la main fon Arc & Tes flèches t acchus Ôi fa fuite n'avoient pour, toutes arures que les peaux des Chèvres fauvages * u bien des Tigres , des Panthères , Sf des eopards qu on a depuis attelez à fon Char » Dnt 1 invention eft fans doute beaucoup dte rieure à fon temps. On ne peut prefque point douter que ce * folt a ces iones de vétemens , que les aunes & les Satyres doivent leur forme, es efpéces d’hommes extraordinaires avec :s cornes à la tête , des pieds de chèvre de •s queues pendantes par derrière nont - ? n v “f. rée ! j & ne doivent leur exifience ! a 1 imagination des Poëres , auxexpref- 'ns Hiéroglyphiques des premiers temps» a 1 ignorance des fîécles poflérieurs j qui t ai nfï défiguré des hommes véritables 5 quels ecoient fans doute moins bêtes que ix qui les ont crus tels. .es peuples de la fuite de Bacchus , c’efl: à- e les hommes des premiers temps , fè jvroient de la peau des animaux , ôc fur, it des Chevreiiils. Us en attachaient les nés a leur tête >, comme un ornement que vu moi- même fur celles de nos Sauvages nouoient ces peaux fur leurs poitrines :c pattes de devant , & laiffoient pen- cefles de derrière avec la queue. Cette niered habillement aura donné lieu aux :tes , de nous en faire une peinture allé- ■Aftll, R/] t l t j», 3 $ M o t v % s r> e s Sauvages gotique, de la même manière qu’ils en ont évidemment fait une des Centaures , poux nous défigner les peuples qui trouvèrent les premiers la méthode de dompter les ‘Che- vaux , ÔC de les rendre dociles au frein. Ces Poètes n’ont jamais cru' qu’il y ait eu une efpéce de gens moitié Hommes & moitié Chevaux , ou bien moitié Hommes &: moi- tié Chèvres. Mais le genre d’écriré 8c le goût même des premiers fiécles , donnant dans les allufîons 8c les figures Embléma- tiques , ils prenoient plaifir à envelopper tout ce qu’ils avoient à dire fous des idées fabuleufes qui étoient comme autant d’éni- gmes que comprenoient fort bien ceux à qui ils parloient , mais que n’ont pas atfez com- pris ceux qui font venus trop tard après eux. * Diodore de Sicile parlant du Dieu Anu- bis , qui étoît adoré en Egypte fous la for- me d’un Chien & de Macédon lequel étoit suffi honoré fouslafigure d’unEoup,dit que le premier étoit un grand Capitaine , f dont rhabilleraient étoit la dépoüille d’un chien , 8c le fécond un autre guerrier célèbre qui éroit vêtu de la peau d’un Loup. Le même Auteur affure la même chofe , que je viens de dire , au fu jet des Centaures. On trouva dans les anciens Monumens des figures d’A- nubis avec la tête d’un Chien , ou bien avec la tête d’un homme couvert de la peau d’ui Chien : de Jupiter Ammon fous la form* d’un Bélier , ou bien avec une tête d< Bélier fur le corps d’un Homme , ou fim- plement avec des cornes de Bélier » 8c avc< * Diod . Sic. Ub. i. 114 y. , , , Æ m* b: I habillement des Satyres dans fa mplidte Antique , 8c la Robe qu’on ap- ^ehoit Satynca , n etoit qu’une peau de /° U Lé0pard > q u ’ on nommois dits Hinnulei , îfale , T rage , Pardalis , ckamïs lorida , Purpureum Pallium } Venabulum Diony * Sy ' m î  dcs Pléces Théâtrales étoic uflï un long Manteau de fourrures , Tor- dre™ V 3 <ï ui n ° US e[i Ml- ?re 8 c quelques peaux dont ils fe .*> couvrent : qui vivant dans des païs ite= » riles , ne fie nou ri fient pas de ce qu’ils j j» voudroient manger , mais de ce qu’ils « peuvent attraper : qui n’ont point l’ufage » du vin , Sc ne connoifienrque l’eau pour -sa 1 toute boilfon. Enfin qui n’ayant rien de 3° bon , ne vous offrent rien que vous puif- » fiez gagner , fi vous êtes ailes heureux pour b les vaincre , au lieu que vous devez faire 95 réflexion , que vous avez infiniment à 33 perdre * fi vous avez le malheur d’êtse 33 vaincu. ■ t Tacite fait foy , que les Germains n’a- voient poîni d’autres vétemens que des four* rures. Hérodote l’afllrre des Afriquains . Varron des Gétules & des Sardes , Virgile des Peuples de Scythie & de Tbrade , Ar- ïien de ceux de l’Inde , fk Diodore de Si- cile le rapporte auffi des Egyptiens. ^ Après même qu’on eut trouvé l’ufage des Toiles &C des Etoffes , on ne laiflfa pa: deffe fervir encore des Fourrures pendant ui * H rodor. lib. i.-#. 71. . . -j- Tœcit. de tdorib. Getm. Ueroiot. Lib. 4. n . 189. Vitgil . ,% ib.i.Georg.Varro.Lib . 1 Rei RuJi.Arrian. Lib. 8. Diod. Sic f Lib. 1 .cap. 7. Vide de bis Tiraqiiell(tm t lu Hmsilt Lib.% HtWx Die** AA*, ab Alewd» f > Ameriqjtatnsv' St ctes long-rems , chez ies Peuples qui tra-- yaiïloient le Chanvre, le Lin 8c le, Sov es.' Homere nous réprefente par fout fes Héros, vêtus de peaux de Lion, d’Ours, de loup , de Chevreiiil , &c. * Il n’eft pas iufques à Taris , Alexandre , dont il fait un Damoi- leau , lequel n a pour tout ornement qu’une peau de Léopard. Cependant Hélène , Pé- nélope , 8c les autres Dames Grecques SC Troyennes içavoient fort bien travailler à J eguiüe. " ~ On avoit trouvé dés les premiers temps *- le fecrec de rendre fîéxibles 8c maniables ces peaux , lefqueiles fans préparation doi- yent durcnr fe rétrécir §c devenir inunies. On laifloit le poil des Bêtes dont la toifon rit douce 8c. chaude , 8c on dépoiiilloit en- tièrement des deux côtés > celles dont le poil eft dur 8c peu flexible. On leur dom îiou outre cela quelque ornement , Toit oans la manière dont on les tailloir , foie dans les figures qu’on ytraçoit , foit dans ks couleurs qu on y mettoit. Les Peuples de Lybie paroifient avoir été des premiers , qui ont mis cet Art en ufage, C elt ee qu Hérodote nous fait connoître par ses paroles. „ Les Grecs ont pris des Ly- » biens Numides l’habit 8c les Egides des ». ^ ratues de Minerve , avec cette diffé- sj rence , qu’aux Egces des femmes Lybien- 3 , nés , les franges pendantes ne font point des berpens , mais de fimples courroyes» }3 quant au refte elles font faites fur le me- me modèle , & le Nom même témoigne» », que ] habit des Simulachres de Minerve ,, elt venu des Lybiens , car les femmes de Lybie mettent par-defifus leurs véte&etît * Bmtr, IM, it M oevrs des Sauvages s, des Egées c’eft-à-dire , des peaux de Ché-* „ vres courtoyées , qui ont de la frange s n 8c qui font teintes .én rouge. C’eft d.e 3 , ces Egées, c’eft- a* dite , de, ces peaux de 3 î Chevre dépouillées de ieur poil , que les »» Grecs on pris le Nom d’Egides. Du Ryer s’eft embarraffé dans fa traduc- îiou en expliquant le mot Egide par celui de Bouclier. Car quoique l’ufage ait confa- cré .ce terme pour Egniêer Je Bouclier de Pallas , 8c qu’on lui ait donné ce nom en effet , parce que les Boucliers des Anciens étoient couverts de peaux de Bouc, ou de quelque autre animal , dont le cuir fut en- core plus fort ., il n’y a néanmoins nul terme dans le Grec qui fignifie unBouclier , 8c ii n’en eft nullement queftion en cet endroit , mais feulement de la Robe qu’on mettoit fur les autres habits des Statues de Minerve. Ce qui eft évidemment expliqué, par la defcrip- tion que fait Hérodote de l’habillement des femmes de Lybie , qu’il dit être abfolument femblable à celui dont on couvroit les Simu*» lachres de Pàllas , avec cette unique excep- tion , que les habits des femmes de L.ybie jffavoient point de Serpens ou de figures de ferpens pendantes : mais feulement des fran- ges 8c des courroyes de cuir. On pou rroît dire peut-être , que le mot Egi- de , fignifie un Bouclier en cet endroit, parce que dans les temps les plus reculés, laRobef dont les hommes fe fer voient pour fe couvrir leur fervoit aufïi de Bouclier , ce que je ne nie fjas.Gar en effet, ^Apollonius de Rhodes nous jépréfente Ancée l’un des Argonautes , qui armant fa main droite d’une "Hache , 8c fe couvrant avec le bras gauche de la peau d’u^i S ApU% Rhodt Lib. z, ytr, 148 * - * 0 A-Kj!«fQjfArSs; Ours noir 8c horrible , s’élance plein -de co- iere pour combattre les Bébryciens , mais ce d inaire 5 06 ^ U On entenc * P ar un Bouclier or- Les Carthaginois avoicnt aprïs des Phéni- ciens la manière de préparer ces cuirs , 8c le fçavantM. f Huet prétend, que e’eft par les uns & par les autres , que s’ejl perpétué l’arc de faire les beaux Maroquins qui nous vien- nent d’Afrique 8c du Levant , 8c qui font a u- ourdhuy d’un fi grand commerce,, f Puifque tous les Scy thés étaient au/ïï habil- cs de peaux , il n’elt pas furprenant , que les l arthes 8c les Nations du Pont, dont le Païs -toit compris dans ces vaftes régions de la. icythie , fufient de fix .excellens ouvriers en :uir. Les Romains les aïant foûrnisà leur Em- Hte , Auguffe leuraifigna fept Maifons à feins ; 6c elle a un capuchon qui couvre hier la tête 6c le col. Elle ne s'ouvre point fur h poitrine ; 6c afin qu’elle ne fe déchire point : elle dt ourlée par fes bords d’un cuir fort noii Ôc délié. Ils mettent fur cette chemife une Cafaque de peaux de Loup marin, ou bien de Cerf & 6c d’autres animaux qu’ils prennent à h chaife , fort bien préparées & garnies de leu: poil. Ils coupent ces peaux par bandes de di- férentes couleurs, 6c les coufent fi bien le: tines aux autres , qu’elles ne paroiiTent faire qu’uns même piécei la Cafaque décend ui peu plus bas que là chemife , 6c fe termine er pointe furie devant. Les cuiffesSc les jambe font couvertes par une forte de haut- de chauffe 6c de bas , qui font de même marié- le, 6c femblent ne faire qu’un tout enfembie Les femmes font entièrement couverte: comme les hommes , mais leur Cafaque di dïfér-ente , en ce qu’elle décend jufqu’au gra! de la jambe , 6c qu'elle eft ferrée par une ceinture à laquelle elles attachent pour orne- çlufiçurs oflelets fort pointus , 6c de h longueus &£i\ï plusieurs oüeiets fort pointus , oc oc xa r longueur ; A M E R ï QJJ A I N S. U sngueur d’une aiguille de tête. Les plus ni J eu les , comme font ordinairement les j . eî „. s n s f onc ces Lortes.de Cafaques de la épouillé de certains Oifeaux dont lepluma- e blanc 8c noir , fait un affez joli effet. Les habillemens des Iroquois 8c des autres auva^es moins Septentrionaux , confïftenc i plufieurs pièces , qui, font le Brayer , une ircede Tunique, les Bas ou Mitaffes , les milliers Ôc la Robe. Le Brayer eft le feul néceffaire & qu’ils : quittent point. Ils fe dépouillent ai rément - tous les autres quand ils font dans leurs ahanes , ou qu’ils en font gênez , fan® ainre de bleffer la modeltie. Ce Brayer , que nos ïroquois nomment ccare y el t , pour les hommes , une peau ged’un pied 8c longue de trois ou quatre, la font paffer entre les cuiffes , & elle fe 3lie dans unepetite corde de boyau qui les mt furies hanches, d’où elle retombe par vant 8c par derrière, de la longueur d'un ;d ou environ. J’en ai vu à Rome à quel»» es Statues des Anciens Egyptiens qui em arochoientun peu , avec cette différence inmoins , que les Egyptiens , avant que faire retomber cette pièce fur le devant s 'eloppoient leurs cuiffes qui en étoîenr J vertes en dehors. .es. femmes s’enveloppent plus modefle- nt : celles des Nations Alffonquines por- t une efpéce d’Etole du de Robe fans bras* leefiir les épaulés , laquelle pend jufqu a •jambes, amfï qu’on les voit aux Statues femmes Egyptiennes. , Les Iroquoifes 8e Huronnes , ainiî que les Lacédémonien- , n ont qu’une efpéce de juppe ceinte fur reins , & qui finit au- deffus du genou. Terne IU, n & i 6 Moe urs des Sauvages Elles ne les font pas décendre plus bas, pour n’en être pas embarraÆees lorfqu’elles tra- vaillent à la terre. La Tunique eft une forte de Chemife fans bras , faite de deux peaux de Chevreuil , minces St légères , dépouillées entièrement de leur poil & découpées en guife de frange par le bas , & à la naiflànce des épaules , ab- fblumentde la meme manière que les Cui- rafles à la Romaine. Cette Tunique ,qui elt particulière aux Nations Huronnes St Iro- quoifes , elt de tons leurs vétemens celui qui leur paroït le moins néceflaire , & plu- sieurs s’en paflent aifément , particuliére- ment les hommes. Pendant qu’ils font en voïage & durant la rigueur de l’hyver , ils ont des bras polti- ches , lefquels ne tiennent point à l’habit ou à la Tunique, mais qui font liés enfemble par deux courroyes qui paflent derrière les épau- les. Les bas ou Mitons , ainfi que les François les nomment , fe font d’une peau repliée St confuë / laquelle s’étrécit dans le même fens que la jambe, St à qui on laifle endehors une frange ou un rebord de quatre doigts de largeur. Les femmes les font monter jufques aux genoux , St les attachent au deflous avec des jartieres joliment travaillées en poil d’E- lan St de Porc-Epy. Les hommes les portent jufques à mi - cuiflfes , St les attachent fu les hanches à la ceinture qui tient leur Bra yer. Ces bas qui n’ont point de pied , s’emboit tent dans des fouliers d’une peau Ample , fans talon St fans femele de cuir fort. On la fron- ce un peu fur les doigts du pied où elle ef eoufue s avec des cordes de boyau , à une pe- Amer ï a i n s. 2,7 te languette de cuir. On reprend enfuitc >us les piis avec des courroy es de la même eau a qu on paiTe dans des trous pratiqués de itance en diftance , &c quon lie au-deffus u talon , apres les avoir croifées fur le col du ied. Cette chauglire n’eft nullement diffé- ;nte de celle de Rois Parthes , dont on voit [uiieurs Statués à Rome 0 & entr’autres -ux de pierre de Touche qui font d’une très- rande beauté , & que Clément X I. a fait acerau Capitole, peu de temps avant que î laifler au Monde Chrétien , le regret d’a- >ir perdu un fi faint Pontife. Quelques-uns font monter ces fouliers j'uf- les a mi-jambes , pour être moins incom- .°l e f des P €§ , es ’&. aIors ia manière dont L rL??Jh hc k > S fait Sembler afléz bien la chau ilure qu on donne aux Héros ôc aux ■ns de guerre dans la Milice Romaine. 7?rr î ; 1 e[i u , n , e eP P éçe de couverture e* k î /r i °î ,gl ^ ed une bra ^een un fens,fur ie brafle & demie dans l’autre. On lailfe £ ^p?'i e ' S ‘ Une n ! 6 pGl1, Dau,:res font entière- - nr “épouillées : quelques-unes font faites F^? X n Cm Çî?- sd - a n * de Cerf ou de Bi- e, de Bœuf Ilmois, Sec. D’autres font de r C ^ S r ?P ï F 0rtees I de P iu/Ïcurs P^ux de Ca- r ou d Ecureuils noirs. Ces Robes font iSfSt 6 / 1 haUC bas 5 P arde s décou- ds de la peau meme, comme iesEgées 5 S mm „ esd 5 > ou les Egides de Pal- ■ Du cote de la tête , les découpures font petites , & un peu plus longues vers les ds : . A ceJJes qui font faites de peaux d’E- mils noirs , on attache les queues de ces maux a la bordure d’en- bas !&ces queuël ces découpures font le même e/Fet que les qu on voit aux Aumu/Tes desChanoinee B z ■ 1 $ M oe u r s des Sauvages Les Sauvages s’enveloppent dans ces Ro- bes qu’ils portent d’une manière négligée. Ils les aiïujettiflent feulement avec les mains, 8c rien ne les attache , û ce n’elt dans leurs volages. Car alors étant chargez de leurs paquets , ils les lient par le milieu du corps avec une ceinture pour n’en être pasembar- raflez. Dans les mauvais tems ils les font palTer fur leurs têtes , qui hors cela font tou- jours nues , comme celles des anciens Ro- mains , &: ont tout-à-fait i’air de celles que nous preféntent les Médaillés des Céfars. Pour leprefent la plupart des Sauvages qui font au voilînage des Européens , en confer- vant ieur ancienne manière de s’habiller , n’ont fait que changer la matière de leurs habits. Ils portent des chemifes de toile au lieu de Tunique , des brayers 8c des Mitafles d’étoffes, A la place de leurs Robes de four-: * res s ils fe fervent de couvertures de lai- ne , de poil de chien , & de belles écarlati- nes rouges & bleues. Il y en a aufli beaucoup qui portent une forte de jufte-au-corps à la Françoife , que les Canadiens nomment c&- pots. Mais / comme je l’ai déjà dit , avant l'arrivée des Européens , tous leursvétemens étaient de cuir. Les étoffes & les toiles leur étoient absolument inconnues , & ne font point encore enufage chez les Nations éloi- gnées ,, qui ne peuvent pas jouir facilement de nôtre Commerce. Manière de préparer les Peaux. La préparation de ces peaux n’eft pas diffi- cile ni de longue haleine. Après les avoir faites macérer dans l’eau affez long- tems , 8C a|kés les avoir bien r aclées 3 on les rend douj A M ! M Q u u A ! N S», jt£? ses a force de les manier ; de force qu’elles féchent , po ur ainfl parler, entre leurs mains. Pour les adoucir davantage; , on les frotte ivec un peu de cervelle de quelque animal 3 & en peu de tems ces peaux font fort flexi- bles , fort douces & fort blanches. Ils ne paflent point à l’huile celles dont ils Font leurs fouliers, & celles qulls veulent mettre à l’épreuve de l’eau ;.mais ilsfupléent tu défaut de l’huile, en les fai faut fumer, ce jui- produit le même effet. Quand ils' font vreflez , il leur fufïit de faire un périt trou en erre, fur lequel on fufpend la peau eoufue n forme de poche , & foütenuë par de pe- ites branches qui l’aflujettiffent en dedans lans toute fa longueur. Ils jettent dans ce rou du bois pourri , 8c d’autres matières qui e puiflent pas s’enflammer. La fumée qui en exhale , ne fortant point au dehors , pén- étre bien- tôt cette peau, qu’on peut enfuf- ~ fort bien laver fans crainte qu’elle fe ride* 'ette manière de fumer efl: la. plus prompte, lais elle jaunit les cuirs, ce qui n’arrive pas uand ils les fulpendent au haut de leurs labanes , fur les perches qui pofent fur les oteaux qui la foütiennenr & qui environ- snt les feux. Car la fumée qui s’en éleve étant point gênée comme elle l’eft dans 3S tuyaux de cheminée, ou dans ces pô- les coufues en forme de chaufle d’Hypo- as , le pénétre peu à peu d’une manière fenflble, fans les jaunir & fans lés noircir* ’fft de ces peaux qu’on fais les Tuniques fils font encore leiîlver apres s’en être ng- tems fervis. Toutes ces peaux font d’un :s-bon ufage , & dans l’art de les préparer,, es ne courent point de rifque d’être bru- ■S comme celles qu’on prépare en Europe* •?K> Moeurs des SaüvâgiS Peintures Cauftiquts- fur les Peaux, A l’exemple des Peuples de Lybie, don; bous avons parlé après Hcrodote,ils peignen ces peaux, & y font des figures de diverfe: couleurs, qui leur donnent* de l’agrément, êc en relèvent la beauté. Quoique cet ouvrai ge n’ait pas une grande fineffe , il demande cependant beaucoup de travail ; car avant d’j mettre la peinture, on grave affez profondé ment fur la peau préparée , toutes les ligne* dans lefquelles le Minium 8c les autres cou leurs doivent être infïnuées , de la même fa- çon dont les Anciens e-n ufoienf pour écrir< fur les Tablettes de Cedre enduites de cire C d’autres , Cauterium On peut en effet appeller Cauftique cett< peinture , en prenant ce terme dans un fen; métaphorique , comme on en ufe encore au- jourd'hui pour des opérations , où le fer pro- duit la même aétion que le feu. Car ce feroii une grande erreur de fe perfuader que ce; peintures Cauftiques des Anciens qui fe fai foient fur l’y voire 8c fur le bois , 8c fur de; tablettes enduites de cire, fuffent de la ma * Pli», lib, 35. c. xi. t Jfifor, 0 ?ïg. U b, 7, f, ^ Rbodigifit Itftïm, Antiq, lib . 8, c, Ameri qjj a i ns. 5 t me nature que celles où il faut nécefiairè- ment employer le feu , de la manière donc on en ufe pour les émaux. Si le Burin donc on fe fervoit pour graver fur l'y voire, eût été un fer rouge qu’on entend par le terme Cau -* ierium , il eût certainement gâté l’y voire ou le bois , & le feu s’y feroit fait fentir au-delà de ce qu’il eut fallu pour exprimer chaque trait, ou graver chaque fil Ion. Si après avoir fait touler dans ces traits' & dans ces filions les cires colorées , il eût encore fallu les ex- pofer fur le feu ou dans un fourneau, les cires fe feroient confondues , k bois fe fe- roit voilé ,& l’y voire eût éclaté. On n’em- ployoit donc le feu dans ces forres d’ouvra- ges , que pour rendre les cires fluides , &C pour les mettre en état d’être appliquées fur chaque traie , après les avoir bien mêlées avec les couleurs. Tout le relie de l’ouvra- ge n’étoit aufli par conféquent appelle Cau- flique , que métaphoriquement & impropre-, ment , parce que le Burin faifoit fur l’y voire &c fur le bois ,1e même effet que le feu fait ailleurs. Le Burin des Anciens étoit de fer ou bien d’os. Il fut même un temps où les premiers furent abfolument défendus , à caufc du danger qu’il y avoir d’avoir Toujours en main un infiniment, dont les bleffures n’étoient pas moins dangereufes que celles des Scilets, Les Sauvages originairement ne fe fer voient que de petits offelets bien poin- tus. La peinture que lesSauvages font couler dans les filions qu’ils ont gravez fur les peaux , eft une efpece de Minium ou decinnabre , qu’ils rirent d’une terre laquelle ell d’un affez beau •ouge , mais qui ne vaut pas nôtre vermillon, ils la trouvent fur les bords de quelques Lacs 3î_Moet?rs des Saïïv'ages ou Rivières. Iis y employent aufïi les fucs & les cendres de quelques plantes. J'ai toujours eu dans l’idée qu’il Te pour- roit bien faire que les Sauvages fiflent une couleur de la nacre de leur porcelaine réduite en poudfe impalpable ^ car elle eft du plus beau pourpre du monde. Mais ayant négligé de m’en informer dans le pais , & n ayant trouvé perfonne qui put m’en rendre corn- pte , je ne puis rien dire fur une chofe , la- quelle auroit pu nous donner de grands é- clairciflemens fur la pourpre des Anciens. Les Anglois établis à la Virginie , font à poi> îée de faire cette recherche. Il, ctt évident par tout ce que j’ai déjà dit de l’habit de peau des femmes de Lybie , 6s de la Robe Théâtrale , foie le Syrma , foit la oatyrique , à qui on donnoit les noms de 'ChUm i F. o rida , ou de Purpurium- Pallium , que cette manière dépeindre les peaux de la pre- mière Antiquité, il m’eft venu fur cela deux réflexions. La première efë, que lorfque les Auteurs 3es plus anciens nous parlent des Robes pein- tes, Si des Robes travaillées à l’aiguille , ils veulent peut-être parler de cette peinrure'que j’ai appellée Cauflique , Si que par l’aiguille Babyloniene , Phtygiene , Sémiramiene, Sy- domene, il fe peut faire qu’on doive plûtoc les entendre d’un Burin à graver , que d’une aiguille à coudre. La fécondé, c’eft que quoique l’on ne puif- fe nier que Parr de brocher Si de mettre les laines , les fils Sii. les foyes en œuvre pour ; s’habiller , ne foit trés-refpeéfable pour fon antiquité , il elfc néanmoins poliérieur à celui de graver Si de peindre fur les cuirs , dont la priorité, fi j’ofeme fervir de ce tenue de l’E» A M E Ri QjTT AINS. 55 tôîe , fe manifefle encore dans un grand nombre de Nations, qui l’ayant reçu des pre- miers âges du monde , ont ignoré jufqu’à noç temps l’ufage des toiles ôc des étoffes pour s’en gouvfîf. On peut bien attribuera Pallas l’iiwgntioQ de cette peinture Cauftique , & auBuriru M ais je ne fçai fî c’eft à elle qu’on elt redeva®* bie de l’art des-Tiflerands. La raifon qui me fait croire l’un , me fait douter de l’autre. Dar ce n’étoit fans doute que par refpeét pour 'Antiquité , &c en mémoire des habits qu’el- e portoit elle-même , ou qu’elle avok mis première à la, mode, que les Athéniens fai- oient de peaux de Chèvres courroyées , les rètemens les Egides.de fes Simulachres , à 'imitation des Egées des> femmes Lybiennes* ’àllas étoit néedans la Lybie , félon la fable a & foiihit mieux le métier de la guerre , que elui de coudre &de filer une quenouille. Je fçai que ce que je dis ici révoltera d’ab- ord certaines perfonnes , qui ne croyenc pas u’on en puiife ôter l’invention à Minerve 3 nntre lefenrimentcommun qui ku enattri- uë tout le mérite. Ce que je dis néanmoins î trouve fondé fur l’Antiquité fuffifammenç our faire naître un doute. Car outre que Jur us Firmicus * dillingue dans la Théologie [iltorique desPayens, cinq perfonnes fous ; nomade Minerve , qu’il eff a fCez difficile î démêler , Paufmias ^ fait l’Auteur de cet t Areas fils de Calliito. Quelques-uns en mt honneur aux Lydiens* d’ajtres=aux Egy- iens. St donc on a regardé.dans la fuite M 4- ’rve comme l’inventrice : Si à Athènes ow t peinte avec une Lance d’une main, & une *?utius Firmk. lib. de erroreProf. Rttiz* J, HAufa.niAi ia Areadie^a^ s 3 8» . a ît %4 Moeurs des Sauvages Quenouille de l’autre s Si les Poètes ont fein à la louange la fable de fon corubat d’émula- don avec Arachné , cela n’a été que par une efpece d’attribution honoraire , parce que le; Anciens fous le perfonnage de Minerve née di cerveau de Jupiter , reprefentant la fageffi de Jupiter ou du fouverain Elire , en avoiem fait une Divinité , laquelle préfidoit à toute: les fciences & à tous les arts , dont l’inven- tion marquoit de la fageiTe & de l’intelh gence ÿ ce qui nous elfc parfaitement bien ex- pliqué par faint Ifidore de Séville *. Peintures Cauflique s fur la chair vive . Ce n°efl pas feulement Part de faire ce; fortes de peintures Cauftïques , fur les peauj de Chevreiiil & des autres animaux que le; Sauvages ont hérité de leurs peres , ils en ons encore appris celui de fe faire de magnifique; broderies fur la chair vive , & de fe compo- ser un habit qui leur coûte cher à la vérité . mais qui a cela de commode , qu’il dure aufïi long- temps qu’eux. Le travail en eft le me- me que celui qui fe fait fur les cuirs. On crayonne d’abord fur la chair le deffein des $gures qu’on veut graver ; on parcourt en- suite toutes ces lignes , en piquant avec des aiguilles ou de petits ofifelets , la chair juf- qu’au vif, de maniéré que le fang en forcée Enfin on infinuë dans la piqueure du Minium , du charbon pilé, ou telle autre couleur qu’on veut appliquer. L’opération n’en ed point extrêmement douloureufë dans le moment qu’on la fait j car après les premières piqueures les chairs font comme endormies ; d ailleurs lea Qu- * tffr, Qtig< liï* safa i®. . ' Ami ki ctu ains, u Vriers de ces fortes de tapifleries travaillent avec tant d’adrefle 5c de promptitude , qu’ils ne donnent prefque pas le temps de fentir. Mais après qu’on a infinué les couleurs , les playes s’irritent par cette efpece de venin , les chairs s’enflent , la fièvre furvient 5c dure quelques jours ; il y auroit même peut-être du danger pour la vie , fi l’on faifôit l’ouvra- ge dans Ton entier , fur-tout lorfqu’il doit etre fort chargé, Sc s’ils ne prenoient des temps doux & tempérez, pour éviter les in- con vemens qui en pourroient arriver dans les grandes chaleurs. Les Auteurs font mention de cette Peintu- re Cauftique , d’une maniéré fort claire 5c fort difïinéte. C’efî elle qui donna le noms » aux Piétés. Ce nom , dit S. Ifidore * de Se- 19 ville, convient parfaitement à l’image que « préfente leur corps, que l'Ouvrier peint B en y gravant plufieurs figures par pîufieurs * P etits points qu’il y fait avec une aiguille , 8 & dans lefquels il infinuêle fucdes plantes 9 qui naiflent dans leur pays,afîn que leur 9 noblefle écrite , pour ainfi parler , fur fous 9 les membres de leur corps , fe diftingue du > commun par le nombre de ces caraétéres.. mlin t parle des mêmes peuples à peu prés tans le même fens que S. Ifidore. Pomponius * 19 , cap. *y. Nec abeft'çens Piftorunî * omen a corporehabens, quoi minutis opifex acus punftis 1 eX P» e flos nattvi graminis fuccos indudit, ut has ad fol ’eciena cicatrices ferai Pi dis artubes maculofa nobilitas. t Sohnm d» Magnâ Britamiâ cap. Regionem îenent artim Barbari , quibus per artifices plagarum jan inde4 ueris varias aninaalium effigies incorporantur, infcriptifque ifcenbus hominis , incremento pigmenti notas crefcunt. eque quidquam magis patientiæ* loco nationes fera; cki- îfean6^ UainUt ® 8 * p3eraorei dcawiees gluriraum fuciaïWt B 6 Moeurs dis Savvàges Mêla § y traitant de la Scythie d’Europe, dit des Agathyrfes , qu’ils peignoient leurs vifa- ges &c leurs corps de figures inéfaçables ; les grands s’y diliinguoient par-là du commun peuple , à qui il n’étoic pas permisd’en avoir un Ê grand nombre que les gens de qualités Lucien * rend le même témoignage desAfly- riens. Hérodote f a/Ture auffi que les fem- mes de Thrace faifoient conlïtëer leur no- ble/Te dans la quantité de eesmarques , qu’el- les faifoient graver fur leurs vifages. Je laifTa f lulïeurs autres paflages des Hi{roriens & des oetes , lefquels font aflez connus^ Comme plufieurs Nations perdirent cet ufage »&: qu’ri n’y avoir plus que lesBarba- les qui en fiiTent parade lèsidées de beauté & de nobleiîe qu’on y avoit attachées, chan* gèrent bien dans la fuite des temps f j car cettë peinture devint une marque d’infamie parmi Les Peuples, policez- , de forte qu’il n’y avoir que les efclaves ôr les- criminels qui fu/ïènt ainft- notez* , fôit qu’on leur imprimât des caradrérespour les reconnoître & les em- pêcher de fuît , foit qu’ils vinflent ainE mar- quez des pays où on les avoir fait captifs. Les Romains les appelloient par d éri lion les % tirés, & on difoit parmi eux,, comme en proverbe, qu’il n’y avoit point de gens plus leiuM irés que les Samiens J parce que les efclaves* «menez de Samos, ou peut-être de- Samo- thrace , avoient un plus grand nombre de ces figures. On leur donnoit auiïi en général le aom d s lflriens >,à caufe du grand nombre do ceux qu’on amenoic d’Iftrie, dont les Peuples excçlloient dans ces fortes depiqueures. Oa Vempômis Mel * , Ut, x-. eap. ix. * Lucia». de Ve& r tr f Utrifaulib, $,#.£, $ moAig* C*Lu$-Ufài ; 8* _ A MER IQJT A ÎK-f. fT les appelloit autfi les Bleus c*, uieo * , à caufife de la couleur du charbon pilé:, qui devient bleuâtre dans la chair car il effc infmué, 8c eœlatos , les Cizelez- , parce que leur corps pa- roidoit comme un ouvrage de. marqué ce* rie. Le nom dé Lettrés ou dé Potygrammates , ne fignifîe pas , que tous eufîent des caraétéres de l’alphabet imprimés. Ce terme doit être pris» dans umfens plus générique. En effet,Rhodi- ginus dit qu on imprimoit au* Athéniens la» figure d’un Cheval , à quelques autres celle d’un vaiffeau , & ain&de plulïeurs» autres gures arbitraires-. Les cruelles inci/îons, qui fbnren ufage chez les Amér-iquains Méridionaux , déviera nent des peintures inéfaçables y les playes qu’ont fait les dents- dlAcouiy , dont ils fe fervent pour cet effet, ne fe ferment jamais» fans laiflcr une cicatrice, laquelle devient bleuâtre à caufe des cendres corrofîves des, courgesdauvages & des autres drogues qu’ils f infèrent. L’ouvrage n’en eft pas fi délitât ci fi long à finit , que celui qui fe fait avec es offelets ;mais ileffbien plus douloureux , k l’om peut bien dire de ces Peuples ce que * >olin a dit des Piéfes , que rien ne doit don* ier plus d’idée de leur patience & de leur onltanee invincible , que le courage qu’ils >qt , à laiffêr faire fur eux un plus grand ombre de ces playes, dont le fouvenirne dok as plus s’effacer de leur efprit , à caufe de la-, ôuleur qu’elles leur ont caufée , que la cicat- rice peut s’effacer de deffus leur corps. J’ai fait voir , par leurs différentes initia*, ons , que c’ëtoit une pratique de leur Reli*. ion ancienne» On peu: dire aufll, que c’efi , liucsfo Moeurs des Sauvages chez eux une marque de leur nobleffe , aÿïfî que l’é coi r chez les Agathyrfes , chez les Peuples de Thrace , chez les Piétés , & géné- ralement chez tous ceux dont les Auteurs nous ont parlé à cette occalîon. Car véritable- ment ils fe font honneur de ces marques glo- rieufes , & Ton doit avoir remarqué dans, k cours de leurs initiations , qu’ils en reçoivent un plus grand nombre , à proportion qu’ils s’élèvent & deviennent plus considérables 3 chaque nouveau degré d’élévation exigeant de nouvelles épreuves Sc une nouvelle cere- monie , dans laquelle on leur fait toujours ufn grand nômbte de ces douloureufes md~ iïons. Je ne fçai fï c’eft un point de Religion . ous’il l’a été originairement parmi lesNations de l’Amérique Septentrionale > ce font au moins des marques de confîdération , & le! notables fe font honneur d’en avoir un plus grand nombre, que ceux qui leur font infé- rieurs. Entre ces Sauvages Septentrionaux , quel- ques Nations ont plus de goût pour ces Pein- tures Caufliques que d’autres j elles font plus communes Sc d’un travail plus recherché à la Virginie , à la Floride , & vers la Louifïane s que chez celles qui font plus au Nord , Ie£ quelles en ont moins. !1 y en a même quel- ques-unes , à ce que je croi , qui n’en avoient point l’ufage. Les Iroquois me parotiïent l’a- voir pris de leurs voilîns : les hommes fonî prefque les feuls qui fe faiïent piquer , Sc la plupart ne le font qu’au vifage , tout au con- traire des Brehiiens 8c Caraïbes, qui r égaré dent » dit-on , comme une marque d’efclava- ge, d’avoir le vifàge ainfi marqué. Les fem* mes Iroquifes ne fe font point piquer du tout , E ce n’elt quelques-unes en petit nom- r Amzrïq^Ainî. bre , fefquelles s’en fervent comme d’un re- mède pour prévenir ou pour guérir le mal des dents , & celles-là le contentent de faire tracerune petite branche de feiàillage le long" de la mâchoire. Elles prétendent que le ner£ par où l’humeur coule fur les dents , étant pi- qué, elle n’y peut plus tomber 3 &c quainfl elles guériffent le mal en .allant jufqu’à la, fource du mal. C’èlî: aufïî apparemment de- cette peinture cauftique qu’ont voulu parler ceux qui ont écrit que les Huns fë farfoienc brûlerie menton & le bas du vifage dés leur enfance avec un fer chaud pour n’y avoir p(»nt de barbe , car il n’èffc plus polïible que la barbe puifïe poindre où l’on a été piqué de cette forte j & il faut expliquer ce qu’ils, sn ont dit par ce qu’en a écrit Ammietk Marcellin. * Peintures caufiiques hiéroglyphiques»- Les figures que bs Sauvages font graves tir leur vifage & Itir burscorps , leur fervent le Hiéroglyphes y d’écritures , & de mémoir- es. Je m’explique : Quand un Sauvage re- dent de la Guerre & qu’il veut faire connoî- re fa viéloire aux Nations voifînes des lieux il paffe : Quand il a marqué un lieu de. hafle , qu’il veut qu’on fçache qu’il a choifi et endroit pour lui , &c que ce feroit lui faire n afFont que d’aller s’y établir , il fupplée ails léfaut de IfAlphabetj^ui lui manque, par des ottes caraétérifeiques , qui le diftinguen&. •erfonnellement j. il peint fur une écorce * * Ammian-MxrceUims^lib. ii. de Humis. Ab spffs naf* ndi principiis infantum ferro fuîcamur altius gens , u® lorum vigor tempeftiviùs «nex^ens » conugaûs cicasnsl» ■s j. heb.e(etu£, 4 o Moeurs des Sauvages qu’il éieve au bouc d’une perche daiïs ün li'elï de paflage , ou l>ien il lève avec fa hache quel- ques éclats fur un tronc d’arbre , ôc après y avoir fait comme une table rafe , il y trace fon portraïc , ôc y ajoûte d’autres caractères qui donnent à entendre tout ce qu’lis veu- lent' faire fcavoir. Quand je dis , qu’iî y fait fou portrait , je fuis perfuadé > qu’on comprend aifément*. qu’il n’eft pas- affez habile pour y marquer tous les traits de fôn vifage : de forte qu’il y fut connoiffable à ceux qui l’auroient vü , ce n’eft pas non plus ma penfêe. Ils n’ont point en effet d’autre manière de peindreences oc-' calions que celle dont on a attribué l’inven- tion aux Egyptiens,dont on voit encore quel- que chofedans leurs Obélifques , ôc qui a du- ré plufîeurs fiécles dans fa première fimplicü- tè. Je parle de cette Peinture Monogramme ou Linéaire- ^laquelle ne eonftftoiï prefque que dans les lignes extrêmes de l’ombre des»! corps , plutôt que des mêmes*, * Peinture Ci imparfaite , qu’il eût fou vent fallu ajoûter an Bas le nomde la chofe qu’on vouloir expri- mer , afin qu’on pût la connaître. Cependant lès Peuples fe faifoient un tel honneur de l’a- voir trouvée , que Pline a/Ture que les Grecs en difputoient la gloire aux Egyptiens. LeSauvagedonc, potirfaire fon portrait tire une ligne /impie en- forme de tête , fânsj ymettre prefque aucun trait pour defigner les yeux, le nez, les oreilles , ôc lesaunes partie^' du vifage: eu leur place il trace les marques qu’il a fait pointer fur le fen , aufli-bien que celles qui font gravées fur fa poitrine, ôc qui lui étant particulières , le rendent connoifïa- ble-, non- feulement à ceux qui l’ont vü > mais *Pti>i,kiJLnai,lib, 35 . ta j>. 3 .» A M E R I QJT A IN î. 42 ncore à tous ceux qui ne le connoiffant que le réputation, fçavent Ton fymbole Hiérogly- que , comme autrefois on dilhnguoit en Eu- ope' une perfonne par iadevife * & que nous îfcernons aujourd’hui une famille par fes ar- iennes. Au deffus de fa tête il peint la choie ui exprime fon nom : le Sauvage , par semple , nommé le Soleil , peint un Soleil j J côté droit il trace les animaux qui font s fymboles de la Nation &c de la famille ont il efh Celui de la Nation elt au-deffus ï celui qui répréfense la famille ,8c le bec 1 le mufeau de ce prémier cft tellement pia- : , qu’il répand a l’endroit de fon oreille oite, comme fi cette figure fymboliquede Nation en reprèfentoit le génie qui l’inf- re. Si ce Sauvage revient de la guerre, il prime au-deffous de fa figure le nombre de lerriers qui compofenc le parti qu’il con- ut , 8c au deffous des guerriers le noitb- e des prifonniers qu’il a faits , 8c de ceux fil a tués de fa propre main. Au côté gau- e font marquées fes expéditions 8c les pri- iniers ou les chevelures enlevées par ceux fon parti. Les guerriers font répréfentés ec leurs armes , ou fimplemenr par des nés i les prifonniers par le bâton orné de imes 8c par le Cbichî faite , qui font les mar- es de leur efclavage. Les chévelures ou les irts , par des figures d’hommes , de fem- s , ou d’enfans fans tête. Le nombre des méditions elt defigné par des nattes. On lingue celles où il s’eft trouvé , 8c ceHes il a commandé , en ce que ces dernières rquées par des colliers attachés à la natte», le Sauvage va en ambaffade pour faire îa x, tous les fymboles font pacifiques. Il eft réfenté au-deffous de fa figure avec le Ca» 4î Moeurs dïs Sauvages îumet à la main *, on voit outre cela au coté gauche le Calumet en grandes figure fymbo- Jique de la Nation chez qui il va en négotia- tion ,&Ie nombre de ceux qui l’accompa- gnent dans Ton ambaflàde ; mais tout ceci fera plus feniîble par l’Eftampe que j’en fais graver, Sc pàr l’explication de chaque Fi- gure. Cet ufiage, au relie, que je viens de décrire, elt le'propre des nations du haut de la rivière S. Laurent , Sc tirent vers la Louifiane , les autresNations ont auifi leur méthode parti- culière ; elle n’eft pas tout uniforme : mai ce qu’il peut y avoir de variation elt conni de toutes les Nations Sauvages de qui elle font connues elles-mêmes, j’ai vü plufîeur fois de ces fortes de Peintures Barbarefque dans les Cabanes ïroquoifes , mais je ne les a pas affez préfentes à l’efprit pour en parle d’une manière plus détaillée Sc plus exaéle il me fuffit de dire en général que tons ce Peuples ont entr’eux une très-grande quantité de fymboles Sc de figures de toutes efpéces qu’on peut regarder comice un langage paf ticulier , lequel elt allez' étendu'. Sc fiipple en beaucoup de chofes au défaut de l’écritu re , d’une manière même qui a quelque choi de plus commode qu’une Lettre. Peintures paffageres. Les Peintures Caultiques Sc inéfaçaN n’evnpêchoient pas les anciens, & n’empi chent point encore nos Sauvages de fe donq l’agrément d’une autre Peinture paflagére ei guife de fard v qu’ils renouvellent toutes lé iFbis qu’ils veulent fe mettre fur leur propr Les Auteurs anciens rendent généralemq , . Amer: q^u a i n S. 42 • e témoignage des Indiens T des Afriquains 3 îes Piétés , des Gelons , des Agathÿrfes , 5c le quantité d autres Peuples y mais quelques- msfe peignoient tout le corps , amfi que le >ratiquoient encore les Ethiopiens du temps le Pline , * lequel affûte qu’ils fe coloraient le vermillon depuis les pieds jufques à la ête : C’étoicnt fans doute les Peuples qui al- oient tous nuds , lefquels en ufoient de la brte. D’autres fe conrentoient de quelques grémens coïnme lesPerfes , f de qui Xéno- >hon écrit que Cyrus leur avoir permis de fe •eindre le tour des yeux, afin qu’ils paruffent es avoir plus beaux & plus vifs. Chez les Romains , qui ne paEoiffoient pas' voir grand goût pour la Peinture Cauftique 5 u moins dans les derniers temps, cette autre *einture que je puis appeller journalière 9 voit non- feulement de la dignité & de la no- leife , mais encore quelque chofe de facré 8c e religieux, f ainfi que Pline en fait for. /eft pour cela qu’aux jours de Fêtes iis pei- nôient les Statues de Jupiter avec du ver- •sillon ; parce que cette couleur imite davan- age celle du feu. Us peignoient de la même aaniëre toutes les Statues des Dieux , des de- 11 - Dieux des Héros , des Faunes , 5c des atyres ; c’eü: ce que nous expriment parfai- lent ces Vers de Virgile : § Pan Deus Arcadia venit , quem vid'mus ipjjî Sanguintis Ebuli Baccis mimoque rubentem . C’eft auifi à quoi les Poètes 5 c les Peintres * Plinias , lib. $}. cap. 7. ÿ Xenophon , lib. 8. Cyrop. p. nt ( 5 PU», loc. cit. f Firg.Esleg.iQ, v, 44 Moeurs des Savvagis font aliulion lorfqu’ils donnent aux Faunes St aux Satyres un vjfage extrêmement allumé & de couleur de fang. Ainft quand Eglé peint celui de Silène avec des meures : t Sanguineh fronirn tnoris & trnpra pivgit* Cela ne doit point être regardé comme un badinage , ou une efpéee de tour malin qu’od peut jolier à un homme endormi , mais com- me une galanterie , dont Silène 3 qui dans un âge avancé avoir tous les agrémens de la jeu- neffe , devoir lui fçavoir gré , ôt par recon- noiffance lui chanter les chanfons qu’elle lui demandoit. Dans leurs Triomphes , qui éroienr com- me une rëpré Tentation de Jupiter dans ùi gloire, le vainqueur , allant au Capitole of- frit le facrifice à ce Dieu , paroiffoit fur fat Char, peint lui- même de vermillon depuis 3a tête jufques aux pieds. Camilius * trionj! pha de cette forte , comme Pline le dit dans l’endroit que je viens dé citer. S. ïfîdod *}* de Séville rapporte au fîî , que cela s’obfer] voit univerfeliemem à l’égard de tous ceui à qui on décernoit cet honneur- J’ai vît dans le Palais des Ucfms , qu’oe* cuppoit feu M. le Cardinal de la Termoill^ une Statue d’un Hercule nud , piqué pâ tout le corps de petits cercles , avec m point dans, le centre. Il n’y paroiffoit qui cette peinture Caufïique , & point d’autre couleurs ,, que le temps ait pii effacer. Mai: peu de jours avant mon départ de Rome' on fît prêfenc à M. l’Evêque de Siftéron chargé pour lors dés affaires duRoyaupré •f Vtrg. Etlog. 6, vtr. ir. ke» tit, t M* t*» ca £* *•<> Amer i q v A ï k s. 4f s Sa Sainteté , d’un petit bulle de Bacchus i marbre , d’une palme de hauteur, qu’on ^oit trouvé > il y avoir peu de temps , en eufant dans la vigne du Noviciat desje- ùtes , auprès de la porte Pie. Ce Bulle me irut fort précieux , à caufe de ces deux for- s de peintures qui s’y remarquent encore, a Cauftiquene fe voir bien que fur la joue mche , elle prend à l’angle extérieur de Eli, 6c ferpenrant le long de la joiie, elle lit au- deflbus de la mâchoire. Je ne pus les diftinguer la figure qu’elle réprefente. ?ut être elt-ce le ferpent fymbole de cerce iviniré , 6c de toutes celles qui préiidoient ix Orgies 6c aux Mylléres. La peinture ifTagére eft beaucoup plus fenfibîe que la auftique : le Cinnabre y eft encore attaché itour des paupières , aux deux angles m- rieurs des yeux , autour des oreilles , îx coins de la bouche , & fur le haut du ont , où eft une branche de Lierre qui lux it une couronne. feus l’honneur de le préfenter à M. le irdinal Gualtieri , 8c cette Eminence , qui int un goût exquis pour l’Antiquité à tou- s les autres qualitez , qui font un mérire t>lune , me Et voir en même temps dans n riche Cabinet , deux Urnes Cinéraires* il avoient été trouvées dans l’Ombrie , 8c i toutes les figures étoient peintes , cha- le figure aïant une couleur uniforme , ré- nduë également fur le vifage , fur la chair, fur les armes du perfonnage quelle ré- éfente. Cetre Eminence me parut croire; le ces Urnes étoient du temps des Anciens yrrhémens : mais la finefie de l’Ouvrage^ forme des Cafques 6c des Cuira/Tes a la omaine, meperfuadent quelles fontd*ua 4 peuples barbares de l'Antiquité fe faifoient un plaiür de les bien graifTer , 8c de les relever par des couleurs artificielles. Il y avoir aufïl différentes manières de les porter* où je crois qu’il entroit de la Religion , puifque Dieu défendit fi expreflement aux Juifs de couper les leurs à la façon des Gen- tils , afin de ne pas idolâtrer en ce point avec les Nations , qui ne connoifïbient pas le Dieu d’ Abraham '8c de Jacob. Or les Nations avoient chacune fur cela leur idée particulière que les Auteurs An- ciens nous ont fait connoïtre dans Leurs écrits , 8c qu’on voit encore dans les Monu- mens qui nous relient de l’Antiquité. Les Egyptiens razoient entièrement leur tête pour les raifons que nous avons déjà apport tées. Les Lycens * portoient la longue çhévelure 5 8c en étoient extrêmement ja- loux. Maufole Roy de Carie , les aïant vain- cus 3 leur impofa de trés-groffes contribu, dons. Ceux - ci aïant répréfenté qu’il leui ’étoit impofîible de les payer , le vainqueui lit femblant d’écouter leurs raifons , 8c fe contenta de leur ordonner de couper line partie de leurs cheveux , ce qui étoit alors une marque de fervitude chez les Cariens , comme ce Teit encore aujourd’hui chez les Caraïbes 8c les Sauvages Méridionaux. Mais * Ârifiet, Qtcmm. lib. i. , Am Sri ç^v atns. 47 s Lyciens aimèrent mieux fubir toutes les mditions les plus onércufes , que d’execu- r ce dernier ordre , jugeant qu’il valoïc îeux encore n erre que tributaires, quoi- l’il en pût coûter , que d’être efclaves. Les Ailles peuples d’Afrique , coupoient leurs icvenx , 6c n’en lailfoient qu’un flocon r le devant, f Les Corybantes de Chalci- ' au contraire aïant remarqué que leurs nemis les prenant aux cheveux , les ter- floient aifément , le failoient razer tout devant de la tête , & ne les lailfoient croî- ? qu’un peu par derrière depuis une oreille fques à I autre. ^ Les Abantes êtoient ton- ^de h même manière , 'àuffi-bien que ; Machlyens. On apella cette tonfure ih e f- ? en l’honneur de Thefée , qui fit couper ifi les liens , lorfqu’il en conlacra les prê- tes a 1 Oracle de Delphes : on la nomma fli Heffioride en mémoire d’Heétor. § Les aces razoïenc les deux côtés de la têre , ne lailfoient qu’une hure fur le fommet , ïuelle prenok depuis le front jufqu ’à la Llfance^du col.Les Maxiens qui fe glorï- ient d’être delcendus des Troyens , * 6C 1 fe peignoient tout le corps avec du ver- llon , faifoient couper tout le côté gau- e jufqu a la peau , 6c ne touchoient point coté droit. J’ai^ lû quelque part , mais ne fçais plus où c’elt , que d’autres au nrraire lailfoient croître leurs cheveux à uche , 6c razoient rout le côté droit pour avoir plus de facilité à tirer de l’arc* Herodot. lib. 4. » ,80. Strabo, lib. 10. pag ; i D . [ Pjnwb. i» The/e , Herodot. lib. 4. ». lîo* Herod.ot. lib. 4. a, 17 j, fitrodot,iib. 4. ». i$i. 4S Moeurs des Sauvages Les Arabes fe faifoient tondre en rond , ne portant de cheveux que depuis le fornmet de la tête jufques aux oreilles. * Ils pré- tendoient imiter en cela le Dieu Bacchus 5 & c’ell ia tonfure qu’on appelloit Bacchi- que. L’Amérique renferme encore dans fon fein une multitude de Nations , en qui l’on voit la bizarerie de prefcjue toutes ces chévelures différentes. Les Breliliens portent tous uniformément la tonfure The fekte ou des Corybantes de Ctaalcide ; & Hierôme Staad , qui ne fçavoit pas ce point d’Hiffoire &: qui ne faifoit attention qu’à la tonfure Monachale , en a tiré une mauvaife con- clufion , en croïant qu’ils l’avoient reçue de S. Thomas ou des Apôtres ^qui ancienne- ment leur avoient annoncé l'Evangile. Les Iroquois laiffoient croître la leur abfolu- ment , fans la couper comme lesLyciens; ils la graiffoient Amplement , fans y mettre de couleurs $ ils n’en mettoient pas même fur leur corps ou fur leur yifage , h ce n’ell en temps de guerre } enibrte que c’étoit-là une efpéce de déclaration qu’ils alloient chercher l’ennemi : mais le mélange des Na-j lions aïant corrompu leurs mœurs , ainlî que je l’ai déjà dit s les a auffi changées fur ce point, comme fur beaucoup d’autres} de manière que leurs Anciens fe plaignent aujourd’hui 3 comme Ju vénal f faifoit de fon temps , en voiam la Ville de Rome in- fectée de tous les défordres de la Grèce. Leurs jeunes gens tout occupés de la va- nité & du defir de plaire , ont recours î l’Art pour s’embellir 3 & empruntent da ornemeoî » Herodot. lib. 3. M. S. ’fyfuvinal' Stat» j « A M E R I Qjtf A I NS. A « r ™ ns étrangers , un agrément qu’ils ne royent pas pouvoir trouver en eux mêmes ocre manière de sajufter , JaqueMe oaTok laislfon^ Chlnaîs » ne leur déplaît p'às : sVonr ^, dneC °T lai ^ nce infin «, quand lillVrr ^commodes a leur mode. Leur v m^rr d * paS des mieux fourmes , mais s y mettent un temps infini , ik elle les oc- ' •pe autant que les Dames d’Europe , £ i UC rf U P P > que Jes ,eurs ^ qui paroi? ' pe ÿ Iadees c l Ue Ja bien-féance , la pu- ' ^ CUr f travaux domefliques , de- TTn il, £ la i de modeftle & àe fîmp licite, un jeune Iroquois donc , pour embellir tete coupe Tes cheveux d’un côtëï deux avers de doigt de la peau , & il les laf/fe ^ r f de . lamre dar >5 route leur longueur. )ur les ajuiter enfume apres les avoir graif- ff tiTJXT? ’ 11 PratJ ^ Ue * *««* la tete un ou trois petits toupets en for- ir façonné 5 1 y auache ’ av ?c un peu de ïr façonne s un petit morceau de porce- >rf^i anC m *’ & 11 pa/Pe dans ,a fraie de iai- tte du milieu un tuyau de plume orné d- jerfes couleurs. Il hit relever à œntre 'du V - C il d t U r f fl> fieS cl i eveu . x d » côté tous les matins ils g donnenl un habit de couleur : le fond en elt d ecar late qu’ils ont foin de damafquiner en ) ajoutant plufieurs autres figures de d.ffeten- tes couleurs , pour relever celle du_ fond A Fhabit. Dés qu’ils font foras du bain , & qu’ils fe font un peu fichez , leuKfemm| Viennent dans le Carbet avec des Calebaffe. pleines de Kocou , & d’autres couleurs de- trempées dans l’huile de Palmilte ou de je- nipar. Elles peignent d’abord tout le cor| avec le Rocou , & ajourent enfuite plufieuj autres ornemens. Les jouis de fete & Amer j q u a ï n ç ^corDs t dam fe fonC ° U , rre cela frottet t0 « Is rémod eau S'uante , fur laquelle oaue P s dW Une f oudre cendrée fa ' te de ui sV atSchê °VT" T" erpéc - e de duv « y attacne , oc les fait paroitre enoln les comme des Oyfeaux /d’autres u& qudle P || r s e g0 7 mée odoriférante /fat p!us beJlesfleurs Plufieurs Nations fe percent le cartila^ 1 ne * encre les narines; & y «tàchînc uS , er , re verte rranfpareme 8c taillée en fer dr jfe, ble " * y ^fêtent une plume , u s etendant des deux côtés , leur fait un/ Uftache * Les Brc/Ï,e ™ 8c les araibcs fe font outre cela de grandes ou W^?*^ nS Ia *$ vre inférieure & dans les aes . ils font paffer dans ces ouvertures de os boutons de procelaine arrondis /ou ilez en poinr de Diamant. Ces ornemens r font a/Tes incommodes lorfqu’ils man nt : mais le fexe fe perfuadera a fém?nt ils fouffrent volontiers cette incommo e > s ils ont dans l’idée, qu’ils en onr nlnë igrement. La beauté coûte encore davan e a une certame Nation de Sauvais / ' * f Lopes der" Prlndpe qu ’ ils font’œ ,Pes de Gomara en a rapporté r teur dit que les Hommes ^ percent • mammelle , & quelques - unf tous l? s ? , 8c infèrent dans les trous certaine ‘ f. Tu" r de a lon S ueu r d’une Palme 3c oie. Ils le percent suffi le gras des cuif . & y font entrer des cannes comme d- f smammelles î ces Sauvages fonfplacés s le fonds du Golphe du°Mex"qu P , & ■*>“ * «"“"•H* Yi . Moeurs des Sauvages habitent une Iile qui n’efl pas fort éloignée de Panuco. Les femmes des Sauvages entretiennent leurs cheveux , 8c en font jaloufes au-de-là de ce qu’on peut imaginer. L’affront le plus fan- glant qu’on pût leur faire , ce feroit de les leur couper , elles n’oferoient alors fe mon- trer j & fi dans le deuil elles en coupent quel- que chofe, ce n’eft que pour fe condamner à la retraite. Leurs cheveux 8c généralement ceux de tous les Sauvages , font très-beaux & du noir le plus foncé qu’il y ait ; elles les araiffent d’huile, & ont très- grand foin de les peigner. Quant à la manière de les por- ter , elles fe diftinguent par tout de celle dont les hommes portent les leurs , excepté chez les Caraïbes des Antilles , 8c chez les Galibis , où les femmes les accommodent prefque de la même manière que leurs ma- ris : mais elles ont aufïï quelque chofe de par- ticulier qui les diltingue , 8c que les femmes n’ont point ailleurs : ce font les Brodequins qui font la marque infaillible de leur liberté * & qu’il n’efl: point permis aux efclaves de porter. C’eft une efpécede chaufïure qui con- fifte en deux pièces , coufuës de jonc 8c de coton fort proprement travaillées , & qui ferrant la jambe par fes deux extrémités , font enfler le gras de ta jambe , 8c le font paroitrf plus plein 8c plus rebondi. . 5 La plüpart des femmes chez les Nation? Sauvages , treffent leur cheveux, 8c leslaiÊ fent pendre. Les femmes îroquoifes 8c Hu- tonnes , les partagent des deux côtés de la te- te , les faifant tous revenir par derrière , ou elies les lient le plus prés de la tete qu ellÆ peuvent -, elles reprennent enflure ces che- yeux pçndans , y mêlent de L’écorce concaf- A ME È. I Ct V A IN S. -fs' fée de Péruche , qui ferc à les conferver , & après les avoir repliés , de manière qu’ils ne defeendent pas plus bas que les reins , elles les enveloppent d’une peau d’anguille prépa- rée , & enduite de vermillon bien éclatant, C’eft en ce ia qu’elles font principalement confllter leur beauté. Les femmes des Sauva-* ges de I’AiTrérique Méridionale fe peignent le corps comme les hommes , mais d’une ma- nière différeme & diftinélive. Dans la Sep- tentrionale elles fe contentent de fe don- ner au vifage quelques agrémens de cette ceinture j on doit cependant en excepter les [roquoifes, qui ne font tout au plus que tra- :er une ligne de vermillon , depuis le fom- met de la tête jufqu’à la naiflance du front iansla réparation des cheveux. Leurs nez ne ont point percés , leurs oreilles le font â corn- ue celles des Hommes , en trois endroits s nais les ouvertures en font plus petites ; elle? r pa/Tent quelques pendans de porcelaine , ou le pierre rouge taillée en fer de flèche, ou uen des canons de porcelaine , qui font faits :omme des tuyaux de pipe de Hollande. Les huiles dont les Sauvages fe grailfent , es rendent extrêmement puants & craffeux $ e font des huiles Amples d’animaux , de poif- ons , ou de quelques plantes , qui ont pref- ue toutes des odeurs forces , & qui rancif- ent aifément : mais ces huiles leur font ahfo- iment néceflaires , & ils font mangés de ermine quand elles leur manquent. Comme s n’ont raffiné fur rien , ils n’ont pû corriger -tte puanteur par les effiences & par les pat- inas que les Nations policées ont fubftitué epuis long-temps à la flmplicité des huiles des graifles donc les Sauvages fe fervent .icore. . C 5 Î4 Moethis d?î Savvash Tous les autres ornemens des Sauvages «onfiltent en des couronnes 3 des colliers qu\ls mettent autour de leur col , d’autres colliers ou bandes de porcelaine taillée en rond , en Boyaux 3 en canons , en fer de flèche 3 ou bien en cylindres rendes bracelets de la même ma- tière 3 en divers ouvrages de plumafferie 3 ou travaillés en poil d’Elan 3 de Boeuf fauvage 3 Sc de Porc-épy , dont chacun fçait fe faire une parure félon fon goût , tandis qu’il efi dans un âge propre à ces amufemens : mais dès que cet âge eft paffé 3 il & fait une gloire de vivre dans une négligence route oppofée , êc de ne porter plus rien de fuperflu , ou qui ne fort u fé , afin de faire comprendre qu’il enfe à des ehofes plus forieufes. La couronne n’étoit pas dans les prémiers temps une marque diftinctive de la Royau- té 3 elle en étoit unccependant de confidéra- îion &r de diftinétion. On Ja donnoit pour récompenfo à cei^t qui remportoient le prix dans lesjeux inffitués à l’honneur des Dieux. Les Romains ennemis des Rois , en avoient de plufieurs fortes pour reconnoître differen- tes efpéces de fervices rendus à la Républi«i que. On voit des Couronnes chez prefqufi toutes les Nations Sauvages , dont les ra- yons font faits de plumes de différentes cou^i leurs , & dans le cercle defquelles font erd chafles des becs d’oifeaux en guife de dia- mants , des ongles d’animaux èxtraordinai* tes 3 & quelquefois des petites cornes de che-r vreüil. Ce qu’il y a de remarquable, c’eft que jamais les femmes ne fe donnent cet or- nement les hommes même ne le prennent' que dans leurs plus grandes folemnitez, mai$ fur-tout lorfqu ils chantent la guerre & qu s ü* y vont i ils en patent auifi la tête de leurs ef* A M E R I CLT? A ÎN Sv ff claves le jour de leur entrée publique. Le Légiflateur de Sparte avoir fait une Loi à tout Lacédémonien d’aller au combat , vêtu de pourpre, chantant Scdanfant , & ayant la couronne fur la tête. Comme les habits n’é- toient pas bien communs au tems de Lycur- gue , & que dans les combats & dans tous les autres exercices de leurs Gymnafes , les fil- les même étoient toutes nues , je me perfua- ' de que l’habit de pourpre ordonné par ce Légiflateur , étoit une couche de vermillon, & je me reprefente un Lacédémonien allant au combat , tel abfolument qu’eft un Guer- rier Caraïbe. Les colliers que les Sauvages mettent quel- quefois autour de leur cou » ont prés d’un pied de diamètre , 8c ne différent point de ceux qu’on voit encore fur quelques Anti- ques au col des Stacuës des Barbares. Les Sauvages Septentrionaux portent aufli fut leur poitrine une plaque de porcelaine creu- fe de la longueur de la main qui fait le mê- me effet , que ce qu’on apeiloic 'Bulla chez les Romains. Les Méridionaux portent des pla- ques d’un métail mitoyen entre For & le cuivre , qu’on nomme des Caracoüs -, ces pla- ques font ordinairement de la forme d’un Croiffant , comme ce qu’on apello:t dans [‘Antiquité LunuU > qui étoit un ornement les femmes. On peut ajoûteraux ornemens des Sauva- ges, la gomme dont parle le * Pere de la Neuville , & qui a quelque chofe de fi fin- ?ulier , que fes paroles méritent bien d’être rapportées. » J’oubliois , dit-il , à vous parler d’un des * Troijiime Lettrt du p, dt U Neuville. Mémoires refîort fî furprenante , qu’elle fait autant « de bonds qu’une baie de Paume. Elle ne « fond point > quelque chaude que fbit l’eau « dont on remplit la poire, qui a allez l’air » & là couleur d’une Eolipiîe de Cuivre bien » paffé : Elle dure très- long- rems : on Té- 38 tend fans la gâter jufqu’à lui donner la lon- “ Sueur d’une demie aulne, quoi-que dans » fon volume ordinaire elle ne foit ni plus » longue , ni plus grofïe qa’une poire de boa m chrétien : nos Indiens ont des anneaux de » la même gomme , lefquels fe métamor» ss phofent en brafïelcts , en jarretières , en » colliers , en ceintures , & redeviennent an- ss neaux : ils ferrent exactement le doigt fan-s « égard à la petiteffe & à la grofîeur : tirez « l’anneau du doigt , il fè prêtera , fî vous le » voulez, à cous les doigcs réunis , & pa'ffe- ss ra au bras comme un bralfelet j tirez- le de- ssrechef pour le porter à la tête , il s’aug- » menrera fans effort pour la couronner , Ô£ s» fe rétrécira lorfque vous l’aurez fait décen- ss dre fur le col en guife de collier : il s’allon- ss géra encore pour embraifer tout le corps , s» & pour pafîêr du col & des épaules à la □s ceinture j enfin décendu jufques en bas , il ss reprendra fa forme naturelle pour fervir » d’anneau comme auparavant , fans avoir « rien perdu de fa molleffe &c de fon refîort j: ss car outre que rien ne le peut cafïer , il nc-i s» ferre ni moins ni plus le bras , la tête * le »s cou & les reins, que le doigt. J’ai vu un s» Indien qui donnoït à cet anneau un ufage ?» encore plus extraordinaire, &; qui montre 1 Ameri QJJ AINS. f7 *» bien !e refforc infini de cette gomme. Il s’en *> fervoit comme de corde à Ton Arc. De tout ce que je viens de dire de. la ma- nière de s’orner , on conclura ai férnent , que les Sauvages , au lieu d’ajoüter à leur beauté naturelle ", ( car ils font prefque tous bien faits , ) travaillent à fe rendre laids & à fe défigurer. Cela dt vrai aufîi j cependant quand ils font bien parez à leur mode , l’af- femblage bizarre de tous leurs ornemens <» non -feulement n’a rien qui choque , mais il a un je ne fçai quoi qui plaît, & leur donne de la bonne grâce. OCCUPATIONS DES FEMMES L ES Femmes des Sauvages , * ainfï que les- Amazones , les Femmes des Peuples de rhrace , dé Scyrhie, d’Efpagne tk des au- res Peuples Barbares de l’ Antiquité, travaill- ent les Champs , comme font aujourd’hui es femmes de Gafcogne , de Béarn & de Irefîe , qu’on voit fouvent mener la Char- uë , tandis que leurs maris filent la que- oiiiïle. Le grain qu’elles fement c’eft le /kïs , connu autrement fous les nbms de led d’Inde , bled d’Efpagne , 8c bled de ’urquie , lequel eft le fondement delà nour- ;ture de prefque toutes les Nations féden~ ures d’un bout de l’Amérique à l’autre,. l8 Moeurs des Sauvages De la Nourriture. * Jules Scaliger a prérendu que cette fb r*- te de bled avoir été abfolument inconnu© aux Anciens ; mais je ne fuis point du fenti- ment de cet Auteur. Peut-on en eflfc t ima- giner , que cette multitude de Peuples diffé- tens qui ont paffé en Amérique , &qui s'y/ iont tranfportez,non-feulement des extré- ; mitez de l’Afie , mais encore de l’Afrique SC: de l’Europe , fe trou, yent aujourd’hui n’avoit de toutes les plantes frumentacées. que cette efpéce feule , fans penfer en même- tems que c’étoit celle qui étoit en ufage parmiles mê- mes Peuples au tems de leur tranfmigration l\ Nous les trouvons encore fidèles à-garder les, pratiques de leurs Ancêtres , après une lon- gue fuite defiécles, & nous voïons de nos, yeux chez- eux les mêmes coutumes., dont, nous découvrons tous les vertiges à travers} les ténèbres des tems, que leur* éloignement lend les plus obfcurs j fera-t’il croïab-le qu’ils, auront été plus fidèles à perpétuer des u Fages arbitraires., qu’ils- l’auront été dans ce qui importe le plus à la vie ,.qufeneif le fondé ment & le foütien ? Le Maïs , ainfï que je viens de le dire, el la nourriture commune de tous les Sauva ges fédentaires , depuis le fonds du Bréf Jufques aux extrémitez du Canada , mêir de la plupart de ceux qui 09c l’üfage de i& ïaeinedu Manioc : Ne feroit-il pas plus na- turel de penfer qu’il autoit été la prenait Ssa&Sgf - 1 f , 3%. Amer t mtws, ^ ourriture des Hommes après les glands des chênes , ou des Hêtres de Dodone ? Qa’il a été pendant plusieurs fîécles , après lef- [uels on a fublhtué d’autres efpéces de grains lu’on aura trouvé d’un meilleur ufage , 8c î u i„ auront fait abandonner les premières l Tout ceci n’eflr point fans fondement , ôc >eut le jufhfier par les Auteurs; Car en pre- mier lieu les Auteurs font embaraffez , & ne :onviennent point des termes pour nous expli- î.uer les diverfes efpeces déplantés ftu menta- is ‘ r de forte qu’il faut aujourd’hui deviner >our les entendre 3 &avoiier qu’ils ont emploie f s ï P^ mcs termes pour nous faire connoître les Plantes differentes , ou diffërens termes 9 >our lignifier la même Plante. Pline lui mè- ne nous le déclare nettement, en difant que ss efpeces de froment ne font pas les mêmes> ’ar tout , & que dans les divers endroits où? on fe fert des mêmes efpeces , elles n’on£ ‘as le même nom. * Frumcati genca, non eadtm bique ) nec ubi eadem funt , ïifdem nomraibus,* u/jL COnc l ^ leu 3 ^ facile de faire voir de3' ibltitutions d’une efpece à une autre en dif- erens temps de en divers lieu» , de maniéré ue celle qui étoit une nourriture commune e ordinaire dans un pays en certains temps dr devenoit enfuite fi rare, qu’aprés un certain ombre d’années elle y étoit tout- à- fait hors ’ufàge ? & quelquefois inconnuëi En troifîc- ie lieu , on peut par des conjeébares prefque videntes , comme démontrer par les Au- ;urs, que le Bled dThde a été non- feulement }nnu, mais encore en ufage chez plufîeurs ïuples. Enfin on peut tirer un très- fort pré- ge de cela même, de ce que les Amén*- jains préparent aujourd’hui leur Bled d’Ih- ffîb'.i&î cap, CS €o Moeurs des Sauvages de abfolument de la même maniéré , que les Anciens préparoient eux- mêmes leurs grains* avant d’avoir inventé l’ufage des Moulins , des Fours, & plufieurs autres chofes que Jjÿ fuite destemps a-mifès ^ti jour>&: perfeétion- nées félon la néce/fité, ou même félon la qua- lité des. efpeces.de grains, qui ont été mis fucceflivement en vogue. La plupart des termes dont on s’eft fervLj pour nommer les plantes frumentacées , font des termes génériques , qui pan la force dé- leur lignification ne défignênt pas une efpecéè plutôt qu’une autre , quoique dans la fuite ©n en ait fait Implication ci des efpeces par- ticulières. Tels font les termes Far , Ador , Aljca , Hordêum. Tri kum * Frumenium. Cale- pin *dans fon Diétionnaire au mot Far , dit que c’étoit un* nom générique pour fignifieïr toutes les efpeces de Planes frumentacées Il étoit ainfi nommé , parce qu’il étoit porté &c produit par la terre , ou bien du verbe "Frangerez parce qu’on le brifoitdansdes mor- tiers ou dans des moulins. Le Far déterminé à une efpece particulière , fe nommoit Ador. Feftus f tire l’étymologie de ce mot du verbe Mdere , manger, de dit qu’anciennement il étoit appelle Edor *T1 ajoûte qu’il pouvoic auiîî- venir du verbe Aduror > parce qu’on le torréfiait avant que de le piler ou de le mou- dre. L’Alica étoit auiïi un nom générique. Fe- Sus faievenir ce mot du verbe Alere, nourrir. JL * Alita déterminé à une efpece particulière Calepin. Far, Olira nûmen generale fuit ad omnia ge=» liera frurrentorura , ita djôum à ferendo , vel à facieBdo. ■J" Feftus Ador. Farrjs genus Edor quondam appelljrtutL, »b edendo .* vel quod aduratur ut fiat toftum unde in ùl ces termes Far Triiueum ? Far Adoreum * Far Hnrdeaccnm , AFica ex Z ea 5 > AUca Adulterina , &c. L’Orge ÿ ou Hordeum * éüoiratnfi appelle à caufc de fa promptitude à venir à maturité. Le mot Tnticum porte avec foi fonétyrnologie à Tritura . , du verbe Te>o 9 . piler , broyer j & frumentum eft tiré du mot F>umen > lequel dans le vieux langage LatinfV lignifie le palais de la bouche , par où il faut que toute nourriture pafl'e. * Je n’entre poinrdans une plus grande ex- plication des autres termes , qui par leur &• unification propre ne nous donneroient pas me connoiflance plus diffinéïe de l’efpece Damculiére à laquelle ils étoient appliquez; iî rne iûjSk: d’en conclure que les termes étant génériques , ont pû être fuccefïivement at- tribuez à- des efpeces différentes, à melure ^u’on en changeoir* de qu’on en fubftituoit me autre pour fervir de nourriture commune & ordinaire , laquelle pourra être nommée 4lita , parce qu’ëllè nourrit Far , parce que là 'erre la produit -, Triiicum , parce qu’on eit obligé de la broyer &c de la moudre ; ainfi da efte , dont on peur voir les étymologies plus lu- long dans- S. Mdore de Seviile f. L’univerûlité de ces termes a embarrafio es Auteurs , tant anciensque modernes , de 1 caufé entr’eux des difputes de des eontra- * lfidor. Orig.Ub. 17. cap. y. ■f Ifidor. Hifpal. Orig. Lib. 17. cap. y. Frumenta fûnt pro* rie quæ Ariftas habînt- Erug§s autem , reliqua. Frumentai utena vel fruges â frumtndo , hoc eft à vpfeefido diôat » nase mmen^citui fumma pars gulst, Çl MoEVRS des S A VT À GE î d' étions de fentimens , .'qu’il n’elt pasfacife d accorder. Pline * aflure que ceux qui fe Servent die cette efpece qu’on appelle Zea , P°* nt l’ulâge du Far > cependant Denys- d HalicarnalFe §. appelle Zf a , auiîï-bien que Strabon f , ce que Pline appelle Far. G al- lien rapporte les difFérenrs fentimens des Anciens , pour expliquer quelles étoient lés? efpeces djftjnguées par ces nom sOtira y Typfa± &eu Après les avoir expofez , il conclut en difant que c’étoitla même .choie fous divers noms. Anguillara a lesdiftingue j&foiis ces- trois noms comprend trois efpeces connues en Italie fous ceux de Spelta , Scandeila Sc Far - w. Jules Scaliger croit b que Typbe elt le fe- gle v Z?a , le bled blanc , ou l’Epeautre : ii' ^roit auiïl que l’o/ira 8c l’Ori^a font deujg noms communs au Ris, En voila aifëz pour faire comprendre que fi les Auteurs, que nous pouvons regarder comme Modernes * il ont pû s’accorder fur ce que penfoientDe- nys d’Hîaycarnafie , Pline ,-Strabon, Sc leur^ autres contemporains , ceux-ci pourraient avoir eu de plus grandes diffieultez encore » - pour fçavoir au jufle ce-qui étoit dèl’ufage- dans des temps fort éloignez de celui auquel,’ iis écrivoient , 8c plus obicurs encore q do les Jïécles qui ft font écoulez depuis eux jufi- * qu’ànous , à?caufê que-ces premiers temps,, qui étoient ceux de la Barbarie & de l’Origi- ne des Nations , ont toujours été envelopez; des ténèbres de l’ignorance. _ Je ne prérens pas dire que le Far , dont 1er Peuple Romain s’ell fervi uniquement pen- * «*»• W. «8. cap. 8. JP Dion. JUlyc lib. t. Aur. Rom 3 Strabo lib. p p. 14-1. f Galou lib. 1. do Alinu Wacul.cap. 3. a Anguillara part. 6. f. b fui, Scalietn, t&ifr 9*fc. ' ■*  M E fc I- (£W A. T K S., ïant les trois cens premières années depuis la- fondation de Rome , foit une même chofe tvec le Maïs | on pourroit me faire fur cela; me forte objection , qui eft que certe efpece- ie Bled ne s’éroit point perdue, puifqu’on en fervoit encore à Romedu: temps de Pli- re dans- les Sacrifices , dans les Mariages, lans les aurreschofes- qui appartenoient à la; leligion , par relpeét pour l’Antiquité y&C juoique nous ne içachions pas prêcheraient [uelle efpece de Bled c’étoir que le Fàc , & fit ’etoit le même que le dont les Italiens e fervent aujourd’hui. Pline nous en dit aPTez, >our nous faire croire que ce n’étoit point t Maïs , à moins qu’on ne vpulût dire , que ette inftitucion refpeéfcueufe pour les prati- jues de leurs Ancêtres , quoique beaucoup^ dus ancienne que Pline , étoit cependant •olte rie ure aux fubflitutions qu’on au roi t ait de plufieurs efpeces de Plantes frumen- acees , qui auroient eu fuccefïivement le* iotn de Far. Les Auteurseux- mêmes nous donnent des; xemples de ces fubftitutions. Et fans entrer -ans un long détail , il nous doit fufïirede ce u’ils ont dit par rapport à l’Orge , lequel toit chez les Grecs dans la même degré de- énération que le Far chez les Romains ; par*, e qu’il avoir été leur première nourriture », omrne l’Avoine l’étoit des Peuples de Ger- manie , l’Orge &c le Lotos de ceux d’Egypte ede Lybiede Panisdes Peuples d’Aquitaine»,, : Millet des M'éotes tk des Sarmates , SC infi de plufieurs autres > qui certainement nt changé de nourriture , ôc même plufieurs ois. Le frement q-ue les François ont porté et$ Amérique , y eft.ccrtainemenc biçra plu&ié?> l?4 Moeurs des Sautages cent que le Maïs. Les Sauvages donnent ce- pendant dans leur Langue le même nom £ l’un 8c i l'autre., Je foppofe que dans la fuitd des temps , préférant au Bled d’Inde le fro- ment au Bled François , qui vaut incompa- rablement mieux fla ns - contredit , ils ne fa A fent pins d’ufage que de ce dernier : quelle marque auront les fiécies à venir de cette fubilitutron , le nom étant absolument le mes me. il faut donc que l’Htftoire de nos jours le leur apprenne d’une maniéré claire , 8c qui ne fade point de cooftifion dans la poltérité» i Or les Sauvages qui n’oàt point d'écriture J md’ Annales , ne peuvent tranfmettre cettaj connoiffance à l’avenir par eux-mêmes. Les ; premiers rems aïantété au flr plongés pendant plu fieu ts fiécies dans cette ignorance profon- de où font aujourd’hui les Améciquains v onÇ été dans la même (filiation 8c au même ni-t veau que les Barbares, 8c n’ont point la ùTé defaffes. de$ évenemens arrivez pendant jeu#! barbarie , ou n’en ontlaififë que de fabuleux. De ces differentes efpeces de Grains dont fcs divers peuples fe nuutrifïoient , quelques- unes ne fervent que pour les animaux * d’au- rres font inconnues , 8c ne fe voyent plusl dans les pays où elles étoient cultivées y ou bien , elles s’y font éclypfées pour un temps* comme il efl facile de le prouver par raport au Bled d’Inde même. Car: fuppofé que cettg Plante eût Toujours été étrangère à Rome f comme elle l’étoit du temps de Pline , on lie peut prefque nier quelle n’ÿ parut! au moins de fon temps. Quoiqu’en puiffe dire Scaliger , on doit expliquer du Bled d’Inde- ces paroles de Pline-*. Milium intra bos dècem wnnoi ex India ïn Italiam inviffinm’ eft nigrutn -M** 1 ‘Ht- P/ja, Ub. *8. çtfr 8, A M E R I QJJ AINS. êf ne , Amplum Grano , Arundineum culmo , ado - l fcit ad pedes aliitudine ftptem , Lobas vacant j> mnium ftngttm [crût jfîmum , ex uno grano terni x tarît gignumur. Dans le cours de ces dix a-n- ées on a apporté de l’Inde en Italie une ef- ece de Miller noir en couleur, dont le grain ft fort gros, & le chaume femblable aux annes , & aux rofeaux ; il croît à la hauteur e fept pieds. Scs tiges qu’on nomme Lobas , u Phobas , félon la remarque du Pere Har- oliin , font très grandes. C ’eflde toutes les lantes frumentacées la plus fertile ; un feul rain produit trois feptiers. On met avec raifon le Mais au rang des lantes miliacées & arundinacëes,à caufe des demblances qu’il a avec ces fortes de Plan- s , reifemblances qu’on peut confronter ms Théophralte &c dans les autres Botanif- s. Au refte , Pline a fort bien caraéténfé le aïs par fa fécondité , fa qualité, la hauteur fa tige, &: la groffeur de fon grain. Pour qui efl de la couleur , il y en ade plufieurs rtes j l’un tire fur le noir , l’autre fur le bleu fur le pourpre > le plus commun eft d’un sne de paille plus ou moins foncé', félon le rain ou le degré de maturité. Ces diffè- res font purement accidentelles, ou fui- ac les différences efpeces de Maïs. La plû- rc des Relations anciennes & modernes ap- llent le Maïs, ou fïmplemenrdu Mil, eu gros Mil * pour le diftinguer du Mil ordi- ire & de la petite efpece. Et parlant de fes es, elles les nomment les cannes de Bled nde. >la doit fervirà nous faire entendre les teurs , quand ils nous racontent de cer?» is .Peuples j qu ils font leur nourriture or- îaire du fruit des Rofeaux 5 comme £- Moeurs des Sauvages Jien *, Strabon f , Diodore de Sicile , l’af furent des Indiens en général, des Habitans di Ja Tapobrane des Ethiopiens, &c. C’eft aufî du Maïs qu’ont voulu probablement parle les Auteurs , qui ont écrit que les Indiens , le Peuples des environs des Palus Méotides Sc les Sarma'tes vivoient de Millet. Philo ftrate § caraéfcérife le Millet prefqu'e auilï bien que Pline dans la vie d’Apollonius di Thyane. Car parlant de l’Inde , il dit : » Qi« » la terre y eft noire , fertile en toutes for. » tes de fruits ; que les pailles 8c les tige; » des Plantes frumentaeées y font de lagroi 99 leur des cannes 8c des rofeaux ; mais fur- « tout qu elle porte du Millet & du Séfame » d’une prodigieufe groifeur, « On ne peul pareillement le méconnoïtredans- ce que du Hérodote j* en faiiant la Defcription de: Moeurs des Indiens. » Ils vivent , dit-il’; » d’herbages , & ils ont une efpéce de fé- w mence , laquelle fe rapporte au Millet. »> qhç la terre produit d’elle- même , envé- « Joppéé dans fôn calice; après l’avoir cueih SJ li ils Ja font cuire dans fon propre calice M & s’en nourrirent. » *■ Le même Auteurij parlant du Froment & de l’Orge des Babyi Ioniens , dit que les feiiilles^de leur tige font larges , au moins de quatre doigts. Ot il femble que cela ne peut convenir qu’au Maïs, f Théophrafte aura peut être voulu parler de la même Plante > quand il a écrit fur le rapport qu’on luy en avoir fait , qu’au de-là de îa Baétriane , le Froment y vient ü prodigieux , que chaque grain peur être * *£lU». Lib. j c. j?. f Strabo Lib. iy. f Diodob Sic. Lib. 3. p. 99. Jf PhiCoftrat. Lib. 5. in -vita Apollan % Î Herodot. Lib .3. ». 100. *H«rod9t, Lib, i,n, Theogbrafi, Lib. 8, c, , Amer 14ÜA 1 ht S* €7 ompare pour fà gro/Teur au noyau des Oliv- es. A prefent' que-ees pais nous font plus- onnus Qu’ils n’ctoient aux Anciens , je no ^ache pas qu’il y ait d’autres efpéces de rai ns à qui cela puiffe convenir qu’au bledi ’Inde. Le Millet dont vivoient les Sarmates &C :s Méotiens § étoit le meme que cul ri votent rs Amazones leurs époufes. Apollonius de .hqdes parlant des Chalybes qui étoient ate oifinage des Amazones , dit qu’ils n’a^ 3 ient point l’ufage du Labour , ni aucune îaniéEede femer & de faire croître la Plan- ; , laquelle a le goût du Miel. Qu’ils n’a>- Dient pas non plus de Troupeaux , mais u’ils achetoient de leurs voifins ce qui leur oit néceflaire » de qu’ils le commerçoient /ec du fer , lequel ils fçavoient fort bien lettre en œuvre, f Or cette Plante qui a le oût du Miel 3 à moins que ce ne foit le om * dont ufent aujourd’hui les Mingre- °ns , ne peut être autre chofe que le bled Inde. Dans la Langue des Anciens Celtes» le mot vWW lignifie également du MM de 1 Mil. Il feroit d'autant moins furprenane: % Apollo. ’Rhodius . LU. i . v. ïooç. I Chardin voyage en Ptrfè par U Mer Noire & par la Col* dep.j\, * Le Gom eft une forte de grain » qui fe cueille dans- I* ingrelie , menu comme la Coriandre , & qui rsffcmble îz au MiH*t , il produit un Tuyau de la groffeur dis u'ce 1 de la hauteur d’un homme , au bout duquel il y-n. épy » qui a plus de 300. grains , Si ne relTembie pas mal- r Cannes du bled d’Inde. Par cette defeription tirée dé- ardin- , il paroîr que le Gom etë une elpéce de bled d’In~ , non pas de l’efpéce ordinaire , dont le grain eft attaché in gros gland , ou bouton > mais de celle dont, le grain nt au bout d’un épy affés long. I Peejçon. Antiquité de U Nation &de la Langue fat Ctl* t-V* éi Moeurs DÉS Sauvages que ces deux derniers termes vinfient de ); même racine , que ce qu’ils lignifient , f trouve un même - temps dans" une mëm Plante , qui eft Je Maïs , ainfi que je l’ex pliquerai tout a l’heure. De tout cela 01 peut conclure , qu’au moins dans les pre^ miers temps » laBied d’Inde étoit la nour riuire commune de pre'fque tous les Peuple Barbares de la grande A fie. j’ai eu au/ïi quelque foupçon que le Mat peuvoit bien être le même que le Bled de! anciens Egyptiens. * Ce qui me paroît fon- der quelque conjecture , c’dt le fonge di Pharaon où il eft parlé d’uneTige d fept épis Mais comme il y a une efpéce de Bled i plufieurs épis fur la même Tige , cela fuifij pour infirmer ma conjecture 5 quoique ci Bled ne foit pas commun , 8c que cela ns convienne pas même à l’Orge dont les an- ciens Egyptiens fe noumfidîent. Si le Maïs , qu’on apporta à Rome da temps de Pline , y fut fané 3 il eft évident qu’on^en fit peu de cas dans la fuite * par- ce qu’il y a difparu aufïi-bien que dans le refte de l’Europe 5 où on ne l’a, revu quie lorfqu’il y a été apporté derechef de l’Inde Occidentale s après la découverte du Nou- veau Monde , ou bien de l’Afie 8c de l£ Tartarie i ce qui lui a fait donner le nom dè Bled Turc. On n’en a guéres fait plus d’efhf- me dans les Indes Orientales , dont ont parlé les Auteurs que j’ai citez. Car aujourd’hui quoiqu’ils ayent encore le Maïs 8c d’autres efpéces de grains qui font en ufage parmi nous > on ne s’y fert.prefque par" tout què du Ris j aufiî-bien qu’en Egypte 8c en Tur- quie. Il y a fort peu de Provinces en Europe a @tne£ cbi^T-y t/i tt % Américains. 69 111 fe foient fbuciées de cultiver cette Plan- : , & celles qui la cultivent , ne le font üe pour nourrir les Païfans ou la vo- ulle. Culture des Champs. En Canada dés que les neiges font fondues, s oauvageffes commencent leur travail. Iles ne fément point l’Automne parce que - : Maïs e fl: du nombre des femences qu’on 3 el)e d’Efié , ; telles que font le Sè- me j le Millet , le Panis , & les autres légu» les ; ou bien parcequ’il en eft de cette ef- éce de graine comme du Bled apellé Ta- eftn *parThéophrafte & par Pline, f parce u^il ne lui falloit que trois mois entre la mence & la récolte ; fi toutefois on doit tribuer cela à uneefpéce particulière -, car jfage de la Nouvelle France nous fait voir >ut le contraire 3 dans toutes les efpeces de roment ou de Bled François , qu’on ne fé- 1e qu’au mois d’Avnl ou de May , & qu’on cueille au mois de Juillet ou d’Aoüt. A la îoride & dans les Pais plus Meridionnaux , t feme le Maïs& on le recueille deux fois innée. La première façon qu’on donne aux hamps , c’eftde ramafier le Chaume & de brûler. On remue enfuite la terre pour la fpofer à recevoir le grain qu’on doit y jet- r. On ne k fert point pour cela de la harruë, non plus que de quantité d’autres iftrumens du Labourage , dont l’ufage ns urefl pas connut ne leur dt pas néceflaire. leur fuffir d un morceau de bois recourbé » - trois doigts de largeur , attaché à un long » Theoph .Lib. 8 , \ plwins. Lib, 1 8 , ch. 7 . jo Moeu&s des Sauvages manche qui leur fert à farder la terre & I la remuer légèrement. Le champs qu’on doit enfemencer ne fe tangent point par guerets 3 & par filions fé- lon la méthode d’Europe ^ mais par petites mottes , rondes de trois pieds de diamet- tre. On fait neuf trous dans chacune de ces mottes , &r dans chaque trou on jette un grain de Bled d’Inde qu’on a foin de cou- vrir. Toutes les femmes du village s’unilfent enfemble pour le gros travail. Elles font di- verfes bandes nombreufes , félon les diffé- tens quartiers^!] elles ont leurs Champs , ôc elles palfent d’un Champ à l’autre , s’aidant ■ainfî toutes mutuellement. Cela fe fait avec d’autant moins de peiné , Sc avec d’autant plus de promptitude , que les Champs ne dont point féparez par des Hayes ou des FolTez , Sc ne paroifTent faire tous enfemble qu’une feule pièce j fans que pour cela elles aient des difputes pour leurs bornes 3 que chacune fçait fort bien reconnoïtrc. La Maïtrefle du Champ , dans lequel on travaille , diftribuë à chacune des travail-* Jantes le grain de femence qu’elles re- çoivent dans de petites Mannes ou Corbeil- les , de quatre ou cinq doigts de hauteur , d’autant de largeur , de manière qu’elles peu*: vent fupputer jufquesau nombre des grains 1 qu’elles donnent. Outre le Maïs , elles fément des fève-- soles ou de petites fèves , des citrouille^ d’une efpéce différente de celle 1 de France ; des Melons d’eau 3c de grands Tournefols. Elles fément les fèves à côré des grains de leur Bled d’Inde , dont la canne ou la tige leur feu d’appuy , comme l’Orme à la vis A M E R I QJ7 A I N S. 7r fte. Elles font des Champs particuliers Dur leurs Citrouilles & leurs Melons ; iais avant que de les femer dans leurs hamps , elles préparent une terre noire 8c gère , dans laquelle elles les font germer ître deux écorces dans leurs Cabanes * au- e/Tus de leurs foyers. Elles tiennent leurs Champs fort propres , les ont grand foin d’en arracher les herbes fques au temps de la récolte. Il y a en- >re un temps marqué pour cela , où elles availlent toutes en commun ; 8c alors cha- îne porte avec foy un faifeau de petites iguettes de la longueur d’un pied , ou d’un :ed &: demi , qui ont leur marque parncu- ére , & qui font enjolivées de vermillon. Iles leur fervent à marquer leur tâche , 8c faire corxnoître leur travail. Le temps de la moi ifon étant venu on ieille le bled d’Inde, qu’on arrache avec s feuilles qui environnent l’épy , qui 1 forment le calice. Ces feuilles , y étant •rtément attachées , leur fervent de lien Dur le mettre en trefles , ou en cordes , )mme on en ufe pour les oignons. Creft fans doute une fête de celles que les nciens nommoient Cereales , & qu’ils ce- broient à l’honneur de Cérés, que celle de efler le Bled. Elle fe fait pendant la nuit ms les champs , & c’elt la feule occaiion 1 les hommes , qui ne fe mêlent ni de lamps , ni de la récolte , font apellés par les mroes pour les aider. Je ne foaiss’il n’y a Dint en ceci quelque refte d’un culte Re- beux. Je n’en ai point demandé les parti- liantes *, il y a cependant apparence que eft à la Religion qu’on en doit l’Inilitution. ; ne parle ici que de l’ufage de l’Amerique Moeurs des Sauvages feprentrionale v je ne fuis pas alTez inftruit de ce qui fe fait ailleurs i Si les Auteurs , qui nous ont parlé dés Amériquams Méri- dionaux , fe contentent de dire en générai que les hommes fe rendroient infâmes s’ils avoient feulement touché' au métier y ou bien à ce qui elt affeéfé aux travaux du fexe. * Diodore de Sicile dit des premiers Peu- f ries de la grande Bretagne, qu’ayant féparé es épis de leur_ tige , ils les mettoient dans des greniers foüterrains, d’où ils retiroient chaque jour la provifion qui leur étoit nécef- 1 fane en commençant par les plus vieux , 8c qu’ils faifoient leur nourriture de ces grains: pilés & broyés.- , Les SauvageiTes font dans leurs champs de ces fortes de greniers foüterrains* , pour y mettre les Citrouilles , 8c leurs autres fruits, qu’elles ne fçauroient autrement garantir de h rigueur de i’hyver. Ce font ‘de grands trous en terre , de quatre ou cinq pieds de profondeur , nattés en dedans avec des écor- ces , 8c couverts de terre par-defius. Leurs fruits s’y confervent parfaitement bien fans recevoir aucune atteinte de la gelée, don les neiges , qui les couvrent, les garantiflenr. Pour ce qui eit du bled , bien'loin de l’en- fevelir , à moins d’un cas de neceiïité , on le fait effarer fur de grandes Perches , Si- fur Y Au vent , ou veftibu le extérieur de leurs< Cabanes. A Tfonnonrouan , on fait des» greniers d’écorce en forme de tourelles , fur: des lieux élevés , Si on perce les écorces de air pu iflé y jotier Si Floride» on| AmBRI CLT 7 A IN S. 72 n °^ e , dans ^ es greniers publics où n Je lame jufques a ce qu’on ie diftribuë une maniéré proportionnée au befoin de aaque famille , & au nombre des perfonnes ui les compofent. Après un certain temps , nfait fecher le bled dans les cabanes furies ^nv he L de • traverfe 5 <3 ui environnent les ux , & qui portent fur les poteaux de foû- en, la fumee qui s exhale jour & nuit de j U e rS mZfpir n ! 01rCiCUnpeU ie S rain à Jalôn- f e i ul °* e toutc l’humidité qui pn r ? Ienc le ,? ârer - En hyver , quand il Irft ,nÜcr° n J e ^ aIne > &ün le met dans les . d e c ° rce , dont j’ai parlé , & n damefurequ3 ° n veut s en fervir, 'n biffe uniquement à la fumée, celui qu’on Manière ie préparer la Nourriture. J *nnnf^ -0 ' t ^ c i'^ e ffus une quatrième rai* h . con < eau ^ 4ue les Maïs oit ete connu des Anciens, & avoit été le la nourriture , tout au moins nérkue Vwm nt ttan <"«B«tion en nenque. Ceit la maniéré dont les Anciens epatoient leurs Bleds pour les mettre en !ge , a laquelle celle de nos Sauvages Ce ;uve parfaitement conforme ; & cÇt ce d faut que l'explique icy. ’ " Ce Kien n’eft plus connu que la pratique que uuque n deT Ient dC tor «fcrîeuts grains inné de ré ~Xl mCttre en ftrine - Entre une ténred S 2? g?s des Anciens ,jeme .tente ck citer he. vers de Virg.^*' /u l}l‘Libo\. t/ £neïd t v t \l ik Et torrere parant Fiammis & frangere faxo. Il n’y a au fil qu a rappeller ce que j’ai d de l’étymologie du nom Ador> qu’on donnoi au Far , du verbe aduror , parcequ’on le tor réfioit avant que de le moudre. § Apollomu de Rhodes nous donne à entendre comble; cet ufage étoit ancien , par ce qu’il nous ra conte de la douleur des Argonautes , & de Dolioniens , après la mort de Cyzique îeu Roy*, Car eilefut fi vive , qu’ils furent plu fieurs jours, fans avoir feulement le courage d faire moudre leurs Bleds , mais qu’lis foutin rent leur vie dans la triftefle , en mangeas par cy par là , quelques grains , rels qu’il étoient, tous crus, & fans même les avoi fait torréfier- La farine qu’on tiroir de ces grains am grillés dans les cendres , en étoit beaucou plus favoureufe , les grains eux- même étoient plus faciles à moudre, & ils fedé pôüilloient par-là plus aifément de leur fon ou de leur première pellicule. Avant d’avoir i’ufage des Moulins , ils brj /oient leurs grains dans des piles , ou des moi tiers de bois" , avec des pilons de même ma tiére. * Héfiode nous donne la mefure la pile , & du pilon des Anciens , Sc de nq Sauvages , dans ces paroles. » Coupez-mc » une pile de trois pieds de haut , & un piloi « de la longueur de trois coudées, f pilumn* en fut l’inventeur j f c’eft pour cela qu’il etoi f Apoll. Rbod. Lib. i. v. 1071. * Hefiod Opéra & Dûs. v. 411. f ServiusinLib^-Virg.^nnd. , mServius in Lib. IX. onorédes Bergers^ drt gernaè la camp l! "V ,, e / qHC S /C ftrvltcn t encore Ions-temps “ ^ ette manière de préparer leurs «rainf res qu’on eut trouvé l'ufage des mSÏÏ ni ’ étant pas. en état de faire la dépenft p™î faire moudre aux Moulins bannanv * atonmet auifi la pile ôcîe bUnn ' L d s e p”r eublcs ' ro ^* fes de fon temps. n ° m ' Les Pifons prirent leurs noms de certe ma- rresfLnineVïlom ? ^ a - D ? que P lufeur s 1 ? .Romaines tirèrent le leur de fferenres efpeees de Plantes frumentacées Onappelloit apffi les Boulangers du nom Piltores . à Pi/a ou r$«i 0 . flendTnuS n d?RSv Smfe œ 't ^ fetahSSiSS temps * P| r ' lcui if^efaifoientSS ire, et oit une efpëce de bondi îwÆ - de la farine délayée dion, comme le Frm 0 r alere Maxime Ef 0 <*r fié fo/j?. **• *■**• 18 . m» «*• LM- 18. cap lin.Lib. 18 . •yg Moeurs des Sa et y âges beaux témoignages. » Il elt évident , dît Pli- » ne s que les Romains ont vécu long-temps s» de boüillie,& non pasde pain.^ Nos ancê- » très j dit Valére- Maxime , étoient fi atten- m tifs à la frugalité , qu’ils faifoient un plus r grand ufage de bouillie que de pain. C’eil ce que Juvénal exprime vivement » à fa ma- nière j dans la comparaifon qu’il fait des Mœurs des Romains de fon temps avec celles de leurs Ancêtres, f 4>#i» & magnis fratribus borum , Afcrobe & fulco redeuntibus , altéra cœna » Amplior , & grandes fumabant pultibus oll à, Cette farine délayée dans l’eau pure , etoil le fondement de la vie des hommes *, 6c hs fi pafloient de cela , quand ils n’avoient tien dç mieux-, mais quand ils avoient des viandes ■ de quelque efpéce qu’elles fuflent , ilsles rai- foient cuire avec cette bouillie. C etoit c< qu’on anpelloit Pulmentum } ou P-ulmntàmm Car le Pulmentum n’étoit pas un mets , qu or fit cuire féparément > & qu’pn mangeât en- fuite avec cette boiiiliie , laquelle tint lieu d< pain; mais, ou cette bouillie pure , oc hw-. pie ; ou bien , un comppfé de viandes cuite: Sc préparées dans cette bouillie meme, a la quelle on a fait fueeéder le potage , lorfque ï« pain a été plus commupi. àjj F On donna aux Romains le fobriquet J Pultophages , ou de mangeurs de bouillie , à caufe qu’ils retinrent apparemment plu: longtemps cet ufage que beaucoup A -autre Nations ; car il ne leur etoit pas particulier Les Romains donnoient eux- memes > le me. * Valere Maxim Lib. i.cœp' 6, Satyr. 14 . Américains. j? he fabrique t aux Carthaginois. * Fortunatiis-.' Liceuus,dans une de fes réponfes, que cet’ ifdse croit chez les Perfes , chez les Cartha- ginois * chez les Romains , 8c même chez les Srecs. f Car quoique Pline femble dire le ■ontraire , parlant des Grecs » dans ces paro- es. Videtuujuc tam puis ignota Gracia , quam lta+ ià polenta , Fortunatus-Licetus l’explique, 8t lit j que c’étoit la même chofe fous diffiérens ioms v Mais que ce terme Puis , étoit aulfi, >eu uiîté en Grèce , que celui de Polenta en ralie. On pourroit , je crois, l’expliquer nieux , en difanr , que la préparation étoit fffeétivement la même, mais la matière étoit jiffiérenre.Carce qu’on appelloit Polenta étoit ait de farine d’orge mondé s 8c ce qu’on ap- •ejloit Puis , étoit de Far ou de froment. Or. Mine, félon cette explication , a eu raifon de lire, que l’un croît auiïi inconnu à l’Italie , [ne l’autre i’étoit à la Grèce j félon ce que j’ai •éja dit moi-même, de la nourriture corn- aline des uns des autres , les Romains n’u- int que du Tar,8c les Grecs de farine d’orge» Cette frugalité des Romains , 8c des autres euples dans les premiers temps , leur étoit ’un grand fecours pour l’entretien de leurs rmées. Un foldat portoit fes vivres avec fon etit bagage. Un petit fac de farine lui fuffi». )it pour long temps. Il lui coütoit peu de : préparer fon repas , 8c ce repas étoit bien mdedépenfe : les Officiers , 6c les Géné- ux même , fe diihnguoient peu du fimple ntaffin , pour les aprêts de leur table. De ;tte maniéré , les troupes étoient toûjours r pied, toujours prêtes à fe tranfporter d’un D 3 <■ Tortunat Lice tus. Refponr.adquiefitA.p. si, &feq. I Pli», Lib, i8,c«p,8ü, Moeurs dss Sauvages Jieu à un autre où on vouloir les conduire : SC Je luxe j & la delicatefle , qui fe font intro- duites denos jours parmi les Militaires > ne ruinaient point les Etats , par les frais excef- fifs qu’on eit obligé de faire en provisions de bouche j plus qu’en toute forte de munitions de guerre >& ne faifoient point manquer les meilleures entreprifes , iefquelies demandent une diligence & une promptitude incompa- tible > ce femble , avec de grands préparatifs.' Enfin cette frugalité fourniffoità la Républi- que des hommes forts , robufhs , courageux, capables de fupporter la faim 8c la foif, qui penlbient plus à aller chercher l’ennemi , qu’à fauver leurs équipages 8c qui, n étant #as énervés par la bonne chère > ne faifoient îpas confiner les avantages d’une campagne a à avoir bien fait les honneurs de leur Table, y faifant fervir ce que l’abondance peut four- nirde plus exquis , 8c de plus recherché. Quoique le pain ne fut pas de i’ufage or di- «aire, Ion origine eft cependant très- ancien- .ne. La première efpéçe étoit de ceux qu’oiï faifoit cuire fous la cendre >, 8c dont l’Ecriiu- re-Sainte fait fi fouvent. mention. L’autre croit de ceux qu’on faifoit cuire dans une rar- tiére de terre , ou de for , * car c’cft ce que les Auteurs entendent par les mots Vurnus 8ç Clibanus. Ces fortes de pains avoient différens noms qu’on peut voir dans Athénée , 8c dans Caton, f Ces différens noms pouvaient ve- nir des divers lieux où on les faifoit , ou de différentes compofitiops qui y entroient, Car, outre les diverfes efpéces de farines 2 quienétoient comme la matière principale* * VU Harduititm in not. (U P lin, Ub . i8» ±Atke», Lib. A m es. ï qjt Aîîîs. 79 Dnymettoit de l’huile , & de la grai/Te, dm miel , des fruits , de la femence dé Naltur- :e , éc d’ams } du cardame , du pavot , bit. La fagamité des Sauvages n’elt autre cho« fe,que cette forte de bouillie faite de leur bled d’Inde , torréfié dans les cendres 3 broyé' dans des Piles de bois à force de bras , pafTé dans des fas grofîiérement faits , avec de pe- tites branches liées enfemble , bc vanné dans des écorces , ou dans des paniers plians faits de jonc. Je nefçais d’où vient le mot de faga- mité , dont les François Canadiens fe fervent pour lignifier cette bouillie , que leslroquois lomrment Onnontara dans leur langue. C’eft oeut - être un mot tiré de quelque dia- leifte de la languè Algonquine. Quoiqu’il :n foit , il dt rèçü en Canada dans le langa- ge corrompu entre les François & les Sauva- ges. Les Iroquois 5 & les Hurons pronon- lent Sagaouuê. Tous les matins les femmes préparent cette agamité , bc la font boiitllir pour l’entretien le la famille. Avant que les Européens leur ni fient apporté des Chaudières de deçà la Vier , elles fe fervoienr de vaiifcaux de terre ; potier qu’elles travailloient affez propre- nent , leur donnant une forme fpérique pat :n bas , bc fort cvafée par le haut ; bc après les ivoir faits fécher au foleil , elles les faifoient :uire à un feu lent avec des écorces. Les Na- ions errantes n’avoient que des Chaudières le bois , moins fragiles , bc dont le tranfport toit plus aifé. Elles y faifoient cuire les iandes , en jettant dans l’eau , fuccelïive- nent, plusieurs cailloux ardents , qui échauf- bient cette eau peu à peu , bc la faifoient oüillir fufïifamment pour des gens qui accommodent affez de viandes à demi rues. D 4 »o MorüRS DES Sauvages La fagàmité étant faite a on la diftribuë en autant de petites Chaudières , ou de petits plats , faits d’écorce , ou de racine d’arbre >; qu’il y a de perfonnes , dans la cabane , lef- quelles y touchent à toutes les heures mar- quées par leur appétit , foit le jour , foit la nuit. L’appetit elt chez eux Tunique horloge fur laquelle font montées toutes les heures du repas. On remplit outre cela un grand plat * qu’on peut appeller le plat des hôtes \ 8& qu’on ferr à toutes les perfonnes qui viennent rendre vilïte dans la Cabane , foit qu’elles foient étrangères , foit qu’elles foient du vil- lage même. * Le R. Pere Dom Auguftin Calmer, dans^ fes notes fur la Genéfe , a fort bien obfervé , que dans les temps héroïques , les hôtes ne, difoient ordinairement , ni qui ils étoient J ni d’où iis venoient , qu’aprés le repas ÿ fouJ vent même on attendoit trois , quatre , ou: même dix jours , fans s’en informer. C’elfci aufïi le dernier compliment que font les A-. mériquains , chez qui Thofpitalité n’eftpas* moins facrée que dans' ( Tantiquité : 8c ce corn-, pliment, quoique muet , eft très- éloquent ji ôc beaucoup plus fenfé que nos révérences * êc des queftions , qui doivent paroître hors de propos , par rapport à des gens , qu’on, dit fuppofer las , & fatiguez du Voyage. Qui- conque entre chez eux eft bien reçu. A peine* celui qui arrive , ou qui rend vifite eft-il en*! tré , qu’on met à manger devant lui , fans rien dire : 8c lui même mange fans façon , avant d’ouvrir la bouche pour déclarer le fttJ jet qui l’amène. Les Brefïliens , les Sioux 4 8c quelques autres Peuples ,"ufent après cela envers les étrangers de beaucoup de cérémo* 1 Cotnmmairs Lit. fur U Gwfe , c bap, a 4. v, jj, A M E R 1 QJJ AINS. 8 r les que j’expliquerai dans la fuite. Il s’en :ouve encore , qui ont la coûcume de leur iver les pieds , laquelle étoit fi religieufe- lent obfervée par les Hébreux. La fagamité pure eft une viande bien creu- 8c les Sauvages avouent eux- mêmes, qu’ci-- ; nefçauroïc les foütenir long-temps, s’ils ’avoienr pas dequoi l’aflaifonner avec de la haïr , ou du poiflon , qui fervent à la lier , c à lui donner du corps , & du goût. Ils ne manqueroient point d’aflaifonne- îent y aufïi fou vent qu’il leur arrive d’en ranquer , s’ils fçavoient un peu mieux le mé- ager. Mais ü leur eft prèfque impofïible dans nirs principes d’avoir cet efprit de ménage- ment , 8c de réferve : la coutume reçüë , eft e manger tout , tant qu’ils ont dequoi , duf- mt-ils créver , comme s’ils ne dévoient ja- mais manquer , 8c de tolérer la faim avec pa- ience , & fans fe plaindre , quand ils n’onf dus rien. J’avois cru d’abord que c’étoit brutalité » c faute de prévoïance j mais , après avoir xaminé les chofes avec maturité , j’ai com- ris qu’ils ne peuvent abfolument enufer d’u- e autre forte , fans violer toutes leurs loix. e civilité » 8c de bienféance. Un particulier, our peu qu’il foit confîdérable , s’il a fait une onnechaffe , ou une bonne pêche , doit , don les occafions , faire des diftributions ix anciens , aux parens , 8c aux amis , 8c fes >rtes de largefles épuifent tout , mais ils n’o- . iroient y manquer , 8c ne pourroient le faire iris fe rendre infâmes. Il eft des temps , ou s font obligez de fournir leurcontigent , 8c % contribuer aux dépenfes publiques du vil- ge pour les feftins , qui font toujours de randes confommations , parce que la plus 8i Mo eurs' des Sauvages grande partie du village y eft invitée, üa homme , au nom de qui on a fait feftin * eft obligé de faire paroi i de répondre à une civilité par une autre civilité fembla- ble. J’ai déjà parlé des feftins à tour man- ger , où l’on ne doit rien laifter , & où l’on eft fouvenc contraint .de mener des. Ombres , & des Parafîtes , qui trouvent leur bien être à fuivre par tout les An- ciens , &c les confîdérables pour atrappet quelques bons repas, Ôc pour leur fervir de fé- conds à manger tout ce qu’on leux fert. Ces fortes de feftins, qui font trés-fré- qqens , & dans lefquels on fe fait un point d’honneur de 1 abondance & delà profufîon* ne permettent certainement .pas de penfer à accumuler des provisions pour long- temps* Au rèfte , c’eft véritablement l’honneur qui les fait agir. Je n’ep veux point d’autre preu- ve que ce que ce même honneur leur fait faire dans l’extrême néceftité. C’eft dans les temps de cbatfe , où ils (ont fi fouvent expafés à la failli , qu’il n’eft prefque point d’année qu’el- le n’en faife mourir quelqu’un. Alors , fi une Cabane de gens affamés en rencontre une au- tre , dont les Provifions ne font pas encore entièrement épuifées, ceux-ci partagent avec les nouveaux venus le peu qui leur refte , fans attendre qu’on le leur demande , quoiqu’ils demeurent expofez par- là au même danger de périr , où fe trouvoient ceux qu’ils aident à leurs dépens avec tant d’humanité & de grandeur dame. En Europe , nous trou vê- tions peu de difpofition dans des cas pareils * à une libéralité fi noble & fi magnifique. néeeflîté où ils Ce trouvent bien tôt ré- , duits par ces fortes de profufions, les obligé ! i manget de tout 5 fans difeemement & à ' Amer i qjtàtn s. $$ couver tout bon. Comme dans leurabon- lance , ils ne donnent pas le teins à la viande le fe mortifier , qu’ils la mettent dans leur :haudiére encore toute vivante , ou qu’ils la font rôtir dans de petites broches de bois , qu’ils enfoncent dans la terre par un bout , 5c qu’ils ont foin de tourner quand elle elfc :uite d’un côté, pour la faire cuire de l’au- :re*, ils ne fe font point auili un fcrupulede [a manger puante 5c prefque pourrie, quand ils n’en ont point d’autre. Us n’écument ja- mais leur chaudière, de peur de rien per- dre. Us y mettent cuire tes grenouilles entiè- res , & les avalent fans horreur. Ils font fé- cher les inteftins des Chevreuils fans les vuï- der , ôc y trouvent en les mangeant le même çoût que nous trouvons à ceux des Bécàffes : Ils boivent l’huile d’Ours , de Loup marin , d’ Anguille , 5cc, fans s’embarraifer fi ces huiles font rances Ôc infeétes. Le fuif des Chandelles eft pour eux un vrai ragoût. Us n’ont point encore abandonné les glands , qui ont rendu les forêts de Dodone ü célé- brés , ils les font feulement bouillir dans plufieurs eaux pour ôter leur amertume. Ils amaflent avec loin le fruit des Hêtres 5c les font rilfoler. Ils mangent avec plailîr des pommes de terre, diverles racines infîpides , ÔC toutes fortes de fruits fauvages & amers ? ils ne leur donnent point le tems de meurir & décroître , de peur que d’autres ne les préviennent & ne les enlevent. Pour mieux dépouiller un arbre, ils le coupent par le pied , fans fe mettre en peine des avantages qu’ils pourroient en retirer les années &L» vantes. Les Algonquins & ceux qui ne fé- ment point étant encore plus miférables » font forcez de manger quelquefois une Jî*£ÆJà 84 Moeurs desSauvages pece de moufle , qu’on apelle tripe-de-ro^ ciie , la tunique intérieure , ou fécondé écor- ce, & les bourgeons des arbres. C’eft pour : cela que les Iroquois ne donnent point d’au- tre nom aux Algonquins que celui de Ron * taks , c eft- a-dire 5 tes mangeurs d’arbres. * Le ' Pere du Tertre dit des Caraïbes , qu’ils man- gent louve nt de la terre toute pure 5. ce qu’il attribue à leur humeur fombre Sc mélancoli- que , laquelle produit dans les levains de 1 eftomach une afFe&ion déréglée , fembla- bie à celle des perfonnesdu fexe qu’on voie dans certaines maladies , manger avec plailïr de la craye 8c du charbon. Les Sauvages qui ont du bled, le mena- j gent un peu mieux que les viandes, 8c ce qu’ils regardent comme tenant lieu d’aflai- ; fonnement ils font en forte d’én avoir leur proviflon annuelle, & même au-delà s’ils’ peuvent. Quand le refte leur manque , ils ; mettent ce bled à toutes les fauces afin de varier , 8c de corriger par différentes prépa- rations aeque cette nourriture légère pour- voit avoir de fade 8c de dégoûtant. Lorfque Je bled d’Inde eft encore tendre 8c prefque en lait , on le fart un peu riflbîer fans le féparer de fon épy ; il eft alors trés- agréable au goût. On fait aulîi une provi-- fton de ce bled rendre en cette manière. Après l’avoir fait boiiillir dans fon calice , on ôte- les feuilles qui l’enveloppent , 8c on le fait- Un peu torréfier ; alors on l’égraine, on le; fait fécher au Soleil fur des écorces , 8c on le- garde pour les meilleures oecafions. Carde cette forte il eft plus délicat , 8c fait la plus excellente fagamité. Il y en a une efpéce qu’ils font pourrir dans les marais , pour! # S)fi T mît, B$ l mat* des Antilles, Traité 7, ch*p\ a A M E R I A I N S. rendre puant. Ils aiment celui-là avec pailion. Si lorfqu’ils le retirent de l’eau. , ou plütoE delà boue , on leur voit lécher &c favourer avec plaifïr cette eau qui en découle , & dont l’odeur e£t infupportable. Les Sauvageflès ont une manière de le leiîiver , c’eft-à-dire , de le faire cuire avec des cendres , qui en re- lèvent le goût. Elles ne brodent point celui-, ci dans les piles ; mais après l’avoir bien la- vé , &c l’avoir amolli dans l’eau boiiillante , elles brifent chaque grain entredeux pierres, ou les mettent cuire tous entiers dans la chau- dière. Je n’ai point affez étudié les régies de leur euifîne pour donner un détail exaéfc de toutes leurs fauces , aufquelks je ne tou chois pas volontiers. La manière dont leur bled me paroiflbit plus fupportable, c’étoir de le manger auflî-tôf après que les grains rôtis ont été retirez des cendres-, il prend un petit goût de brûlé , qui me parole allez bon. Ils en ont fur- tout une efpéce particulière qu’ils nom-- ment Ogarita , êc que nous apellons B/é-F/e»- ri , parce que dés qu’il a fenti la chaleur, il éclate , & s’épanoiiit comme une fleur. Ce- lui-là pafle tous les autres en faveur. Lés François l’aiment beaucoup , Sc les Sauva--, gés ne manquent pas d’en faire un régal aux perfonnes qui les viiîtent , Sc qu’elles veu- lent diftinguer. Elles font quelquefois du pain de leurhled d’Inde. Je dis quelquefois, Scpar délicate fleV car elles ne fçauroient en faire un ufage ordi-* riaire , leurs champs ne leur fourni flant pas affez à proportion de leur travail , pour four- s nir à la dépenfe & à la confommation que le pain emporte. Rien n’eft plus pefant Sc. plus infïpide : c’eft une mafTe dé leur farine , pé- trie mal proprement, fans levain Sc fans feL $ pofé de cette farine de bled dinde , ou de pe- tit mil , bien bluttée , & qu’en langage du païs on nomme Cruchade * Séfame. * L’Auteur de la nouvelle Hifloire de Vir- ginie dit , que les Indiens de ce païs-là , font du pain de la femence des Tournefols , qu’ils font venir dans leurs champs. Je n’ai point vu que les nôtres en füfïetu cet ufage. Les Sauvagefîbs n’en fement que trés-peu", el- les en font de l’huile pour fê graiffer , aufîU bien que de certaines pences" noix arriéres > & de quelques autres fruits ou plantes. Je crois néanmoins ce qu’il en rapporte vcar il y a toute apparence que le grand Tournefol> 0 BijU de la&irgme, Liv, 5. (h, 4, Ami r i cltt a r n s. %t connu des Botaniftes fous le nom de Heliotro - pium magnum t * ell le Séfame , dont les Anciens Egyptiens; & les premiers Peuples faifoient du pain , & de l'huile* Fol/e- Avoine, Quelques Nations dans 1* Amérique Sep- tenirionale tirent leur fubfiftance d’une forte de grain que la nature produit d’elle- même » on le nomme la Folle ^Avoine y dont les Fran- çois ont tranfporté le nom à quelques-unes de ces Nations. C’elt une plante marécageu- fe , qui approche affez de l’Avoine >mais qui efimieux nourrie. Les Sauvages vont la cher- cher dans leurs canots , au tems de fa maturi- té. Ils ne font que fecoüer les épys » lefquels s’égrainent facilement ; de forte que leurs Canots font bien- tôt remplis , & leurs provi- üôns bien- tôt faîtes , fans qu’ils foient ohli^ gëz de labourer ni de femer* Tsarines* Ce n’elî pas feulement des Plantes frumctr- racées que les hommes ont eu l’indullrie de tirer des farines , 8c de faire dupam pour leur nourriture. L’antiquité nous fournit plufîeurs exemples de diverfes racines qui fervoient à cet ufage. Telle êtoit la racine bulbeufe de l’Afphodéle a la racine nommée chara 3 donr il eft parlé dans f Céfar , & dont ce grand homme , peu de temps avant la célébré jour- née de Pharlale , fe fer vit pour nourrir fora armée , à qui TE pire ne fournifloit pas d’aflea * Aufîuarii Auftor apudfoM. Stobéum, in adcs& y Lib. 8. T htophr. $ Céfirdt bslle Civili, Lib, 88 M OE Ü R s DES S A U V A G E S grands Tecours de vivres. Telle étoit la plante : du papier , li célébré chez les Egyptiens , SC dont nous aurons occasion de parier plus en détail dans la fuite. Telle étoit encore dans ces derniers temps celle , que le petit peuple de cjuelqu’une de nos Provinces , fçut em- plpier utilement après l’hyver de 1709 a pour fe’ garantir des dernières extrémitez , où i’au- roient jetté la famine Sc la difette. Il y a dans les Indes Occidentales diverfes . racines dont on fe ferr, non-feulement pour les cas de néceiïité , mais encore dans l’ufage ' commun & ordinaire. La plus célèbre eft cel- le du Manioc } on Mandio laquelle eft la même que cellequi eftappellée Yuca dans les pre- mières Relations , &c dans celles des Auteurs Efpagnols. Cette Plante eftune efpece d’ar- buffe , dont le bois eft fort tortu , &c fort ten- dre ; fes faillies font étroites , ferrées , un peu longuettes comme celles du chanvre $ elles ne viennent pas routes en même temps* mais à mefure que la Plante croit , celles d’cn-bas tombent , & celles d’en-haut pouf- fent^de forte que 1 arbufte eft toujours-verd. A la chûte de chaque feuille il fe forme un nœud de la groffeur d’une fève. Ses racines ‘ font femblables à celles des carottes , lefquel- ; les deviennent plus ou moins grolfës , félon lai qualité du terroir , &c les foins qu’on leur donne. Il leur faut prés d’un an pou revenir à une parfaire maturité. Ce n’eftrpas qu’elles ne puiffenc le coofervei: plus long- temps dans la terre > mais elles le remplirent d’une trop grande abondance de fuc , qui perdant de fa • cdnlïftancë , les rend'trop aqueufes. Il y en a de fin ou de fept fortes , qu’on diltingue paf les différentes couleurs de feuilles > ôc des écorces. A M ER I QV AINS. Comme c’eft de la racine feulement que: ïeshabitans du pays tirent leur fubfiftance> il faut connoître ces différentes efpeces dont les unes érant meilleures que les autres, don- nent aufïi de meilleure farine ,6c de meil- leur pain. Le Manioc violet a une écorce allez épaiffe d’un violet fort obfcur ; mais le de- dans en eft blanc comme neige. Celui ci fe conferve plus long* temps enterre* & fait le pain de meilleur goût. Le Manioc gris a l’é- corce du bois & de la racine grife j mais il eft fort inégal : quelquefois il rapporte beau- coup , & quelquefois trés-peu ; le pain en eft paffable. Le Manioc verd , ainfi nommé à caufe de la verdure de fes feuilles , n’eft pas plus de dix mois à venir à maturité *, mais il fe conferve peu en terre : le pain en eft fort bon. Le blanc a l’écorce du bois blanchâtre , il eft plutôt meur que toutes les autres efpé- ces *, mais fes racines fe réfolvent toures^en eau ; de forte que q'uoique la farine foit d’u- ne fore belle couleur d’or, & d’un fort bon goût , étant de peu de profit , il eft aufïi de peu d’u (âge , Sc il n’y a guéres que ceux dont les prov liions font courtes, qjjjayent foin d’en planter pour en avoir bien-tôr. Il y en a une autre efpéce qui ne différé guéres du blanc pour fa forme j elle eft rare dans les Ifles , & commune dans la grande terre : elle fe mange crue , rôtie , boïiillie , ou de quel- que autre façon que l’on veut fans en expri- mer le fuc ; ce qu’on n’oferoit faire des au- tres efpéces de Manioc , leur fuc étant un ve- nin des plus préfens, &c des plus mortels. Il eft bien fingulier qu’une racine aufïi ex- cellente, foit pourtant fi dangereufe * & aie des effets aufïi funeftes. Car il eft certain que le quart d’un verre de ce fuc feroit mou-^ ^3 Moeurs des Sauva gïs rir un homme dans un quart-d’heurç , fl otî n’y apportoit un prompt remede. Les Indiens J éprouvent fouVent,fe faifant inourir volon- tairement avec cette liqueur, comme les Sau- vâmes Septentrionnaux en prenant de la ci- guë. Au commencencement de la conquête des Espagnols * , ces pauvres malheureux ne pouvant foufFrir le joug de cette fervitude , s’invitoient les uns les autres à fe faire mou- rir par compagnie ,& on en voyou des trou- pes de cinquante, qui s empoifonnoient avec le fuc d'r«w. Le Pere du Terre f croit que » tout ce qu’il y a de malin dans ce fuc , ÔC » & même dans toute la racine , ne vient que » d’une abondance de nourriture dont J effo- ** mach n’effc pas capable j car quoiqu’il foit " mortel en effet , il opère néanmoins d’une ** manière toure différente des autres poi- 95 fons , qui caufent des ardeurs étranges , s’tfs 99 font chauds , ou des afloupiffemens s’ils *> font froids ; ce qu’on né remarque point du » tout en ceux qui ont pris de ce fuc , ou “mangé de cette racine j mais feulement *» une répie tion d ’eitomach qui les fuffoque, “ Sc qui les fait mourir. De plus , on ne trou- ve aucune des parties nobles des animaux 93 qui en font morts , endommagez * mais 99 feulement leur eftomach enflé * de forte que ce Pere prétend qu’il arrive pour lors la même chofe qu’on a vu arriver après une fa- mine , à ceux qui crevent pour avoir trop mangé de bled nouveau 5 ou bien aux che- vaux, qui boivent après s’être trop remplis de froment , qu’on ne foupçonnera point d’ ‘être vénimeux. * Gm^a les d’Oviedo , Hifior. G en. lib. 7. cap. z. t D» Tertre , Hifi. naturelle oix ayant fait évaporer ce qu’il y avoir de trop aqueux t- Les Indiens font de ce fuc tout pur*, des bifcuits d’un goût trés-fin & trés-relevé , en le faifant épai/ïir au foleil , ou bien au feu , qui en confume toute la fiérofité. Ils font aufli de la racine de Manioc féebée , des boirions fort bonnes , &c qui font d’excellens reftatirans pour les malades. Oviédodit§ s qu’ils en foi# de bons bouillons , mais que lorfque la liqueur commence à fe refroidir s ils ceffent d’en boire. La raifon qu’ils en ap- portent , c’eft qpe quoiqu’elle ne foit pas mortelle à caufè de la première cuiffon > elle cft néanmoins indigefte lorfqu’elle eft frai* de , & ne fe cuit pas aifément dans l’efto- mach. Les Sauvages Tapiîias , & quelques autres du Continent, aufti bien que les ani- maux , mangent le M anioc de l’efpéce la plus dangereufe \ tout crû & fans aucune prépa- ration. faut néanmoins qu’ils s’y faffent j&eu à peu , & qu’ils y fuient accoütumez de bonne heure, fans quoi il leur nuiroit com- me aux autres a . Mais quelle que foit la nature de _ce fuc* comme il a en effet toute la force du poifon le plus violent , le Pere du Tertre fuggere trois remedes pour lui fervir d’antidotes. Ces remèdes font, de boire de l’huile d’olive avec de l’eau tiède : ou bien quantité de fuc d’A- * Thtvet Cofm.Vniv , Liv i t.ch. ti.p. 980. De Latt Ind. Occid.Lib. 1 $. cap. io. ff Qvitfo toCQ Cita J Di L*tt, lie. iit, a DuTtrtrsloc. e w. fi Moeurs des Sauvages nanas , avec quelques gouttes de jus de ci- tron : ou enfin , de prendre le fuc de l’herbe aux couleuvres 3 dont tous les arbres de ces pays- là font revêtus j 8c qui elt un fouverain contre- poifon , dont on peut ufer contre tou- ffes fortes de venins. Pour féparer de la racine ce fuç vitieux 8C nuifïble , les Sauvageffes , félon l’ancien ufa- f e , la ratiffent d’abord , 8c la dépouillent de in écorce 5 elles Yégrâgent enfuite à force de feras , fur une râpe faite de plusieurs petites pierres pointues 8c raboteufes, qui fe trou- vent fur leurs rivages , 8c qui font enchâffëes dans une planche d’un pied Scdemi de long, fur fept ou huit pouces de large* Une extré- mité de la râpe appuyé contre leur eftomach, de l’autre fe termine dans un vaiffeau propre à recevoir la rapure de ces racines , quelles raraaffent après cela dans des couloirs tiffus de jonc 8 c de lataniers , lefquels étant mis fous une preffe , ou fufpendus d une branche d’arbre par un bout, avec une greffe pierre' qui y fert de poids , 8 c qui elt attachée à l’au- tre bout, tout le fuc s’en exprime fi bien, qu’il ne relie plus qu’une farine féche , raf. femblée en grumeaux , 8c blanche comme la neige. Cajfave. Cette farine ayant été bien bluttée , & palfée par une efpéce de tamis , qu’on ap- pelle Hibicbet en leur Langue, elles qn font leur pain de caffave en cette manière. Elles ont un vaiffeau de terre comme une platine , qu’elles mettent fur le feu , enforte néan- moins que la flâtne n’y touche pas : lorfqu’tl elt bien échauffé, elles le couvrent de l’épaif- icu£ de deux doigts > ou environ , de cette fa» Ameri CLIT AINS. r fine bien féche , & qui n’eft détrempée d’au- cune liqueur : la chaleur la pénétre bien- tôt » & la lie , &-quand elle ell cuite d’un côté * el- les la tournent de l’autre avec de petites plan- ches qui fervent à cet effet j & la caffave le trouve faite prefque en auff peu de temps , qu’il en faut pour cuire une aumelette. Le pain de Caffave eit un bon aliment , SC d’un goût trés-favoureux; quelques-uns le préfèrent au pain de froment j mais pour le manger bon , il faut le manger frais d un joue ou deux -, il fe çonferve néanmoins très- long» tems , fur-tout quand on l’a fait fécber pen- dant quelque temps au Soleil. On lui donne suffi une telle préparation , qu’il devient comme une efpéce de bifcuit,dont les Euro- péens qui trafiquent dans ces quartiers, font leurs prov liions pour leurs voyages de long cours. Le pain commun eft de l’épaifTeuc d’un demi- doigt -, on en fait de plus mince » qui a encore plus de délicateffe* Les Sauvageffès font suffi de cette farine de Manioc s de même que de celle du Bled d’Inde , une forte de boiiillie 3 dans laquelle elles font cuite leurs viandes. On la nomme Min gant au Bréfil , ta c’elt lamêmcchofe que la Sagamité des Amériquains Septentrio- naux . 1 L’une Sa l’autre farine ell d’un goût favoureux , & n’a rien de fade , comme l’effc la nôtre en fortant des moulins. Les Indiens ks mangent fouvent toutes féches, fans mé- lange , Sa fans autre préparation. Outre la racine de Manioc , Sa le bled d’Inde * l’Amérique Méridionale fournit en- core un nouveau fecours à fés Habitans dans les Patates , lefquelles peuvent tenir lieu de pain , Sc font une fi excellente nourriture , qu’on a obferyé , que ceux qui enufent 3 fon& $4 Moeurs des Sauvages ordinairement gras , & d’une Tante vermeil- le j Avantage qui dévroit leur faire donner la préférence fur la farine de Manioc , laquelle étant trop deiîicative , ne donne jamais ni em- bonpoint j ni coloris. Patates , ou 'Bâtâtes. La Patate eft une racine bulbeufe , qui pouffe des tiges rampantes , chargées de fetiil- les rnolaffes , d’un verd fort obfcur , ôc peu «différentes de celles des épmars. Il y èn a de différentes efpéces, qu’on difhngue par les couleurs des racines ; car il y en a de vertes , de blanches , de rouges , d’orangées , de mar- brées j &c. Elles font toutes bonnes. On les fait cuire fous la cendre, ou bien dans un pot , au fonds duquel on met tant foit peu d'eau pour les empêcher de brûler qu’on a som de bien couvrir. En cuifant elles devien- nent mqîles comme les châtaignes , & ont prefque le même goût j mais elles font beau- coup meilleures , ne chargent point l’efto- mach , 5e ne font point venteufes , comme la plupart des autres Racines , Sc en particulier les groffes Raves du Limofîn , aufqueiles on pourroit les comparer. Pour leur relever le goût , les Européens leur font une fauce com- ptée de jus de citron , d’huile d’olive , 5c de piment , ou de poivre long. a Les autres vivres dont ufênt les Peuples de FAmérique Méridionale , ne font point fi mourriffans , ni fi fubiiantiels que ceux des ümériquains Septentrionaux , lefquels ont de toutes fortes d’animaux que le Pais & la éhaffe leurs fournifTent. Ceux-là vivent plus de poiffonquedechaic; ils n’ofent pas même en manger de toute efpéce : la Tortue en par- A M E B. 1 CL TJ A I N S. ? f liculier , leur eft auiïi défendue qu’elle 1’ëtoic anciennement aux Troglodytes. Ils ne man- gent pas non plus de chair de Pourceau , ni de celle de Lamentin. Ce qu’ils trou- vent plus facilement , & dont ils fe conten- tent aufli plus aifément , ce font des Crabes 6c diverfes fortes de coquillages qu’ils man- gent à la Pimentade , c’eft-à-dire , dans une fauce de jus de citron 3 6c de piment , laquelle ils font ordinairement fi piquante , que les Européens , qui n’aiment pas les ragoûts fi épicés , ne fçauroient aJbiolument s’accom- moder de la manière dont ils la préparent. Mais fi les Aménquains Septentrionaux ont fur eux l’avantage des viandes 3 ceux-ci l’em- portent par la qualité > 6c la quantité des lé- gumes 5 6c des fruits 3 que la terre leur pro- duit en abondance 3 ou d’elle- même 3 ou avec trés-peu de foin 6c de culture ; de forte qu’ils trouvent par tout de quoi vivre, 6c ne font pas fifouvent expofés à mourir de faim que les autres. Le Manioc vient mieux de bouture que de graine. Les graines ne produifent^ que des racines féches 6c maigres. La coutume eft donc de prendre du bois de fa tige 3 qu’on coupe de la longueur d’un pied ou environ > & qu’on plante de deux manières. La pre- mière demande plus de façon 3 6c produit aufti de plus belles racines. Après avoir brûlé les herbes du champ & avoir djfpofé la terre par mottes , on met dans ces terres relevées 3 trois de ces bâtons couchés en triangle 3 qu’on a foin de couvrir.Ceîa s’apelle planter à la fo(Je. La fécondé méthode eft plus facile , mais d’un moindre profit. Il fuffit d’enfoncer en terre, de diftance en diftance, ces bâtons de bois de Ma- nioc i obfervant de mettre les nœuds en haut 9 Moeurs des Sauvages ce qui s’appelle planter en piquet. On a foin de farcie r la terre , & d’entretenir les champs propres, jufquesà ce que le Manioc foitaffez fort pour prendre le deffus , 8c n erre pas fuf- foqué par les mauvaifes herbes. Cette Plan- te ain Ci cultivée a une fi grande fécondité, qu’un apent de terre qui en elt femé , nour- rit plus cteperfonnes que fix autres, arpens en- femencésdu meilleur froment. La Patate veut être dans une terre légère , modérément humide, 8c un peu remuée. On y fait des trous de demi pied de profon- deur , le plus prés qu’il fe peut j 8c on y met deux ou trois brins de fon bois , ou de fes tiges rampantes , qu’on couvre de terre. Ces tiges ayant repris , en jettent de nouvelles en fi grande quantité , qu’elles couvrent tout le champ où on les a plantées. Il s’y forme au pied , ou dans chaque trou , cinq ou fix raci- nes de figure différente , dont quelques-unes font groffes comme la tête. Piufieurs Nations Sauvages font du pain de purs fruits féchés 8c réduits en farine. Ce pain elt fort dur , mais afiez favoureiix. Celles du Nord qui vivent la plus grande partie du temps de leur pêche , 8c qui ne fê- lent point , font aufïi du païm de poiffon féché 8c boucanné au foleil. Elles le brifent dans des piles 8c le réduifent en farine com- me on fait le bled. Soins des Champs. Les Sauvages ont grand foin de leurs champs , 8c y fiement outre cela diverfes for- tes de légumes , 8c des fruits. Ce qu’il y a de finguüer , c’elt que les Caraïbes obfervent les temps de la Lune pour faire leurs femences * preuve A M E R I Qjr AINS. ÀJ preuve encore-fenfible de l’Antiquité de l’er- reur ou de l’opinion que la Lune y fait quel- que chofe. Le foin des champs eft pour elles un travail fort rude , fj l’on confédéré le peu de , Çcours qu’elles ont , n’ayant que de méchantes houes de bois pour remuer la terre. * Tout ce quelles fémentou plantent , de- mande de la culture. Le bled d’Inde en deman- de encore plus que le relte ; de manière qu’il riifparoitroir entièrement d’une Terre, lion SP Prenait le même foin que du froment. Aimi quand Hérodote dit de -cette efpéce de millet , qui vient aux Indes , 8 e que je crois Etre le Mais , que la terre le produit d’elle- meme , il y a apparence que cet Auteur a Eté trompé en ce point ; car je fuis perfuade qu il ne poürroit croître ^infî fans dégénérer , comme il arrive d’ordinaire à ces fortes de Plantes qui demandant de la culture dépérif- [ent lorfqu’on n’en prend plus de foin. En ïfter je ne crois pas qu’on vove nulle part en Amérique du Maïs qui ycroiifede lui-même, il ne paroit pas même dans les endroits où ü i ete autrefois cultivé. Tranfport des Village s-* Comtpeles Sauvages rte fument point leurs erres , &■ ne les lai/Terit pas même repofer , Iles s epuifent bientôt -& s’énervent ; ce qui es met dans la néceifité derranfporter ailleurs eurs Villages , & de faire de nouveaux iiamps dans desterres neuves. Ils font enco- e réduits a cette néceifité , au moins dans Amérique Septentrionale , & dans les Pais roids, par une autre raifon plus prenante; Tome HT. £ 7 ^ Uetoi. lib. 3 », 10© heure pputees iortes eu que leurs vieux champs paient leur a$$ Moeurs des Sauva ges fcàr comme il faut que tous les jours les fem- mes portent à leurs cabanes le bois de chaut, fa plus le bois s. éloigné i de forte qu a- prës un c'ertam nombre d’années * elles ne peuvent plus tenir au travail de charroyer de fi loin le bois fur leurs épaules. Ceux qui font au voifinage des Villes Fran- coifes dans la nouvelle France , ont voulu oarer à cet inconvénient , & fe font mis de- puis quelque temps en poflefifion d avoir dpsj chevaux pour conduiue~à la cabane leur bois, en traîneaux pendant l’Hyver,& fur le dos des mêmeschevaux pendant l’Eté.Les jeunes gens; ravis d’avoir des chevaux à me'ner , prennent ' volontiers cette peine les femmes de^ chargéespar ce moyen d un fardeau tres-onea reux nen ont pas moins de p’aifir qu eux mais ils font tombés dans un autre mconve-, Sent ; car ces chevaux, qui font en grand nombre , fe répandant par troupes dans leurs champs de bled dinde , ou il _ n y a. point de hayes & de clôture pour les arrêter * lçs défolent entièrement , fans qu on u fl Y porter remede. Car n’etant 1 nourrir dans des écuries , tout ce qu ompeut faire c’ell de Renfermer dans de mauvais parcs , que ces chevaux franchisent aifç- ment y foit que ne trouvant pas atfez de nour- riture dans ces enclos , iis foient P orte f^ u ,*' mêmes à en aller chercher ailleurs dans les bleds d’Inde , qui les affriandent plus que 1 a- vome vfoit que les enfans , qui font fans ceg occupés à les animer pour les faire battre, M preifent , 6e les forcent de fauter pai- diffus leurs barrières. Ils prennent leurs raefures dc.bonne jp . •• . A M E R î O^ T T AINS. [tiques a ce que les nouveaux foient en état le pourvoir a leur fubfiflance j de manière ju’iJs puisent les abandonner Tans en fouffrir. .hielques années donc avant de quitter leur /illage , ils vont marquer la place des nou- veaux champs dans les bois , ils s’y tranfpor- enr pour cet effet durant l’hyver , & y dref- ° nc de petites cabanes pour leur hyverne- lenr. Ils trouvent à cela un double avanta- e^car ils défrichent leurs champs en cou- ant les mêmes arbres dont ils ont befoin pour ï chauffer , &c qui étant aux portes’ de leur îbanage , leur épargnent la peine d’un long anfiport. Ce fondes hommes par toute l’A- iérique qui font chargés de marquer les ïamps 3 & d’en abattre les gros arbres. Ce int eux auiîî, qui en tout temps font obli- ;s de couper les gros bois , donc les femmes * içauroient venir à bout , en forte qu’elles ont jamais que la peine de le débiter par :iats oc de le voiturer. Ils n’avoient anciennement que des haches : pierre, lefquelles n’étoientpas fuffifantes >ur couper les arbres d’une certaine grof- LJr > p u t l ul nel’eufiènt fait qu’en leur don- nt beaucoup de peine. Les Européens ir en ont apporté de fer bien acéré , & leur t donne 1 exemple d’abbartre le bois , de le ndre , ôc de le fcier. Ils n’en ont pas beau- up profité néanmoins , ôc ils fe font arrêtés eur ancienne méthode , qui dt de.cerner arbres , de les dépouiller de leur écorce ur les faire mourir, & de les la i fier féchec Pied. Quand ils font fecs, ils les abbat- l , r en appliquant le feu au bas du tronc , ies minant peu à peu avec des petits tifons. Us ont foin d entretenir , & .de rappro- ‘ r - Ils les coupent par billes de la même £2 tco MOÏÜK-S DSS SAUVAGES manière , lorfqu’ils font renverfes en plaçant de femblables tifons de diltance en di tance fur le corps de l’arbre. Pour ce qui elt de» fouches , qui relient en terre » ils les laiflfeni pourrir à la longue , ôc les arrachent enfuite ^Ceshaches de pierre dont je .viens de par- ler , font d’ufage dans toute 1 Afnerique de Temps immémorial-, elles font faites d une ef- péce de caillou fort dur &peu calant, elles de- Biandentbeaucop de préparation pour les i met- tre en état de fervice : La maniéré de les pre parer eftde les aiguifer en les fto«antfur un Irez , & de leur donner a force de temps i ■ SC le travail , la figure à peu près de nos haches, ou d’un coin à fendre le bois. ^Sou vent ia vie d’un Sauvage n’y fufïit pas ', d’ou vient qu un pareil meuble , ïût-il encore brute & impa - lait , elt un prétieux héritage pour les enfans. 1 a oierre perfectionnée , c elt un autre em- batr P af pour Emmancher : Il fut chorfit un kune arbre, & en faire un manche fans le couper ; on le fend par un bout , on y infett la pierre , l’arbre croît ,1a ferre, & lhncorpo; re tellement dans fon tronc, qu il eftdifhcil & rare de l’arracher. Il fe trouve encore ei France dans les cabinets des Curieux de pierres femblables qu’on nomme f lu Pierres de foudre , qui ont e te trouvée Hans le Royaume , en des endroits dont le Scsi ordinaires font d’une nature tout différente Ces pierres font encore une preu differente. habitars des Gaules e à celui qu* fenf auioutifhui les Amètiquams , qt îéàvant point ou prefque point de commère S Européens , font obligés de s'en ten àieuts anciennes pratiques. Les Sauvages oi A M E R 1 QV AI N Si ^ ÏOÎ âuffi des efjkees de eoüteaux de même matiè- re que leurs haches * qui ne doivent pas être différens de ceux dont Te fervoient les Juifs pour leur Circoncifion, & de ceux qui étoient en ufage chez les Gentils pour les Prêtres de C y bêle. On doit remarquer par rapport à ces trans- ports de Villages des Sauvages , & àlanécef- iïté où ils fe trouvoient de changer fouvent de terrain, que cette néceflité ayant été c- gale dans les premiers temps , & peut-être encore plus grande , eu "égard à la dlfette , 8C au peu d’indu fl: rie de la piûpart des Nations * on en doit conclure ■> que les Villes des pre- miers Peuples étoient auiïi ambulantes que ces Peuples mêmes. Et que celles qui dans la fuite ont été fixes quand on a bâti d’une ma- nière plus folide 3 & que l’art a fuppléé au be- foin des hommes , n’ont pas toutes été les premières du même nom , ni des mêmes Peu- ples qui les ont fondées. Ce principe peut fervir à éclaircir les doutes qui peuvent naî- tre dans la comparaifon de la Géographie nouvelle avec ^ancienne. De la vigne & du vin. la vigne vient par tout en Amérique % mais les Sauvages ne la cultivent nulle part 3 & ignorent le'fecret d’en faire du vin. Ils font" tous naturellement de fi grands yvro- gnes , qu’on peut bien juger fans leur faire tort , que ce n’eft pas leur faute. Il faut donc que ce foit celle du terroir , ou de cette vi- gne même, qui ne produit prefque par tout que des lambrûches. En Canada le grain en eft fort périr , & fort acide dans fa plus gran- de maturité. Dans les Pais un peu plus toi Moeurs des Sauvages chauds j il efl un peu plus gros , 8c a plus de douceur. Les Européens ont tenté en divers endroits d'affranchir cette vigne fauvage, mais je ne fâche pas qu'ils y ayent réufïi juf- qu’à préfent. Le plan apporté d’Europe a dé- généré au Brefîî , dans la Nouvelle France , 8c dans la Nouvelle Efpagne , excepté au Pérou 8c au Chili , où il a parfaitementbien fait. Il n’eft pas croyable que dans un Païs aufïî vafte que l’e fl P Amérique , il ne fe trou- vât pas ailleurs quelque terroir qui fût pro- pre à la cultlire de lâ vigne , fur tout dans les Climats qui répondent à ceux de l’Europe , cù fe cueillent de fi excellens vins de toutes fortes, Il faut donc qu’il y ait quelque raifon, 'autre que celle du terroir , laquelle ait em- pêché qu’on n’y ait eu le fuccés qu’on s’en ctoit pu promettre. On m’a affuré que nos Millionnaires vers les Ilinois , avoient tenté de faire du vin des raifinsdu païs, qu’ils s’en Soient même fervis pour dire la Meffe > je croirois en effet que ces païs- là y feroient des plus propres y mais l'épreuve qu’on en a faite, ne me paroît pas fuffifante , pour porter fur cela un jugement afïùré. L’antiquité du vin tk fon origine font a f- fés connues par la fainte Ecriture -, mais, comme je l’ai déjà dit , le plus grand nombre des Nations n’en avoit pas Pufage. La plu- part des peuples fe contentoient de l’eau pu- re. D’autres fuppléoient au défaut du vin , 8c faifoient des boifTons enyvrantes , avec diverfes fortes de grains 8c de fruits , auf- quelles on donnoit aufii le nom de vin , comme à celle qui étoit faite du fruit de la vigne. C’efl ainfi qu’ils faifoient, 8c qu’on fait encore du vin de Palmille. Les Egyp- tiens: en faifoient avec le Lotos , c’efl aufli à Am/riquains. ïoy iiïSf qu’on doit l'invention de la Bière. Bùiflbns enyvrantes. Les peuples de l’Amérique Méridionale k les Mexiquains ont au’flî le fecret , 8c un ifage de temps imfnémoriâl de faite des >Oiffons fortes &C enyvrantes , avec, les mè- nes racines , les mêmes grains, 8c les mêmes fuirs , qui fervent à leur nourriture commu- le. î! y en a de pluïîeiirs efpeces , qui ont iufïi des noms differens-j noms qu’elles ont irées des diverfes matières , qui en font le bhds , 8c de la manière différente dont oh es compofe. La Chien. La plus commune de ces boîfforts , eff relie qu’on nomme Caouïn au Bréfil \ chic a rhez les Indiens de la domination d’Efpagne, k Outcou aux lïles Antilles , 8c dans plu- ïeurs endroits de la grande terre. La ma- iére de celle cy elt la racine de Manioc f ni le Maïs. On coupe la racine de Manioc , ùen ranffée , par quartiers, comme on en de en Europe pour les navets , qu’on met au >ot:on fait boiiillir toutes ces , racines ainfî raillées par rotielles dans de grands vaiffeaux le terre , jufqu’à ce qu’elles foient molles 8>C endres; alors: les femmes , que cette fonc- ion concerne uniquement , s’accroupiffant ?n rond autour de ces grands vaiffeaux , nrennent de ces racines ainfî amollies , les nichent , r & les tordent dans la bouche fans ien avaler ; & rejettent enfuite ces mor- :eaiix mâchés dans d’autres vaiffeaux de ter- ■e , ou elles font bouillir .derechef toutes :es racines enfemble , remuant continuelle- s©4 Mo.iwis des Sauvages ment avec de grandes fpatules toute cette matière / jufqu’à 'ce que le tout foit cuit* .Aprés-quoi j fana la couler , Ôc fans la pafier 9 elles l’ôtent pour la fécondé- fois de defifus le feu , ëc la verfent dans d’autres grands vûif- foaux de terre , iêrobiables à ceux dont on; rfê fort en plufieurs de nos Provinces pour* faire la leilive , excepté qu’ris font un peu plus allongés & plus étroits par le goulet. On apelie ces vaiffeaux en langage du pars* du nom de Canari -, nom générique pour iîgnifier toutes fortes de vafes de terre 5 de quelque grandeur qu’ils foient. Ceux-cy contiennent juiques à foixante & quatre- vingts pots. Toute la liqueur' y ayant été vuidée , on la laiffe fermenter à découvert , pendant quelque temps,aprés- quoi on la cou- vre jufqu’à ce qu’on veuille la boire 5 & alors on la coule par un Hibichet , ou crible du pais. ... j Les femmes mâchent le Maïs boiiilii pour en faire de la boiifon , de la même, manière qu’elles en ufont à l’égard de l’0«r- çou , fait des racines de Manioc. Thévet * a ©bfervé s que pour faire ces liqueurs il y avoir une fuperftition parmi ces peuples > laquelle ne permettoit qu’à celles qui étoient vierges de s’en mêler Sc que fi par hazard les femmes mariées y étoient apellées , elles dévoient s’y être préparées en vivant pen- dant quelque temps dans la continence > &C féparées de leurs maris. Le fieur de Léri t.fo naocque de cette obfervation & la contredit 5 mais , comme il avoiie que les hommes n’o- feroient abfolument y toucher , & qu’ils di- fent que la liqueur ne vaudroit rien s’ils la * fhévet Copneg.Vniv. Liv. ix.chté. F. 19C. un de Lery , fiijt. de l'Amérique, çfrap. A M E R I QJ7 AINS. ( I O f âifoient eux- mêmes ; 8>C que d’autre part :ette boiflon elt le plus fouvent deftinée jour ce qu’on apelle faire un vin , c’eft-à- lire , pour ces aflemblées générales , que i’ay die être marquées par un motif de Re- igion ancienne , on pourrait dire que Thé- ier a eu raifon en parlant pour ces occalîons >ù la Religion a quelque part » & que corn- nunément, on n’y regarde pas de fi^ prés » }uand il ne s’agit pas de ces fortes d’affem- >lées *, mais feulement d’avoir dequoi boire >our i’ufage ordinaire , auquel cas le fieuc le Léri n 'aurait aufïï point de tort- La falive de ces femmes eft un ferment jui donne à ces liqueurs une grande force» 1 ne faut pas les voir faire, non plus que jos cuilîniers lors qu’ils préparent leurs fan- :es & leurs ragoûts i mais le feu corrige out : &: après la fermentation , ces fortes de îoiàbns font aifés agréables. • Elles font f ordinaire aifes épaiffes , & c’eft fans doute )our cela qu’ils ne mangent point dans leurs êltins à boire > y ayant en même -temps lequoi boire Sc dequoi manger. Elles eau- ënt aufïi une yvrefle très - incommode » :omme dos meilleurs vins. Je croirais nean- moins par rapport à ceux qui feraient ac- muumés également au vin &£ à ces boif- ons , qu’on ferait yvre d’une moindre juantitë de vin ,que de ces autres liqueurs.^ :e qui montrerait qu’en effet , elles n’ônt >as en foy une fi grande force. Le Maby « Le Maby eft une autre forte de boiflfora (ïdinaite -, mais moins commune : elle eflr ompofée de patates pures 3 qu’on fait cuite E { ïo# Moeurs des Sauvages dans une chaudière. Les SauvagefiTes mâ- chent auifi les patates cuites a Ôc les recrar- chent dans un Coüi , c’elt-à-dire la moine d’une calebaife, ou cela s’étant aigri, il Te fait une forte de levain dont elles prennent gros; comme un œuf qu’elles font diifoudre dans une bonne chopine d’eau , ôc cela fait fur le champ une boiflbn violente , qu’on peut faire paifer pour d’excellent vin blanc , rou^ ge , ou clairet , félon la couleur de la patate.. Elles ne font néanmoins cette forte de leâ vain que pour les cas de oéceiïité , ou U faut, une boilfon qui foi t prête fur le champ , cafl la manière ordinaire de faire le Maby , c eit; de verfer de l’eau fur les patates , ôc de lesj laiffer bouillir comme le vin nouveau. Les Européensqui n’aiment point la mal- propre-] té de ces racines mâchées , fe contentent d e« gruger deux ou trois patates cuites , qui caufent une fermentation prefque fubite i après que la liqueur a été quelque temps dans les vaiifeaux. Le Palinot. Le Palinot eft une boiffon compofëe d< patate ôc de caffave brûlée. Les Sauvageife: rompent la caftave ôc la mettent dans le; vaiifeaux , tandis qu’elle eft encore tour* chaude , & y ajoutent des racines de patate crues coupées par morceaux. Elles fon auiîi des liqueurs avec des Bananes , de Ananas , ôc d’autres fortes de fruits. Mal ces boiffons n’étant pas fi faines que les pre rnieres , ne font pas d’un auffi grand u£àgj Les Nègres en Amérique font du vin d Palmifte , ôc les blancs du vin de caruK ^u’on dit être fort délicieux. A M E R I Q. ir A I N S. ' 107 La commodité de coûtes ces liqueurs , :’eft qu’elles fe font en peu de temps : que a fermentation en eü: bien- tôt faite , & la soiflon bien-tôt dans fa boite *, mais auili il ^.ut bien -tôt les boire , car en peu de temps dles s’aigriffenr. Un fujet de confolation , 8 c exeméde à cet inconvénient, c’eft qu’on ne nanque guéres de matière pour en faire de louvelles. Hormus * parlant de cette boiiïbn apellée' :kica t dit qu’elle effc commune aux Améri- juains , aux Tartares , & aux Scythes ; rompé enfuite par la reiïemblance des ter- nes , il confond la ebica avec le cia des Chinois , des Japonois , des Perfans , & des Pures. Le cia ou chia des Chinois , des Japo- lois , &'des Tartarës , c’eft le Thé. La boif- on des Turcs & des Perfans , c’eit le caffé , ir ni l’un ni l’autre n’a de rapport avec les 'os dons enyvrantes faites^avec le Maïs. Outre ces liqueurs , il y en a encore de trois 3rtes, de qualités,, ÔC d’efpéces toutes dif- êrentes des premières , & entre-elles. Ces iqueurs font le Chocolat , l’herbe du Para~ uay , 8 c la Caiîine. Le chocolat. Le Chocolat eft un préfent que le Mexique fait à l’Europe , où il eft aujourd’hui ü ommun , fur- tout en Efpaghe , & en Italie j fb’ii femble que ceux qui y font accoutu- iez , particuliérement les vieillards , ne ^auroient vivre fans cette prétieufe liqueur» l n’étoit pas moins commun niroqinsné- edaïre chez les Mexiquains , ainfi qu’on “ut le conjeélurer de ce que le Cacao , qui E 6 * H oms de Orig, G en. Amric. Ub. u ah, 1 l 9 herbe du Paraguay . Comme je n’ai vû l’herbe du Parag que feiche , hachée comme de la paille » Voytt^ te contraire , Hifit naturelle du Caçat } chtî, fait mè de U Hart f* 10S Moeurs des Sauvages en fait le fonds , y "tenoit lieu de monoye 5c fervoit dans le commerce avoir toutes les chofes néceffaires à l’ufage de la vie , ainft que les métaux parmi nous. Les Me xi- quains varioient extrêmement cette boiffon* par le mélange de plufieurs autres mgrédiens* dont ils faifoient différentes compoiitions, qui en changoient la qualité & le goût , fé- lon la variété des divers mélanges 5c des différentes préparations. Les JEfpagnoles en. ont fait une liqueur fort agréable , en ajou- tant au cacao -, la vanille, la carrelle, 5c le lu- cre , dê la manière dont on le prépare au-'; jourd’hui communément en Europe. Le ca- cao qui , comme j’ai dit , en fait le fonds J 5c en eft comme la baze , elt un fruit de la figure d’un melon ou d’un concombre , rayé , cannelé & roux , plein de plufieurs noix plus petites qu’une amande. Ce font ces noix qu’on met en ufage , elles font d’un tempérament froid * 5c humide, 5c d’une faveur moyenne entre le doux 5c FâmerJ L’arbre qui les porte , eft femblable à l’oran- ger ; il a les feüiirës de même , mais un peu plus grandes : au fommet il a une efpéce de couronne. Cet arbre eft fort foible , 5c fort tendre •, de forte qu’il a befoin d’un autre ar- bre >que les Efpagnols nomment : La Madré del Cacao , 5c qui femble n’être fait que pouf lui fervir d’ombre. On diftingue des Ca- caoyers de quatre ou cinq efpéces. Ameri q. tt a ï w s. ï©:^ prevue réduite enpoufîiére , je nefçaurois dire auiïi quelle plante c’eh. Il y en a deux efpéces , on nomme l’une Ritrva de Palos &€ l’autre Kierva de Camini , laquelle eh beau- coup meilleure >' 8 c plus rare que la premiè- re : on leur donne aufîi le nom d’herbe de S. Thomas ou de S. Barthélémy , en confë- quence de l’idée que fe font formé les Efpa’- gnols * que î’un de ces Apôtres avoir pafle dans ces quartiers de T Amérique, oùilavoic rendu cette herbe falutaire , de venimeufe qu’elle étoit , ainfi que porte leur tradition* Il y a apparence que c’eh des naturels du pars que les Espagnols ont appris à en faire ufage. Ils en font upe h grande confomma- tion à la rivière d’Argent , au Chili , & au Pérou , que fi Ton en croit M. Frézier * il en fort tous les ans du Paraguay pour le feul Pérou , foooo. arobes , c’eh- à- dire , i 2 $ oooo. pelant de Tune & de l’autre her- be j n’ont il n’y a cependant que le tiers de celle qu’on apelle de Camini , 8 t a 500a. arobes pour le Chili , qui font la moitié de ce qui en eh porté dans le Pérou. La manière d’en ufer , eh de la faire in- fufer à peu prés comme le Thé. On met: l’herbe dans une coupe faite d’une nacre 9 d’un coco j ou d’une calebafie armée d’ar- gent , on y ajoute du fucre. On verfe en» t fuite l’eau chaude fur l’un & fur l’autre , &C fans leur donner le temps de prendre une teinture trop forte, on attire l’eau avec un chalumeau d’argent , au bout duquel eh une petite ampoulle percée en plufieurs endroits, laquelle fert à féparer l’herbe d’avec l’eaut où elle fumage ; deforte qu’on ne fuçe que l’eau toute feule. Quelques-uns au lieu de ê frtçier j Voyage de ta Mer du Sud> f, ix$ } ïïo~ Moeurs des Sauvages chalumeau pratiquent au fond de la rafle, une réparation d’argent percée de plufîeura' petits trous , qui fait le meme effet. La Cajfme. La Caflîne efi une boiffon particulière aux Peuples de la Floride , les Auteurs. anciens & r modernes en ont parlé > mais, je n’en fça- che aucun qui nous ait fait connoitre fa compofîtion au jufte \ 8c il fe trouve entr’eux une efpecè d’embarras ou même de contra- diéfion qu’il n’ell pas facile d’éclaircir. * Thevet nous la reprefente comme une li- queur faite de l’infufjon d’une herbe qui a la figure d’une laitue. Le fleurie Moynede Mourgues en parle comme d’une boiffon de plufeurs herbes. Le Proteltant qui a impri- mé (bas le nom Efpagnol de f François Coréal , ne nous en donne aucune notion. De Laet nous laide croire, que c’ell lâ dé- coction des feuilles d’un arbre; & f j’en crois ce que m’en a dit un Auteur grave, quia fait le voyage de Mifïifîipices dernieres an- nées, la Cafîine n’eft autre chofe que la tein- ture des feiiilles de l’Àpalachine , laquelle efl un petit arbufte affez femblirole au Myrte, 8C qu’on connoït aujourd’hui en France , oùon Ta apportée de la Louifia ne depuis les der- niers établiffemens qu’on a faits en ces Païs-^ là. De Laet 8c le fïeur de Mourgues , parlent de la Caiîîne plus au long que les autres qui en ont traité. Mai* ils en parlent d’une ma- nière fort différente. Ce qu’ils en dtfent mé- rite d’être rapporté ici : on ponrroit peut- * Thevet, Coftu. umv. Liv. ij.ch. t. F '004. 1 Carreal , voyage aux Indes Qccid, ch', x, i, fart. Amer i«Qjj ai ns. pi être accorder ces Auteurs en difant que Lun? ne s’elt attaché qu'à une cérémonie de Re- ligion , où la Cad] ne leur fert à tirer leurs- augures, ôc à choifir leurs Guerriers , pour les expéditions qu’ils veulent entreprendre * ôc qpe l’autre ne s’eit propofé que l’ufage or- dinaire que ces Peuples en font. On en juge- ra par leur Relation. » La Caiïine, dit de Laer , f'ell un arbre qui ne porte point de fruit , & des feuilles ss duquel les Sauvages font un breu vage qui «a une vertu fîngùiiére pour provoquer les as urines. Il eft en telle eftime parmi les Ef- » pagnols , ÔC parmi les Sauvages , qu’à pei- » ney en a-t-ilaucun qui n’en boive matin ôc ss foir , ôc même avec plus d’excès qu’on, ne s* fait le Chocolat dans la Nouvelle Efpagne. ss Pour le faire , ils £rennenr % une certaine a» quantité de feiiiîles , qu’ils mettent à fee a» dans un pot de terre , où ils les font riflbipr ■»j avec un tifon préparé pour cet effet , ÔC s» qu’ils remuent de l’autre main fi long teçips ss que leur couleur verte foir changéeen rouge. *» Ils y verfent enfuite de l’eau peu à peu juf- s» qu’à ce que levaiifeau foir prefque plein ? » alors ils vuidenr la feule liqueur qui refflbm- »s ble pour la couleur au vin clairet , ôc rend une écume femblable à celle du Chocolat j> 30 quand an y mêle i*Atbol(* * Les Espagnols 3 s» & les Sauvages boivent c-ette liqueur dans s» de grands coquillages de mer , ils la pren- a» nent aufïi chaude qu’ils la peuvent fouf- so frir, ôc en li grande quantité qu’ils en peu- ss vent porter \ ils oroiroient même mourir ■j- Joan. de luiet , India Occïi. tib. 4. cap. if. * L’Athole eft une boifton faite de grains de Maïs , don£ les Mexiquait® faifoient un grand ufage , ÔC fe fervoientaiSi {jeu de ptifens » ils la n&êloient avec km C^pçol|>$> uz Moe u RS de s t Sauvages *> s’ils avoient palïe un fèu-1 pur fans en boire, »Une heure 5c demie après en avoir bü , ils » lâchent une quantité incroyable d’urine* » prefque continuellement pendant l’efpace d’une heure-,, auflrs’errtrouve-t’il peuquî vf foient fu jets aux affeéf ions des reins 5c de » la veiïie. Les Sauvages fe fuWtantem aufïi » de cette potion , 5c quand ils veulent fe » purger * ils y mêlent de l’eau de mer , 5C » par ce moyen ils purgent violemment les 93 mauvaifes humeurs par haut 5c par bas. Il »' arrive même que s’ils en mêlent avec ex- » cés , quelques-uns en meurent. » A certain temps marqué de Tannée, dk| » le fieur de f Mourgues > les Peuples de la. » Eloride tiennent un Çonfeil général , où ils s*> s’afTemblent tous les matins. Ce Confeil fe »> forme dans la Placé publique où font pré-* s» parés des bancs rangés en demi cercle , fur le (quels tout le monde s’affeoit autour du 95 Ch ef , qui eft feul aiïis au milieu fur une »efpécede trône fait de neuf pièces de bois « arrondies , plus élevé 5c plus avancé que *> celui de fes Sénateurs. Le Chef fe place le 93 premier , tous les autres , par ordre , à com- » rnencer par le plus ancien des vieillards » 93 viennent le faluer , élevant leurs mains fur» » leurs têtes , & chantant une chanfonàla- » 9 quelle tout le chœur répond par des bé 3 hé, » Chacun ayant rendu le falut en cette ma-. » niére , 5c s’étant a dis , le Chef expofed fon » Confeil le.fujet qui les afTemble, 5c conful- *> te four à tour les faouas , qui font les Prêtres « ou Devins , 5c les Anciens , 5c il leur de-.. « mande à chacun leur avisjcar ils ne prennent 93 aucune réfolution qu’ils n’en ayent aupara- vant délibéré long- temps enfeiïÿle. Cepeiv- 1 k f Le Mojnt de Mourgut », loc. o; a Amir I CLU AINS. 1 - 1 ? p dam les femmes par ordre du Chefprépa- 3 rent la Caffine ; c’efl: ainfi qu’ils nomment ?ane boiflon compofée de certaines herbes » dont ces femmes ont foin d’exprimer le )us 3 après qu’elles les ont fait infufer & bouillie. » Avant que de la boire , un homme choili 3 pour cet emploi fe lève de fa place , 8 c tfè o tenant au milieu de rAfFemblée en préfence » du Chef, fait un difcours pour fouhaiter o que cette boiflon foit utile à ceux qui en 3 doivent goûter , 8 c qu’elle leur infpire un 3 efprit de force : Prenant enfuite de la main > des femmes un grande coupe pleine de cet- >te boifFon toute chaude, il la préfente au 3 Chef avec beau coup de cérémonie. Le 3 Chef l’ayant büe , il en offre à chaque par- 3 ticulier une pareille dofe , dans la même s coupe.Ces Peuples font une fî grande eitime 3 de cette liqueur , qu’il n’y a que les Guer- » riers , 8 c ceux qui fe font déjà lignâtes par 3 quelques exploits qui foient jugés dignes > d’en boire. Elle a cette propriété", qu’au ffi- » rôt après qu’on en a bu , elle excite une abon- > dante fueur. S’il s’en crouve quelqu’un dans > l’Aflèmbléedont J’eftomac ne puifTe la foü- » tenir, 8 c qui foit obligé de la rejetter , on le > regarde comme inutiie , 8 c comme incapa- > ble de faire la Campagne , où il leur faut > fou vent jeûner des trois 8 c quatre jours de > fuite. Après l'avoir bue , ils peuvenr être «vingt-quatre heures entières fans reffentir 3 la moindre atteinte de la faim ou de la foif. > C’efl; pour cela que dans leurs expéditions » es Hermaphrodites ;( c’efl:- à-dire , ces hom» nés habillés en femmes dont nous avons déjà > parlé ) ne portent prefque point d’autres » provisions que des calebafles pleines de cec- » ce décoCtion ou de cette herbe , qui a la vec» ri 4 Moeurs des Sauvages “ tu de les nourrir Sc de les fortifier \ mal: » qui n’enyvre point &c ne porte pas àla têt) ainfi que nous l’avons connu par expérien- ce lorfque nous leur avons vu faire de ce » fortes de fêtes. Les Floridiens faifoient des boiifons eny- vrantes avec le fruit des Palmes -, mais le plu grand nombre des Peuples de l’Aménq»< Septentrionale , fur tout ceux de la Nouvel France , «Sc du Nord , n’avoienr point d’autn bolflon que de l’eau pure’, âuïïi ne bûvoient- ils que par pure néceiîité , «3c trës-raremenr d’autant mieux qu’ils ont à boire & à mangei dans leur Saga-mité , laquelle elt toujours for claire 5 c fore liquide. Et plut à Dieu 5 que le: Européens ne leur euffent jamais fait connoî tre ces malheureufes boilfons , qui ne ferven qu’à les détruire , ÔC qui font auiïi funeftes % leurs avantages temporels de au bien des Co- lonies : qu’à l’établilfement de la Religion ôc au falut des uns & des autres. De quelques aunes Piaules de /* Amérique,' - Lés autres Plantes le plus uriiverfeltemenî cultivées dans les Indes Occidentales après î< Maïs 3 le Manioc , les Patates , 5z celles qu fervent à la nourriture , font la célébré Plantt du Tabac , &c les Cannesde fucre , qui font aujourd’hui une partie des grandes nche/Te-: des Colonies Européenes établies en ces quaF tiers du nouveau Monde. Mais comme ce< Plantes font très-connues depuis alfez long- temps , &C que je n’examine ici propremeni que les moeurs des Sauvages , & les chofo qui y ont rapport , en les comparant avec cel- les des premiers Peuples de l’Antiquité \q/i a’cxanunetai auifi ces deux Plantes que pow A M E R I Q_T7 AIN S. ' Hf voir les connoiffiances que les Anciens nous en ont laiffiées.- Le Tabac, Quoique le Tabac fût en ufage dans une grande partie de la grande Alïe , dans les In- des Orientales , & dans l’Amérique prefque toute entière , d’où il femble qu’on devroit pouvoir tirer allez? de lumière pour remon- ter à fon origine , neanmoins il nous faut de- viner pour en trouver des traces chez les An- ciens *, & bien loin que les témoignages des 1 Auteurs que nous pouvons citer /foient affiez clairs pour former une évidence , ils peuvent ►fournir des difficultés à ceux qui aiment à dif- puter. Il eft certain en premier lieu , que quand bien même les Anciens auroient connu cette Plante j nous ne la connoiffions aujourd’hui fous aucun des noms qui fe trouvent dans les anciens Botamftes » &: que quand il s’etx trouveroit quelqu’un dans Théophraife ô£ dans les autres , dont la defcription lui con- Viendroit, nous ne pouvons en faire l’appli- cation que par des conjectures qui-feroient toujours affiez incertaines & bazardées. En fécond lieu , il paroïtàuiïi ‘affiez fur, que fup- pofé que les Barbares \ qui ont occupé les premiers la Grèce , en ayent fait ufage , ceux qui leur ont fuccedé n’en ont pas hérité» ou J ont laiffié perdre , auffi-bien que les Latins» Sc les autres peuples de l’Europe. Pline * à !a vérité nous en dit affiez pour ne pas nous laiffier ignorer que la Pipe & l’art de fumer n etoient pas inconnus de fon tems» qu’on en ufoit dans la Médecine en cer- nff Moeurs des Sauvages taines occafions. Il nous indique lui- même, dans un remède contre la mélancolie par ces paroles > lefquelles font décifives ; « F mi tjti'oque andi y f:d pabttlo vindi pi.fi bave 3 fumum arttndine haufium p>oJe[fe tradunt . » On dit que » la fumée de la fiente féche d’un bœuf qui aété mis au verd , attirée par la bouche a- » vec un tuyau de rofeau , fait grand bien. Mais dans cej>afïàge il n’eft pas queihon de la Plante du Tabac 3 ni des autres herbes que les Amériquains fument en guife de Tabac, ou qu’ils mêlent avec le Tabac. Il n’eftpas quefîion non plus d’un ufage au/ïi général que i’eft celui du Tabac , ‘lequel quoique regardé comme un remède , peut être confi-l J déré auili comme un araufemenç & une fan- jtaifie. Les -Auteurs donc , fur le témoignage de qui nous pouvons nous fonder 3 ne peuvent en avoir parlé que comme d’un ufage des Peuples éloignez d’eux , pour le temps ou pour les lieux > & dont ifs ne connoi/Toient les mœurs qu’imparfaitement, comme fai-i foient ceux qui donnoient des Relations de l’Amérique où ils n’a voient jamais été , fur 3e récit des premiers venus de ces Pais rouveL- lement découverts. Tels font les pacages que je vais citer. I's he lai/Tent pas néanmoins d’être afTez forts 3 & d’établir une preuve * laquelle paroïrra ftiffifaote à quiconque vou- dra les approfondir. Le premier ctt de Maxime de Tyr *. *> II y » a un Peuple des Scythes 3 dit il , & je crois » qu’il n’y en a qu’un , qui quoiqu’ils ne m boivent que de l’eau , cependant lorfqu’ils « veulent fe donner le plaifir de l’y vreflTe , ils »» allument un petit bûcher, dans lequel ayant $ Hww. Tpm > Sim» xr, AmERIQJJ AIN S. ÏI7 k jette des herbes odoriférantes* ils font un «cercle tout autour , & chacun attirant à foi «la fumée , comme s’ils la büvoient dans « des coupes , ils s’enyvrent auifi bien que « s’ils avoient bü du vin. C’efit pourquoi iis » danfent , ils chantent & fautent comme des n gens yvres. ‘Cette façon de s’exprimer , comme s'ils la büvoient dans des coupes . femble lignifier un équivalent , & repréfente aiïez bien une Pi- pe , d’où on attire à foi la fumée, & le fuc du Tabac , comme on tire la liqueur d’une tafle en buvant. Il n’eft perfonne qui ne fçache la manière dont les Orientaux fument enco- re aujourd’hui , mettant fur une table une éfpéce de iéchaud ou de eaflblette , laquelle fert comme de Pipe commune , où tous ceux qui font aiïis autour, fument enfemble par Je moyen de plufieurs tuyaux qui y aboutit fent , & dont chacun prend le lien. Hérodote * rend à peu prés le même té- moignage des Maflagétes , qui habitoient au-delà de l’Araxe. » Ils ont trouvé des ar- « bres , dit-il , qui portent un fruit de telle » nature , qu’en le jettant dans un feu qu’ils » allument & qu’ils environnent par trou- m pes , ils s’enyrent par fon odeur , comme » les Grecs par le vin qu’àmefure qu’ils y » en jettent , ils s’enyvrent de plus en plus , » jufqu’à ce qu’enfin ils fe lèvent pour chan- » ter & danfcr enfemble. Ce qu’Hérodote & Maxime de Tyr difént des Peuples de Scythie , Pomponius Mêla ÔC Solin le difentauiïi des Peuples de laThrace. » Quelques Peuples de Thrace , dit Poni- » ponuïs Méla,t ne connoiiTent point l’ufage # Htrodot. lib. t. ». m. $ ?omp, Mêla, lib. 1 . cap. », de Thracia» fri'8- M oe'ïïrs des Sauvages du- vin. Néanmoins quand ils font felliirv* 3 , dés qu’ils ont jet ré quelques femences dans, a» les feux 3 autour defquels ils font aflis> 33 cette odeur leur caufe une joye qui appro- 3, che de celle de l’y vrelfe. , „ Dans leurs fe Ri ns, ditSolin*, ils s’af- 33 feoient autour des feux , hommes . & fem- mes, Si y ayant jette les femences decer- 3 , raines herbes j dés qu’ils les ont fendes , ils 3, fe font un plaiiïr d’imiter les yvrognes, 3, leurs fens en étant effeéf ivement hleffez , si comme il arrive à ceux qui ont pris trop 33 de vin > Strabonf dans la defeription qu’il fait des fnœurs des îndiens,a voulu peut- être nous in- diquer le Tabac, en difant, que chacun porte toujours avec foi une poche pleine d’herbes médicinales.Chaque Sauvage a toujours avec foi fon fac à P^OT 3 dans lequel il porte fon Ca- lumet ou Pipe , du Tabac , & dequoi allu- mer du feu. Il m’efl auflï venu en penfée , que l’ufage de fumer continuellement pour- roit avoir donné lieu à la fable , qui fe débi- îoit chez, les Anciens qu’il y avoir un peu- ple de l’Inde lequel n’avoit point de bouche, i mais feulement deux foupiraux par où il fe nournflbit de l’odeur, ou de la fbméedes fruits & des fleurs. On ne doit pas . être furpris que les Anciens, dans les notices qu’ils nous donnent des cho- fes qu’ils ne fçavoient que fur le rapport d’au- trui , & qui étaient fort éloignées d’eux , .ayent toûjoùrs mêlé dans les descriptions des chofes les plus Amples , des circonifances ca- pables de les déguifer ; puifque de nos jours , s’il faut ainfi parler , ceux qui ont écrit au fu- * Salin, cap. if. deTbracum moribus. Strabo >lib. r$. j>. 454. ÿ Strabo , lib. if. p. 485, Ame ri qjj a i ns. 119 :t de cette même plante dont il efl ici que-, tion , &c qui en parlent comme témoins ocu- 3 ires ? n’ont pourtant pas laide de nous dé- aïfer, & de nous en faire des narrations fe- pn leurs idées particulières , dont nous- oyons manifeftement la f au de té. . Le Pere de Brébeuf qui a vécu long- emps parmi les Sauvages , 8c qui a enên onfommé fon facrifice dans les feux des Iro- uois ) dit qu’ils paifent quelquefois les tren- ? jours ci jeûner , ne mangeant aun e ihsft que du 'etun. Le PereBiard ne nous adure-t-il pas udi » qu’ils u [eut de Peiun , & qu'as en boivent i fumée de la façon commune en Fiance. Ne ju- eroit ou pas fur ces expredions qu’ils aval- :nt en effet cette fumée , & qu’ils mangent : Tabac comme les autres chofes comè.fti- des ? Et eïl-il perfonne qui voulût manger îii Tabac ? Efl 11 aucun fumeur^qui nes’cx- ofàc à vomir , s’il avalloit feulement quel- [ues gorgées de fumée ? Le Pere du Creux § dans fon Hiftoire du Canada , eft tombé dans la même penfée que és Anciens , ôcVeft perfuadé que les iauva- ;es ne fumoicnt que pour avoir le plaifir de ’eny vrer. „ Ils ne marchent jamais } dit-il , j fans porter avec eux un tuyau affez long, , par lequel ils attirent cette forte de fumée î prefque jufqu’à l’yvreffe *, car avec cela ils > ébranlent tous les fibres de leur cerveau , &C u s’eny vrcnt enfin comme s’ils avoient bü du jjvm avec excès. • Bcnze^. & plufieurs autres Auteurs après ni , ont donné dans la même idée. Tous dé- * Relation de Canada de l'an 1636. 1. partie ch. 5. Relat.de la Neuv. France par le p. Biard , ch. ff Creuxius , lift . Canad. hb. i.p. ÿé. 5 Ben^. lib, x, cap. 1 6, fio Moeurs des Sauvages clament contre le Tabac avec force , 8c le re- gardent comme « p< fit & un pu if on fthti de ï’tnfer. Ces Auteurs ont été trompez fans doute auffi bien que les Anciens , pat l’effet qne produit le Tabac fur les per/opnes qui ne fça vent pas fumer , 8c qui ne font pas ac- coütumez à fon odeur \ car elle étourdit effe- éfivement , elle fait mal au cœur jufqu’à s’en trouver mal , 8c a v-omir 5 mais le Tabac ne caufe pas les mêmes fymptomes à ceux qui en ont un grand ufage , ainfi que les Amêci- quains , lefquels en fumant n’ont certaine- ment pas l’intention de s’enyvref. lis peu- vent encore avoir été féduns les uns & lès autres en ce que n’ayant pas pénétré l’efpriî de Religion renfermé dans cet ufage du Ta- bac j ils ont pris pour une yvreffe réelle 8t véritable , une yvreffe affeétée , ou bien un air 8c des coftvulfions extatiques , lesquelles Suivent rentlioufiâfme , 8>c font de l’apanage de ceux que l’efprit de Python faifit, ou qui font femblant d’en être faifis. Qviédo*eft encore plus blâmable que les autres Auteurs 5 car après avoir décrit un vrai enthoufiaitc dans l’ufage que les Sauvages font du Tabac* après avoir dit qu’ils ont foin de cultiver cet- te Plante &de la faire venir dans leurs jar- dins, non-feulement parce qu’ils la regar- dent comme utile à la fanté \ mais encore parce qu’elle a quelque chofe de facréchez eux, oubliant dans le moment ce qu’il ena dit, 8c ce que les Sauvages en difoient eux- mêmes , il retombe dans la penfée des An- ciens. Il ne peut s’imaginer, dit-il , quel plai- iîr on peut trouver à cet ufage du Tabac en fumée, fi ce n’eft le plaifir brutal qu’ont ceux qui aiment à boire pour boire jufqu’à ce qu’lis ü Oviedo , biji. de Uf lndtis ,Jit, 5. 1, A M E R I QJ? A 1 NS. lit qu’ils tombent yvres taons, Il fait enfuite un parallèle entier de cer ufage avec celui dey peuples de Thrace dont je viens de parler , ôz cite , non pas les Auteurs anciens dont j’ai raporté les témoignages , mais le fçavànc Toltat , qui en a fait mention fur celui d’Eufebe de Céfarée. Il e(t certain que le Tabac efl en Amérique une herbe confacrée à plufieurs exercices , ÔC à plu fleurs ufages de Religion. Outre ce que j’ai déjà dit de la vertu qu’ils lui attribuent pour amortir le feu de la cpncupiicence & les révoltes de la chair;pour éclairer l’ame, la pu- rifier , & la rendre propre aux fongesï& aux vidons extatiques-, pour évoquer les cfprits 9 & les forcer de communiquer avec les hom-, mes ; pour rendre ces efprirs favorables aux befoins des Nations qui les fervent pour guérir toutes les infirmités de lame & du corps » je crois qu’il elt bon de^ondrmerde nouveau tout ce que j’en ai avancé par les témoignages d’Auteurs irréprochables, qu’on puiffe oppofer à ce'iîx qui n ont rien appro- fondi, èc n’onc rien vü au-delà de ce que leurs fens leur ontpréfenté. * Thomas Harioc , dans fa Relation des a- Pântages de la Virginie , parle fçavamment du Tabac. Il en donne une defeription exac- £ , & il expofe fort bien la manière dont les Sauvages en ufent , de les biens qu’ils en reti- rent. Il ajoute enfuite , « Que cette herbe eft * fi eftiméedes Indiens, qu’ils croyent mê- » me que leurs Dieux en reçoivent du plai- » fir quand on la leur offre. C’eft pour cela , 9 dit-il, qu’ils font de temps en temps des » feux facrés i où ils jettent cette herbe ha- Tome III. . F * T/}. Hariet } dt eam-iidis mol, Virginia ^ i<«, ni Moeurs des Sauva g es *» chéc j ou réduite eu poudre en guife d« Viétime : que quand ils font furpris de la *> tempête > ils en répandent dans l’eau , & en » jettent en l’air. Ils en mettent aufïi dans »» leurs NafTes neuves pour être heureux à la' s» pêche j ils obfervent la même pratique « lorfqu’ils ont été délivrés de quelque dan- » ger ^ il en jettent en l’air à poignées , fai- sî fant divers gdtes * chantant , danfant 3 fau-' « tant , 8c diiant toutes fortes de chofes fans »> ordre ôc fans fuite. Voilà ce que les An- ciens nous ont dit , 8c en même temps divers facrifices bien marqués qu’ils n’avoient pas âpperçûs. Dans le Chapitre j. de la Relation de ce qui s’efl pàffé les années 1 666 * 8c 6y. dans la Nouvelle France , il y a un extrait d’une Lettre du PereAllouex Jéfuite Millionnaire chez les Outaouacs , qui fait voir que le Ta- bac eil aufïi employé dans leurs Sacrifices. Voici fes paroles. Un Vieillard des plus *> confidéràbles de la Bourgade fait fonction » de Prêtre ; il commence "par une Harangue » étudiée qu’il adrefîe au Soleil , fi c’eft" en « fon honneur qu’on fait le feftin à manger tout , qui eft comme un holocaufte *, il dé- » clare tout haut qu’il fait fes remercimens » à cet Aftre , de ce qu’il l’a éclairé pour tuer « heurêufement quelque bête : il le prie 8c *> l’exhorte par ce feftin à lui continuer les foins charitables qu’il a de fa famille. Pen- sa dant cette invocatiçn , tous les conviés m mangent jufqu’au dernier morceau : après « quoi un homme defliné à cela prend un 99 pain de Petun , le rompt en deux , 8c le m jette dans le feu. Tout le monde crie pen- » dant que le Petun fe confume , 8c que la fumée monté en haut j 8c avec ces cia- A M E R ï QJE7 AINS. t% 5 «• 'meurs fe termine roue le facrificé. Ce Pe- re pouvoir ajoüter au facrifice le chanté les' danfes, qui fui v-ent toujours ces feftins , qui en font partie. Lefieur de Lé ri ,dans le détail qu’il donne’ d’une danfe de Religion , dont j’ai déjà parlé, 8c dont il fut lui-même le témoin , rapporte une Angularité concernant le Tabac digne d’être remarquée. Je ne changerai rien à feS paroles/ »* Mais fuivant ce que j’ai promis ci-def-* fus,quand j’ai parlé de leurs danfes en leurs » Beuveries 8c Caouinages , que je dirois auiîf » J l’autre façon qu’ils ont de danfer , afin de » les mieux réprefenter *, voici les morgues » s gtftes,& contenances qu’ils tenoient/Tous » prés a prés l’un de l’autre, fans fe tenir » par la main , ni fans fe bouger d’une place ■; » puis étant arrangés en rond , courbés fur le ' 5 devant , guidant un peu le corps , remuans » feul ement la jambe 8c le pied droit , chacun » ayant auffi la main dextre fur fes feifes ÔC 13 le bras 8c la main gauche pendant , chan- 0 toient 8c danfoient de cette façon. Et au ° furplus,parce qu’à caufe de la multitude il y ° avoit trois rondeaux , y ayant au milieu «d’un chacun trois bu quatre de ces Caraï- « bes , richemenr parés de robbes , bonnets * 8c bracelets, faits de belles plumes naturel- les , naïves , 8c de diverfes couleurs : te- nant au relie en chacune de leurs mains un » Maraca , c’ell- à-dire , Sonnettes , faites 9 d’un fruit plus gros qu’un oeuf d’ Autruche, » dont j’ai parlé ailleurs ;afin, difoient-ils,< 9 l’efprit parlât , puis après dans icelies » pour les dédier à cet ufage , ils les faifoieht F 2. S L, - Am e r i oj? a i k s. ti% mr de certe herbe Cohoba , qüe le Cacique ji effc en même.temps un devin ) prend par l'ez-, qu’auffi-tôt apres il entre en fureur,de mère qu’il lui fernble que tout eit renverfé is la petite Café qu’on lui a d refilée pour effet , 5c que la force de cette herbe effc e qu’il en perd toute connoiffance. Apres ?oir un peu digérée , il s’affeoit par terre la ; baiffée , 5c embràffanf fes genoux , ayant ;é quelque temps en cette pofture , comme fe réveillôit tout- à- coup d’un profond arneil , il leve les yeux & regarde le Ciel» rmottant entre {ps dents quelques paroles^ l ne font point entendues.Ceux qui l’envia. ment le voyant un peu revenu à lui , ren« it grâces à 1’efprit , 5c interrogent le devin ce qu’il a vu. Celui-ci copine un înfenfé il effc , répond qu’il effc vrai qu’il a parlé efprit , lequel lui a promis la viéfcoire fur ennemis , ou bien qu’il en fera vaincu 5c 'ait , pour n’avoir pas fait quelque chofe il lui avoit commandé. Il répond ainfî fur tes chofes , fur l’abondance 5c fur la di- e , fur la vie 6c fur la mort , félon que cela »ré fente à fon imagination échaofee. ’ C’effc fans doute un pareil enthoufiafme Oviédoa voulu décrire, lorfqu’il dit des :iques de rifle Efpagnole f qu’ils rece- ent la fumée du Tabac par le moïen de ains tuyaux faits comme un Y qu’ils ap- 1 u oient à leurs narines , attirant cette fu* ï ci eux jufqu’à ce qu’ils tombaffent par e privés de tout fenttment ; aprés-quoi itoient portés dans leur hamac parleurs nies , à moins qu’ils n’euffent ordonné arâVant qu’on les laiffât en cet état jufqu’ü F 3 0 wdo de las Indus, Lih % J. t, a» W Moeurs des S A V V A 0 E s ce^q^ue les vapeurs dont leur cerveau étoi Pihifique 3 fu/fènt entièrement diiïipées Les mêmes Auteurs difent 3 qu’ils* fe fier ^oient de cette même herbe pour la guerifoi des mafadies 3 &c racontant dans le détail c .que les devins font eu ces occafions ; nous au jons lieu d en parler dans la Ante. Nous par- f T ons encore du Tabac & de fion rapport ; la Religion > en parlant du calumet de paix Comme les Sauvages fument auffi par plai iir s & par habitude , quelques-uns fe fium perluadés qu’ils ne faifoient un fi grand ufag< du Taoac qu’à caufe de la vertu qu’il a de le« pourrir 3 „& de les foütenir pendant plufieuri jours } fans le feeours d aucune autre nourri* ture Lefieur de Léry di dans cette opinion . ce il cite dans fa relation des exemples fem= plables. » Car Benze afiure 3 dit-il * des habi* a) tans du Pérou 3 que quand ils font en voya- gé > ils portent en la bouche quelques feiiik a, les, d’une herbe appeliée cor* , qui leur fert ,ade pam 3 de breuvage &: de pitance. Sembla- a* blement Matthiole en /es Commentaires a, fur Diofcondes , alléguant Théophrafte a a, rapporte que les Scythes fe contentoient de a, la feule régli/fè, dix ou douze jours fans a 5 manger autre viande ;.ce qui répond au pe- a> tun de nos Sauvages. Î1 eft vrai que le Tabac émouffe les acjdes J 8e qu’il ôte ain/i la pointe de l’appetit , mai® je ne crois pas qu’il ait d'ailleurs une fi grande vertu nutritive , comme eft celle qu on lui attribue 3 & qu’il fut capable de foütenir les Sauvages au/ïï long- temps qu’on le prétend s’ils ne s’aeçoutumoient de bonne heure pa; de longs j ünes à fuppa rer la faim. * PI u finir s perfonnes fages , regardent tou» 'à Âccjla, Hijt. nun de IndiauLib , 4. çaf>. %x» Am e r i es , 8c la plupart des Sauvages Méridto- aux , font une eipéce de pipe d’une grande eu il le d’arbre pliée en cornet d’épfce , ils ï rempliiTent de Tabac , mettent le- feu par in bout , & attirent la fumée par l’autre. Il fl au /fi à remarquer que le plus grand nom- bre des femmes ne fçait ce que c’eü que de Du Suer*. La connoifïànce du fucre e(l mieux mar- idée dans les Auteurs anciens que celle du iabac. Pline eft le premier neanmoins qui ftfervi du ferme de Sààkarum , qu’on troii- e enfurte dans Galiien, dans Dîofcoride , kf dahs d’autres Auteurs qui font tous plus écens que lui. Il en parie auiîi comme d’une hole étrangère à l’Europe , * qu’on n’a vote F S * Plims Lib. n. cap. 8. Sacchâron & Arabia fort , fsd lydaûus India : eft autem mel in arundinibus coüe&un» , umiîiiummodo canidum , dentibus fragile > ampliifi nüttV uciï avcllanæ niagnitudine j ad raBdiein* tantum lifuoH î$0 M O EU R S D ES S- AV VA GE S que^ par Je commerce , qui Te faifoit en Ara* bie & aux Indes , d où on l’apportoit. Ce# ce que le paflage de Pline explique , & dé* dare fort préeifément. » L’Arabie porte du 93 fucre auifi-bien que l'Inde, mais celui de » l’Inde eft beaucoup meilleur. Outre le nom de Siuhamm , que Jes Au» leurs de la baife Latinité ont enfuite dé-* guifé en ceux de Z acbarum , Zaccatum , z nba ? ra^Zticu'A, Zura , on lui en donnoit encore d’autres > car , prémiérement on lui don- noit le nom de Sei , & on l’appelloit le Sel d’Inde , pour le dillinguer du Sel ordinaire. Le Sel d Inde » dît Arehigéne cité par Paul Eglnére Livre fécond , pour fa couleur & fa condenfïté , elt fembîable au SeL vulgaire , mais au goût il a toute la faveur- du Miel, C’eft pour cela qu’on lui don noir aufîi le nom de Miel , & on l’appelioir Miel fau* vag jî'vffire , ou Miel des Rofeaux comme on le voit dans Arrien.j ^ ou Canamella , Cannanulla , Calamtllui , à Can- na , & Melle. Quoique les anciens ne nous îaiiîent aucun doute fur les Cannes 8c fur les Rofeaux , qui font la mati,ere dont on fait le fucre i ils ne conviennent pas fur l’elpéce de ces Ro° féaux. Solin * a cru que c’étoit du Bambou', ou de ces Cannes des Indes qui font d’ur\e fi prodigïeufe grandeur , qu’entre chaque nœud on^peut faire un canot , ou un petit bâteau fort raifonmble. Varron f au con- traire a mieux recontré dans la defcription ff Aman . in Periph maris Eryth. ,* So ^ us '<*]> *5- Cfcæ Pwofrria funt>(;lnaiæ îocaî Ârundinem créant, ita çraflanr. ut'ÉflS’s'.intc-rnod'.is > len.fà vice veftttet navigantes Éradicibus.tjjus exprinaitur hüKIpg pulcis -ad Mellearn fuav tatern. i Fam aptid Ifid, Ub, ty, cap. 7 , AMERTQ.UA T NS. R T?T qu’il fait de fes Rofeaux , qu’il dit être un irbre , ou une plante médiocre pour fa gran- deur. Indica , non magna nimis arbore , crefcit a* rmdo. Itlius è lentis premitur radisibus humor , Vulcia eut nequeunt fucco contendere Mella, ïî paroït d’ailleurs que le Sucre , dont les? Anciens ont voulu parler , étoit fort diffé- rent de celui dont on ufe aujourd’hui * 3 car ;n premier lieu , il femble qu’ils ont donné aour du Sucre une efpéce de manne , qui Te forme d’elle- même fur les feiiilies des Rou- leaux. On en voit encore de cette efpéco lans les grandes Indes , &c en Amérique dans a Clarifornie. J*- Le Péie François Marie Pi- îôIq en parle amfi. * Au mois d’Avril , de t „ May de Juin , il tombe avec la roféo y une efpcce de manne , qui fe congèle , dC i s’endurcit fur les feuilles des Rofeaux > fur lefquelles on la ramafFe. J’en ai goûté** „ dit il 5 elle efl un peu moins blanche que e , le Sucre j rnais elle en a toute la dou- „ ceur. « A cela fe rapporte parfaitement gue Pline , Diofcoride & Sénéque difent di* 5ucre® » C’eft un Miel , dit Pline , ramaffé i, fur les Rofeaux, blanc comme une efpéce » de gomme’, il fe brife fous la dent } ,, n’excéde pas la grofFeut d'une noifecte ^ on n’en fat r ufage que dans la Médecine». „ î! y a, dit Diofcoride,^ une efpéce de mieV 9 qu’on apelle fucre , lequel fe trouve dan& ; F 6 T Mémoire de la € ali forme. Lettres édifiantes , 5. RieütW*- » Dkfcfrid, lib, % t . ca$. 104. §lùique bibunt ttntra dulcts ab armiine futcou ÏV - M OP u RS des S aitvag.es à, les rofeaux de l’Inde , & de l’Arabie hetiw »j reulé , il a- la confidence du fel 3 8t Tl fe a, brife entre les dents de la même manière ,5 que le fel commun, c*. j- Sénéque fait plus t Il explique de quelle manière ce fucre fe forme , 8c de fon fentiment , on .conclud que les Anciens penfoient s que ce miel étoic formé par la rofée du Ciel , laquelle s’arrê- tant fur les feiiilles des roiêaux s’y conge- loir i ou que fortant du fuc de la tige a la ‘naiffance des feiiilles 3 8c rranfpirant par les pores de la Plante en forme de gomme , il" fe durciffoit au foleil 5 comme le fel dans les marais falans. C’efl , dis- je , ce qu’on voit exprimé dans ces paroles de Sénéque. Aïunt invenin dpud Indos miel in aründineis foins quod^ nuiras illius Cæli , aut ip/rus arundinis humordutds ‘<& propinquiar gigmi. , Anciens ont aulîi connu un fucre d’une autre efpéce tiré de ces mêmes ro- .féaux •, mais ce n’étoit qu’un fuc , une li- queur 5 8c tout au plus un firop. Lucaifi ff défigne cette efpéce par ce vers. ' C’efl auffî de celui-là <]ue parlent Solin , &: Varron , dans les psffages que j’en ay ci- tés 5 mai s ils font l’un 8c l’autre dans l’erreur» quand ils difent qu’on l’exprime de la racine des rofeaux , au lieu que c’eft de la moelle de leur tige. Or le fucre dont on ufe aujourd’hui 5 eft Dît fucre faélice. La canne dont bn le'tire r efl une tige noiiéufe > ■ fpongieufe , d’une écorce fort mince , 8c pleine d’une matière •ïmellée *d’une • très- jfràridp »Hnifre.ni* f fia 'd’une' très- grande ; douceur; On t f Smca , EpJ}, 84, * Immus 3 Lib. 5. v, a 3 7;. A ME R I QJXT A1NJ. ? $ f krife les cannes dans des Moulins : on en- exprime roue le fuc dans des prefloirs j on purifie enfuite toute ia liqueur fur le feu > & on la verfe dans des vaififeaux , où on la laifie fe refroidir 5 de fe congeler 3 de la ma- nière que l’on peut voir exactement détail- lée dans lé Père Lal>at dans ceux qui en ont traité avant lui. C’efè cette manière de faire lefucre de de îe raffiner que les Anciens- n’ont pas con- nue i où du moins qu’il ne nous ont pas fait conndïtre. Elleeft néanmoins ancienne ôc beaucoup antérieure à la découverte de l’A- mérique. La eonnoiflance en elt venue en Luroge du temps des Guerres des Croifades » par les voyages que les Chrétiens firent alors Vers» Y Orient , ainfi qu’il paroît par les té- moignages des Auteurs dê ces temps - là 3 Albert ou Albéric Chanoine d’Âix-la-Cha~ pelle , Guillaume Archevêque de Tyr , Jac- ques de Yicré Evêque de Cardinal , Sanii- tus , &cc. Albert * rapporte que F Armée des Croifés réduite' à une extrême difette de vivres , fut fort foùlagée aux fiéges d’Albarié 3 de Mar- ♦ Albertus Aquenfîs Hrfl. Uïeros. Ltb. 5. cap . 37. Gai*, ‘radios ibidem mellitos per camporum planieiem abundanter îepeitos , quos vocant Zucra, fuxit populus i illorum fàlu- ;bri fucco lacratus & vir ad fatietatem præ dulcedine e*- pleri hoc guftato vdebant. Hoc enim genus herbæ fummo la bore agïicalarum.psr fingulosexcoütur an nos deinde tem- pore meïïis maturum mortaiolis indigent contundunt, (uc- cum colatum iq vaks.fuis reponentes , quoufque coagulacus îndurefeat fukfpecie ni vis , vel falis albi. Quem rafum cum pane mifeentes , auc-cumaquâ terentes , pro pulmento fu- ’munt j &C fupra favurn mellis guftantibus dulce ac faluBce videtur. Aïunt q.uidara genus mellis elfe quod teperjens Jonathan fîlius.. Saul Régis luper faciem terra?. , i-nobediehs _guftare praefumpfit. Hts ergoca'ameriis rr.elliti (apor.is po* pultis in oblîdione Aîbàriæ , îdarræ , 8 C Archas nmllini æorrenda fitye vexatus * efi sefbciljitüa. s?'4 Moeurs des Sauva ces ra , d’Archis > ÔC aux environs de Tripoli » par les cannes de fucre qu’on trouvoit dans- la campagne , Ôç dont la douceur faifoit tant de plaifir aux foldars qu’ils ne pouvoient s’en raf&fier. » On culrive dans ces païs-là, » dit il , cette Plante qu’on féme toutes les s* années , ôc qui donne beaucoup de peine 53 aux païïans. Au temps de la moi flou , ÔC s » lorsqu'elle eft bien meure , les naturels du « pais brifent les cannes dans des piles , ÔC »aprés en avoir exprimé le flic, & l’avoir' a» 1 bien purifie, ils le verfenr dans des vafès a . 99 où il fe fige ôc b'anchit comme la mege 3 : » ou le fèl le plus blanc. Ils le râpent , & le 33 mêlent avec leur pain , où ils le font dif- 99 foudre dans Peau , & en aflaifonnent leurs ^ ragoûts. Ceux qui en ufent le trouvent plus agréable ÔC plus fain que le rayon de Miel. C’eft de cette efpéce de Miel , dit- » <^,,ajoute-t il en/iiite »que goûta Jona«* >, thas fils de Satil , lorfquc tranfgrefiant les ordres de Ton pere , il penfaluien coûter <» la vie pour cette defobéifïance. * Marin Sanur , dit Torxel , voulant exci- ter les Princes Chrétiens à fe ligner contre les Turcs , ou les Sarazins maîtres de la Ter- re Sainte , commence fon Ouvrage panmetr tre au jour les grands avantages que le Souî- dan , ou Sultan , reuroit du‘ commerce der * Marin. SÀnutus TorfUlas fècretor. Tidtl, cruels , Tâb i-.^ fart i. Cap. a. Eti.ùa *■ terrs Soldant) fubj«£tis hombi# & Zicbinm crefeanc in nonmbdica qnantitate , dsqu.bus- Soidanui St Saraceni percipiunt ma a Lia psdag'aôt cributa » fiChrifVuni adftr&. fucrint , So’dano ÔC Saracen.s dan uitn son iTKjdicum eveni-t , eu n in Gypro tanta quantitas Zu- chari nafeatur » quoi Chriftiani pot;runt compîtenter fut- »tTi. Sîdda Ziichiaro' nafettur in Rhodo , Amorei , ftlrta.* 3l in Sicilîa , &c in aliis locîs Chtiftianortui Zu.baruoi aaf- fficicïuï , fihoc prociyaretiiï, A M I R I A IN S* Iodes , & en particulier des épiceries qu’il avait feul de h première main ; ce qui fal- lait B grande puifTance & fa grande ricliefïéo» 11 vient. enfuite aux moyens de raffoiblir , en empêchant ce commerce dont les Chrétiens, pouvoient profiter. Après un long détail , ib 3 > dit j Que la foye & le fucre viennent dans a, les terres du Sou I da n , & que ce Prince 3 C , 3, lesSarazins en retiraient de grands droits : j, Que fi les Chrétiens voulofent fe liguer 3, pour le voyage d’Qultremer , le Gommer- 3, ce de ces ennemis de la foi recevrait un „ grand échec ; puifque dans la. feule lile de 33 Chypre 3 le fucre naît en fi grande quanti- 3, té , que toute la Chrétienté pourrait s’èiï' 35 fournir j que les cannes venoient au iïï fort 33 bien dans l’Ifîe de Rhodes , dans la Morée * 33 dans rifle de Malthe,& qu’elles croîxroienc 3; de ta même manière dans la Sicile , 8c dans 3, les autres Terres des Princes Chrétiens a 3, s’ils fçavoient connoîxre leurs intérêts , ôC- ,, s’armer contre l’ennemi commun. Il paroît ( ,que les Princes Chrétiens profitè- rent de cés avis: qu’on traniporta les cannes de fucre dans la Sicile , qu’on les y cultiva, qu’elles y firent fort bien. *Falcandus dit , au fufet des cannes de fucre , qu’on culrivoit. auprès de Palerme Vous verrez des cam- 3, pagnes remplies d’une morlfon de Rofeaus „ dignes de l’admiration ; les habitans les ,, nomment Cannes de m ielyà. caüfe delà dou- 3, ceur du fuc dont elles font remplies. Ce * Tolcandns in Vrœfat. ad Hlft. de Calanàt. Sic'tL Otcurreg tibi mirardarum fegrs arundintim ( in agro Panormitano y quæ canna mellis ab incohs nun.ufantur , nomenhocab intn rions fucci dulc^dioe fortientes. Harum ftitcusmoderatè SC diligenter decoftus , in (pecietn meliis mduciujr s li vetSfc.. perf &iùs excoftus fuem, in fæccari fubftansian» condaqr* hîUïa Moeurs dès Sauvages 9} fuc , fi l’on lu! donne certains degrez d’une 5 , cuiiîbn modérée , devient un fyrop ," une 33 efpéce de miel } fi on le fait cuire encore 33 davantage , il fie condenfe , & Te convertit 3 3 en fucre. Il y avoit dés ces temps- là pourbrifer les cannes , des Moulins qu’on nommait Ma%a- ra dans la langue des Sarazins , ce qu’on voit' par le f Diplôme , ou l’Aéte de donation fai- te par Guillaume fécond Roi de Sicile, à un Monaftére de Religieux de l’Ordre de St Be- rioift ,fitué dans l’Àrchevêché de Mont- réali Nous lui accordons , dit ce Prince , dans le territoire de Païenne & dans fa Banlieue, de nôtre propre mou vement &: en pur don,“ un 3i Moulin pour moudre les cannes de fiicrè , qu’én langue Sarazine on appelle Mafara'i 33 avec fes droits de juRice, & toutes fes au- ,, très dépendances. Je ne crois pas qu’on ait continué à cultiver les cannés de fucre en Eu- rope ; apparemment qu'elles ne continuè- rent pas auffi ’fy bien faire, ou bien que le commerce étant plus facile dans le Levant , on trouva' plus de profit d’en acheter des tomrmrçans , que de faire' les frais d’une cul- ture ingrate , & fujette à trop de dépeqfé. Les cannesde fucre viennent naturellement fcn Amérique, 8c font une nchefie qu’elle ne doit qu’aux faveurs du Ciel , ÔC a la borné de ibn terroir, ainfi que le Pere Labat l’a fort f Ex Diplomate Guglidmi i. Mégis Siciliœ afud Mocchum °$itrbum. notitiâ j. Ecclefiœ Msnîeregatenfis. ïn Panormo ^itîatri & pèrtincntiis ejus . . . . 'Concedimus ei. ( Morïâfte- iio fupra-üâ'o ) libéré ô£ abfqüe datione aiiqm , molsn* idirtum unum ad^nao'.eiidû-s cannai me! Iis , quod Saracenieè •• ;«fôdtùr Aiïafara , cirnoïnnîbus jaftàtiis & partinenââs tfuis , êcc. * Labs* , Nouveaux F'xges aux 7jlef de l’Ar/iériqat ç. A M E R I Q^u A I N S. T $7 '/bien prouvé contre les prétentions de quel- ques Auteurs, qui ont écrit que les Efpagnoi’s les avoient portées des Indes Orientales dans les Mes Canaries, ou Fortunée , de de- là en en Aniérique. Elles ne viennent pourtant bien que dans l’Amérique Méridionale , dans les Mes du Golphe du Mexique , & peuc- •;être aux extrëmitez de la Septentrionale qui tirent vers le Sud. Les Amériquains ne pre- noienc pas même la peine de les cultiver , Sc n’en tiroient pas un grand avantage. Les £f- pagnols furent aufli aflez long - temps fans >$’en avifer, & ceux d’entr’eux qui furent- les premiers à en prendre foin , n’eurent point d’abord la penfée d’en faire du fucre, ou ne l’èxecutérent point. Ce fut, félon Gonzales VOviédo*, le Bachelier Gonzales de Velofa , 'ijUi fie des dépenfes extraordinaires pour fai- re une fucrerie dans l’Iiîe Efpagnole , où il Ht venir des Canaries des Maîtres entendus pour faire le lucre & pour le raffiner ÿ quelques- uns prétendent néanmoins, que ce fut le Ca- ftellan delà Véga /Michel Valeftrier de Ca- talogne. L’exemple de l’un & de l’autre ayant bien réüiîi , fut fuivi de pluEeurs perfonnes , qui en ayant établi en plufîeurs endroits de ce Nouveau Monde , y H rent fleurir le com- merce d’une Marchandé, qui vaut en quel- que forte les richeflesdu Pérou. t Voifius croit que l’étymologie de Saccha - rum , vient du mot Arabe “DD Sacâr , ou de l’Hébreu “Dtt? Schakar , qui veut dire s’eny- vrer , à caufe qu’on tiroir des Rofeaux qui font le fucre , des boiflons enyvrantes : ce que Strabon § femble favorifer au Livre ij 0 * Gonfles d’ Oviedo , Hift, de las îniias , tib. 4. cap. 8. t y»J]ius de Phyfial. chr & Xbeol. GtntU , tib. f , raf. 14$ jf S tral/t tib, ff.fi 477* H8 Moeurs des Sauvages *~ ar 11 nous allure, fur le témoignage de Néar; qU r s C j que-dans llsde les Rofeaux produU jj fenrdu Miel fans le fecours des Abeilles , r c l UOic l ue ce ne foie point , dû-il , un ar* 3 , bre ou une plante qui porte du fruit, celle* - ci neanmoins en porte un, lequel a la pro^ Drîerp H Vnwurcf r » priété d’enyvrer. Cette fin du paffage de Srrabon e(î ztibi 5* j ^ lernble même renfernîer une con- tradicuon. Car quel eîl ce fruit d’un arbre ou plutôt d une plante , qui ne porte point di rrtiit . Cela peut s’expliquer néanmoins pa ce que je vais dire. Entre les efpéces de Can nés ta de Rofeaux , d n’y en a point qui por te proprement du fruit ; mais le Maïs , 1< Com qui §11: au iïî une efpéce de Maïs d’ui grain plus petit , & quelques autres plante: mniacees étant auiîî en même temps arundî nacees, ( quoiqu on ne leur donne pas com rnunement le nom de Rofeaux , ) ce que df Strabon peut fort bien leur convenir 5 t c eit ainf qu’on doit expliquer ces Auteurs car dans celles-là on peut trouver trois cho r T : , “ — nuis enu les. La première , cdb le grain dont les San. vages tirent leur nourriture commune , S dont ils tirent des farines ; en fécond lieu , le boitions propres à enyvrer^car, foit du gt foie de la tige , on tire de l’eau-de-vie, grain vin allez agréable , & de fore bon vinai- gre ; en troi/iéme lieu , de la canne du Maïs lorfqu elle e(t dans fa fève , on exprime un fu cre très- fin Sc trés-délicat, ainfi qu’d elt mai que dans le Dictionnaire LTniverfel imprime 3 Trévoux. Je n’en ai point vu de cette efpc- ce, & nos Sauvages ne le travaillent point- je n ai cependant poinrde peineà le croire car la tige du M us , Jorfqu’eMe elt pleine de ion fuc, elt remplie d’une eau miellée, la- AmIR ia^AlNS. w quelle eff très- Taine 8c très- rafraîchiffante. Les Iroquois nommemees tiges Oïere , & les François les apelknt Sucets. Ôn arrache pour l’ordinaire dans les champs de bled d’Inde » les tiges qui ont manqué , -8c qui n’ont point d’épi } 8c après les avoir dépouillées de leurs feuilles & de- leur écorce, laquelle éft fort mince , on en fuce la moelle qui ell fort chat* nue , & qui a un goût au ilî agréable que l’hy- dromel. Le* autres Cannes de fucre ne por- tenc point d’autre fruit , que le fucre même. On fait auffi de celles-là dei’eau-de vie, un vin trés-délicat 8c très- gracieux , 8c ck fort bon vinaigre. Ainfi de quelque manière qu’on explique iVpaflage deStrabon , îleft toujours vrai de dire , que les Rofeaux produifent un iMiel qui n’eit pas l’ouvrage des Abeilles , 8c que de leur fruit , ou de leur fue , il fe fait des liqueurs capables d’enyvrer. Le même Strabom nous apprend , que les yaltes régions de la Scythie produifoient auffi leur miel , où les Abeilles n’avoient point de part. Mais il étoit différent de celui des Indes , 8c de l’Arabie heureufe ,ence que ce dernier étoit produit dans les Rofeaux. Aur lieu qu’il dit Amplement que dans THircanie & dans quelques autres païs voifîns , c’é- toient des arbres , qui étoient comme autant de ruches , 8c dont le miel découloit par tou- tes les feülles. Srrabon parle encore ici dans les principes de l’ignorance commune aux Auteurs de l’ Antiquité , touchant la manière dont fe faifoic le fucre > de forte qu’il paroît être dans la même erreur où éroient ceux qui eroyoient que le fucre fut une gomme * une liqueur , ou un fèl , qui tranfpirott pat les pores des feuilles*, oubienune roféecele- fie laquelle fe chriltallifoit & fe condenfoit » *40 M 0E XJ KS r> E S Sa ü> Age s comme la Manne. Il eft cependant naturêHï penferque Strabon ne fait que noùs indique ici la maniéré donc nos Sauvag'efles font le fu cre, qu’elles expriment du fuc des arbres , é en particulier des Erables : ce que je va maintenant expliquer. Au mois de Mars , lorfque le Soleil a pri lin peu de force 3 & que ies Arbres comm en cent à entrer en fève » elles font des incifon tranfverfales avec la hache fur le tronc de ce arbres , d où il coule en abondancemne eau qu’elles reçoivent dans de grands vaiffeaih d ecorce ,» elles font en fui te boiiillir cette eat fur le feu , qui en confume tout le phiegme êc qui épaifïït je refie en confîftance de fy. rop r , ou même de pain de fucre , félon le de- gré & la quantité de chaleur quelles veuleni lui donner. Il n’y a point à cela d’autre my- itere. Ce fucre eft trés-peéèoral , admirable pour les médieamens ; mais quoiqu’il feit pjus fafn que celui des Cannes 3 il n’en a point 1 agrément , ni J a délicateTé , & a prefque toujours un peut goût de brûlé. Les François le travaillent mieux que les Sauvageifes de qui ils ont appris à le faire ; mais ils Vont pu encore venir à bout de Je blanchir . & de le raffiner. Pour que les Arbres donnent leur eau çn abondance , il faut qu’il y ait au pied une certaine quantité de neige , laquelle entre- tienne leur fraïchcurjqu’il gèle bien pendant la nuit , & que le jour foirpur , ferain , fans vent ■& fans nuages ; car le Soleil avant alors plus de force , dilate les pores des arbres que fe vent au contraire reffierre j de forte qu’il les empêche de couler. Les Arbres çeffentde don- ner j lorfque la ieve commence à prendre plus de cerififtence 9 tte à s epaiffir. On s’en A M E R I A I N 5. J 4$ pperçoit bien- tôt ; car outre que les Arbres lonnent moins , l’eau qui en fort , eft plus ;laireufe ; &c quoiqu’elle air plus de corps ue la prémiére , elle ne peur plus fe chri- tallifer , ni être mife en pain de fucre , &C te fait plus qu’un fyrop gluant & impar- tir. Les Poètes , dans les defcriptions qu’ils ont de l’Age d’or , du des Siècles qui pep- ent lui être comparés , nous difent entr’au- res merveilles , que les chênes les plus durs liflilloienr du miel , ou qu’ils en difhl- eront. S’ils ont prétendu mettre cela de îiveau avec leurs Hyperboles , ou d’autres > hénoménes purement fymboliques' & mé- aphoriques , comme quand ils difenr que le mel coulera des rochers i que les buiflons )îoduiront des grappes de raifin ; qu’on verra brtir des fontaines de lait ÔL de vin $ nos iauvages font voir qu’ils en fçavent plus tu’eux , ayant fçu tirer des érables , qui font me efpéce de chêne rrés-dur , un fuc naturel 9 equel a autant , ou plus d’agrément , que le mel que font les Abeilles. Il fe trouve beaucoup d’arbres Sc de piail- les , dont on peur faire du fucre & diverfes iqueurs , fans parler des efpéces de palmifle. Les Noyers donnent une eau beaucoup plus niellée que celle des érables. Le fucre en eft Fort bon. Celui d’eau de frêne elt trés-déli- :at ; mais il faut une quantité coniidérable le cette eau, &: beaucoup plus qu’il n’en faut pour faire celui d’érable. On fait un fu- :re encore plus fin des fleurs du coronnier » :onnu des Boraniftes fous le nom d ’ Apocynum Zan&denfe \ mais je ne fçache pas que les Sau- nages tirent aucun fucre , ou aucun miel du fuc des fleurs , * comme faifoient autrefois * A Altxaitdf Br fi. Comment, eap, ï 4 i Moeurs des Sauvages les Z;gantes , Peuple d’Afrique , lefque] égsL oient en ce point le travail des Abeille; t L’Auteur de la nouvelle Hiftoire de 1 Virginie parle d’un arbre qui y porte le miel 93 lequel eft contenu dans une goufl'e épaiff enflée v qui paroît de loin comme 1 •» coiTe des pois ou des fèves. § Strabon di que dans les Indes , il fe trouve un arbre d’u- ne médiocre grandeur , qui porte des écofle: de la longueur de dix doigts , pareilles à cel les des ^féves , & qui font pleines de miel mais d’un miel fl dangereux , que ceux qu. en goûtent , ont bien de la peine à en ré- chapper, f Le même Auteur fait mention de certains arbres qui pottoient une efpëce dt miel aux extrémités de leurs branches , ou dans les boutons de leurs feuilles ; ce miel rendoit fols ceux qui en prenoient - s & il ra- conte que les Moflnceciens , dans le pais def- quels ces arbres fe trouvent , fe fervirent avec adrefle de la douceur de ce miel , pour faire une trahifon aux Troupes du grand Pompée. Ils vinrent au-devant d’elles fous le femblant d’une feinte amitié, ils les régalèrent, leur firent boire de cette liqueur en' quantité , Sc taillèrent en pièces trois Cohortes entières lorfque cette boifïbn les eut mis hors de fe ns Sc hors d’étar de fe défendre. Il y a apparen- ce que les Moflnœciens faifoient de ce miel des liqueurs agréables -, mais qui enyvroient comme le vin , ceux qui en buvoïent avec excès, Sc que les Troupes Romaines , qui n y étoient pas accoutumées , furent plutôt y vres que ceux qui les invitoient , Sc leur tenoient compagnie à en boire. Il eft auflî | njfl.de Virginie , Liv. i. chap. 4.-4, 4. f Strabo , jLib. p. 477. Strabo , Lib. ti. p. , Ame r ï q^u a in Si 145 tes - probable * qu’Hérodote parle d’ufrfe' joiflon enyvrante , fous le nom de miel * orfqu il dit des Ouvriers de Callatébe en -ydie , qu ils faifoient un miel artificiel a- 'ec du froment des bruyères. L’eau d’Erable efi: trés-gratieufe à boire ans être cuire. Elle aigrit d’elle- même , 8c ait un vinaigre paflable 3 fi on la conferve juelqué tems. On en peut faire un très bon lydromel avec fon fyrop -, mais on ne pour- oir pas en tirer de l’eau- de- vie comme on le ait des cannes de fucre. Les Auteurs modernes croient que les An- :iens ne fe fervoient du fucre que dans la Médecine. Pline le dit & les autorife , ainfi lue je l’ai déjà remarqué, &cela peut être, mis le fucre ayant le même nom que le niel , ôc ayant dans fon ufage quelque cho- ’e encore de plus agréable , qui les empê- :hoit de s’en fervir au lieu de miel , qu’ils nettoient a toutes fàuces , jufques dans leur >ain & dans leur vin. Les Sauvagefiès font cuire leur bled d’Inde :n guifede Prajines dans leur fyrop d’Era- >le , & elles mêlent leur fucre broyé avec les Farines groulées , dont elles font les provi- ens pour tous leurs voyages. Cette farine ;’en conferve mieux , ôc elt beaucoup plus igreable. Arbres portant la cire. J ajouterai ici par occafion , que comme il r a des arbres & des plantes qui produifent in miel , lequel n’elt point l’ouvrage des \beilies , il y a au/ïi des plantes , qui pro_ luifent de la cire où les Abeilles n’ont poin? » Hmdor, Lib.y, », jj . Des Plantes dont on tire le fil. if 3. M o t u & j de parc. C’eft un petit arbufte , qui vient lut- le bord des lacs, dès rivières & desmaréca^ f tsi îi a ^ifez l’air d’un Myrthe , (a feuille ne iffere prefqiie point de l’Àpalachme , qu’on a découverte à la Loüifiane. Il porte des,’ bayes de la groiféur d’un grain de poivre. On fait bouillir ces bayes dans l’eau , fur la fprfa.ee de laquelle il s’élève une graille ou une matière onélueufe , qu’on receüille , & qui eft la fiubftance de ces bayes mêmes , la-; quelle en bouillant fe détache de fon noyau. On fond enfuite toute cette matière enfenâ bip, laquelle en fe refroidiifant fe met en confiftance^ d’une cire verte a tranfparcnte , dure, & d’une odeur très- agréable. J’en ai vu des bougies , qui ne couloient point en brûlant, &c qui répandoient une odeur auifî balfamique que celle des plus doux parfums» fans porter à la tête & faire mal au cœur , comme la plupart des caflhletjtes. Ce n’eft point aux Sauvages qu’on en doit l’invention, Ils ne fe fervent encore que dés chandelîesde Gérés ; c’eft à- dire , de. torches d’un bois fort combuftible , ou d’écorce rou-. lée de Bouleau , ou de queiqu’aurre arbre gommeux, Ce fin:,, dit-on, un Chirurgien de. la Nouvelle Angleterre , qui s’avifà le pre*? «lier de fondre ces bayes, & qui de cette même cire , dont on a fair enfuite n tire un fil très- délié : deux ou trois fortes le Cotonniers, dont les femmes des Caraïbes [ont les beaux lits de coton , qu’on nomme damacs , 8c dont nous avons déjà fouvenc »arlé. Tels font encore le Mahot , Je Bou- cau , 8cc. Les Iroquoifes 8c les Sauvagefies de la 'îouyelie France , font une forte de fil de l’é- orce du bois blanc , dont elles font les facs mettre les provifions de leurs maris quand f vont en voyage ; les colliers ou les longes (ont elles fe fervent pour tran fpor ter les faf- eaux, Sc divers autres petits ouvrages fe- ,)n leurs petits befoins. Elles enlevenc de btte écorce celle qui efl la plus délicate 8C plus voifine du corps ligneux-, elles la cou- ent avec l’ongle en rubans , qu'elles font fniir 8c macérer dans l’eau , comme on en r e pour le chanvre 8c pour le lin ; 8c apres pelques préparations , que je n’ai pas a fiez fivies , elles la réduifent en de fi petits fila- ens , qu’elles peuvent aifément la tordre r leurs genoux 8c la mettre en peloton. Dans les petits ouvrages qu’elles font avec s différences fortes de fils , elles entremê- nt fort proprement le poil d’Elan , de Bœuf .ivage & de Porc-épy , teint en diverfes uleurs. Pour faire ces diverfes teintures a es fe fervent de différens fucs qu’elles ex- 1 nient de certaines plantes , ou bien elles font bouillir avec des racines 8c des her- s qui leur font connues , avec des écorces des copeaux de quelques arbres , dont le Terne UU G *46 Moeurs des Sauva g es t fuc s’imbibe facilement dans les choies qu el- fes veulent teindre , après quelques bouil- lons & fans autre préparation. Elles fuppléent aufîi au défaut du fil en différentes manières. Pour coudre les robes de fourrures , elles employeur les boyaux des animaux defféchezj ou des filamens ti- rez de leurs nerfs , ou bien des longes faites de peaux paffées & coupées bien menu. Pour coudre les canots , on fe fert d’écorces ou de racines. Les petites racines qu’on met en oeuvre pour les canots d’écorce de Bouleau , font d’un fort bon ufage & d’une grande propreté. ^qpqp^PQP.^PQP^PSPP DE LA GUERRE. L ES Hommes, qui font fi defœuvrésdan: leurs Villages, ne fe font urte gloire de leur indolence que pour donner àenten. dre qu’ils ne font proprement nés que pour le: grandes chofes , & fur- tout pour la Guerre laquelle expofant leur courage aux plus rude épreuves, leur fournir de fréquentes occafion de mettre dans fon plus beau jour toute la no blefTe de leurs fentimens.&l’inébranlable fer meté d’une grandeur d’ame vraïement heroi que. La chatte & lapêche,qui après la guerr emportent toute leur attention, ne leur fon agréables , que parce qu’elles en font l’image ë peut-être en laifferoient- ils le foin au femmes , ainfi que de la nourriture &'de tou le relie, fi elles nétoient en même-temps-u exe te ice qui le? forme a fe rendre terribles Ameri CLV aïns. 147- des ennemis encore plus redoutables , quo ne les font les bêtes féroces. Il falloir que les Peuples de Thrace fuflènè bien^elliqueux , puifque pour donner l’idée de leur valeur , toute la Fable a concerté de taire naître chez eux le Dieu Mars , 8e que les Grecs jaloux de toutes les Nations , 8e qui Mt pris des Barbares tout ce qu’ils ont pu» l’ont pourtant pas oféleur ravir fa naifiance lour s’en faire honneur. Si mes conjectures „ ùr l’origine des Amériquains , font bien fon- dées , 011 peut dire que leur bravoure ne fert ju’à fortifier celle-ci davantage. Ils ont tous e cœur haut, l’air fier 8e noblejils font tous ;onfifter leur gloire dans leur courag-e , 8C , eur réputation ne s’établit que par les preu- ves fréquentes qu’ils ont données d’une in- trépide fermeté. Mais fi l’Areskoui des Hurons 8e des Iro- juois eft l’Arés des Grecs , ou le vrai Mars le la Thrace , il faut avoiier auiïi que les Iro- ;uois 8e les Hurons font encore plus dignes l’appartenir de plus prés au Dieu de la Guer- e > que les autres- Nations Barbares de l’A- périque par la fupériorité qu’ils ont fur pes du côté de la valeur. Ils peuvent céder quelques-unes quelques avantages de l’ef. rit 8e du corps : la vivacité dans la conver- sion ; la douceur dans la phyfionomie , l’a- refïe en différens exercices , la legéreté à la purfe, ainfî du relie ; mais ils ne cèdent d lui que ce foit pour la bravoure, ils paflent licontellablement pour être les meilleurs pldats , 8e on ne peut au moins leur difputer qualité de braves. La guerre eft pour les Iroquois & pourles urons un exercice nécefiaire ,8e peut-être it- ce la même chofe pour tous les autres Q i *48 Montra. s des Sauvages S auvages de l’Amérique. Car outre les mo* tifs ordinaires qu’on a de la déclarer à des: voifins incommodes, qui leur donnent om- brage , ou qui leur en fourmffent des caufes légitimes , en leur donnant de jultes fujets de plainte , elle leur eft encore comme indifpenj fable par une de leurs loix fondamentales. Les familles , ainfi que je l’ai déjà obfervé , Hé fe foütiennent que par le nombre de ceux qui les compofent , foit hommes , foit fem- mes j c’elt dans ce nombre que confident leurs forces & leurs principales richeffes. La perte d’une feule petfonne ettune grande per- te , mais une perte qu’il faut néceffai rement réparer , en remplaçant cette petfonne qui manque , par une ou par plu fie urs. autres , fé- lon que la perfonne qu’on doit remplacer , étoit plus ou moins coniidérable. Ce n’eff point à ceux de la Cabane à répa- rer cette perte, mais à tous ceux qui y ont des alliances, ou leur Atbonni , comme ils par- lent -, & voilà en quoi confiée l'avantage d’une Cabane d’avoir plufieurs hommes, qui y ayent pris naiffance. Car ces hommes quoi- que ifolés chez eux & bornés à eux- .mêmes , fe mariant dans des Cabanes différentes , les enfans qui naiffent de ces divers Mariages , deviennent redevables à la Cabane de leurs Pej-es , à laquelle ils font étrangers , & con- traient l’obligation de les remplacer ; de forte que la Matrone qui a la principale auto- rité dans cette Cabane , peut obliger ces en- fans d’aller en guerre comme bon lui femble, ou les retenir' s’ils vouloient entreprendre une guerre , qui ne lui plut pas. Quand donc cette Matrone juge qu il elt temps de relever l’arbre , ou de remettre fur la natte * quelqu’un de ceux de fa famille que A M HR I Ql?À I N S. ^ 5 140 la mort lui a enlevé, elle s’adreffe à l’un de ceux , qui ont leur Athonni chez elle $ 8c qu’elle croit le plus capable d’executer fa commiiTion. Elle lui parle par uncoliierde porcelaine , 8c lui explique fes intentions pour 1’engager à former un parti 3 ce qui elfe bien tôt fait. Il faut qu’il y ait quelque chofe de fembla- ble établi parmi les autres Nations : mais qui peut varier néanmoins félon les régies dont la | Gynécocratie eft établie parmi elles. En .cer- tain temps les femmes de la Floride viennent [ toutes enfemble devant le Chef , &c fe met- I tant en fa préfence en pofture de fupliantes , elles pleurent les morts de leur Nation , cha- cune lui répréfentant les pertes qu’elle a fouf- fert dans fa famille, & elles lui demandent toute de donner quelque foulagement à leur douleur, en tirant vengeance des ennemis ! qui l’ont caufée. Parmi les Caraïbes 8c les Brefîliens , ce font aulïi les femmes , qui fontchargées du foin de folhciter les guerriers !de vanger les injures faites à leur Nation par leurs ennemis communs. C’elt pendant .leurs feftins que .les femmes pleurent parmi [eux , exagérant ce qu’elles ont fouffert , s’ef- forçant par leurs plaintes 8c par leurs paroles d’échauffer le courage de leur jeuneffe , afin de l’animer à marcher hardiment au combats à y donner des preuves de leur valeur 8c de [leur amour pour ceux de leur Nation dont ils vangenr la mort. ! Il faut outre cela qu’il y ait quelque obli- ation particulière dans les familles , de rendre en main la querelle les unes des utres , avec des Loix néanmoins un peu dif- erentes de celles des Iroquois. C’elt ce que infère de ce qu’en a dit Thévet dont je rap- Q 1 f fG Moeurs bis Sauvage. § porterai les propres paroles.* *> Quant au £. 93 dites femmes veuves , elles ne fe remarient point , fi ce n’eit aux freres ôc plus proches 90 parens de leur défunt mari , lefquels au- 03 paravant faut qu’ris vangent la mort dudit 03 défunt, s’il a été pris & mangé de l’enne- - ^mi. S’il efl mort de vieillefTe ou maladie > 33 il faut que celui qui doir prendre la veuve 33 pour femme amène unprifonnier qui né-! 03 toïe fur la folle du trépafle , foit qu’on ait ^ changé de Village où autrement : auiîi que 90 toutes les pennaflèries , colliers , arcs 8c 93 flèches d’icelui foient lavées par ledit pri- 533 fonnier , même fon grand lit où il cou- ^ 3 choit de fon vivant. Encore ne fe rema- 03 rient jamais lefdites veuves , à un moins 03 fort ôc vaillant qu’étoit leur mari j car au- trement op les déniéroit , ôc leurs enfans ÔC 03 alliez mêmes en feroient fâchez ÔC mal O3 contens, de façon que s’il n’y a rencontre pareille , elles aiment mieux demeurer ain- 2,3 fi veuves tout le refte de leur vie * & finir 03 leurs jours avec leurs enfans : & encore 03 qu’elles fe remarient , fi eit- ce toutefois 05 plus d’un an après le trépas de leur mari 9 03 ôc autres chofes ci-deffus accomplies. A 483 ce propos je vous raconterai ici d’une fem- 433 me , laquelle après la mort de fon mari , 03 qui avoit été pris ôc mangé de fes ennemis, ®*ne fe voulant jamais remarier, parce que * 3 nul des parens dudit défunt ne s’étoit effor- cé de vanger fa mort , ôc pour cette caufe 05 prenant l’arc ôc flèches s’en alla elle-mê- 03 me en la guerre avec les hommes , ôc fit tant qu’elle amena des pnfonniers , qu’elle 97 bailla à tuer à fes enfans, leur difant : tués, •* mes chers enfans , vangez la mort de VO» * 7hntt Cofrng, mv, Hv, ix, f, 8, Américains. 3$s s, trepere défunt , puifque nul de les parens 50 n’en fait autre vengeance : c’eft pofinble, ^ parce que je ne fuis pas a fiez jeune & allez î» belle , mais une chofe dï en moi , c’eft que 3= je fuis forte ÔC vaillante , pour venger la ^ mort de votredit pere mon mari , & de ^ fait cette femme fit tant , qu’elle print plu- fieurs de fes ennemis prifonniers 3 qu elle » faifoit tuer , même aux jeunes freres ôc ne- veux dudit défunt : de forte que remettant ^ tous aétes féminins ÔC prenant les mafcu- » 5 lms ôc virils j ne portoit plus les cheveux longs comme les autres femmes ou comme c iie avoir accoutumé » ains s’accouftroit 05 avec des pennafleries ôc autres chofes con- venantes aux hommes. Revenons à nôtre ^propos -.après avoir donc bien banqueté, ^faifant des Huttes des os de bras ôc jambes ^ 3 de leurs ennemis , ôc autres inftrumens, ! ©» comme tabourins faits à leur mode , ôc s’en vont fautans, ôc danfans joyeufcment tout 33 autour de leurs loges là où cependant les j 3,3 plus anciens ne cefient tout le long du jour de boire fans manger , félon la coûtume , , ÔC font fervis parles veuves du défunt ôç | 03 parentes d’icelui, ôc m’étant informé d’eux 53 de ces façons de faire, me répondirent» I * 3 que c’étoit pour haufler le cœur à la jeu- ** nefle , ôc afin de l’animer à marcher hardi- ment en guerre contre leurs ennemis , avec l’efpoir d’un tel honneur , après qu’ils fc- 05 ront décédez.' Les guerriers n’attendent pas toûjours qu’on les follicite , leur devoir les avertit fuffifament , Ôc le defir d’acquérir de la gloire, les prefife encore plus vivement que le devoir ôc l’ufage. Celui qui a envie de lever un parti, ou qui eft ainfi engagé à le faire , fournit uja G 4 Ï f 2 M O n-p K SDIS Sauvages collier, ou bien s’il l’a reçu , il ie montre# ceux qu il veut enrôler dans fon expédition,’ comme le lignai de Ton engagement , 8c du leur j fans leur dire neanmoins ni qui l’a foî- Jicite d aller en guerre, ni qui effila perfon- ne qu il veut remplacer ; que s^ij fait tant que de s en expliquer à eux , c’eft un iècrét entre les guerriers dont le Village n’a point de connoiflance. La guerre peut erre regardée ou comme particulière quand elle fe fait par de petits partis , dont il y en a prefque toüjours quel- quun en campagne ou comme générale quand ils marchent en Corps' d’armée & qu’elle fe fait au nom de la Nanon. Les Anciens ne font pas toüjours confultés par les Chefs de ces petits partis ; mais ils ne s y oppofent pas, quand l’imerêrdela Na- tion n’y eft pas lui- même oppofé. Ils font au contraire bien aifes de voir que leur jeuné/Te s exerce , 8c s’entretienne dans cet elprit guerrier , qui fait leur fureté en les rendant formidables. Mais s’ils craignaient que le nombre de ces partis n’affoiblit trop leur vil- lage 5 qu’ils allaiTent infulter quelque nation qu’ils veulent encore ménager , ou bien qu’ils eu/Tent befoin de leurs Guerriers pour quel- que deffein fecret , alors ils font agir fous - main pour arrêter les chefs. Si leurs négotia- tions ne font pas affiés heureufes , ou qu’ils voyent quelque difficulté à y réiiffir , ils les Jaiffient partir 8c les font revenir par de faux avis qu’ils leur font donner adroitement en chemin ; mais le plus fur moyen qu’ils ayenc en main pour rompre leurs entreprifes , c’effc de gagner les Matrones des Cabanes , où ceux qui fe font engagés avec le Chef ont leur A- ihmi jcar celles-ci n’ont qu’à interpofer leur Ameri clu AINS. 359 lutoriré pour faire avorter tous les projets les mieux concertés } ce qui montre qu elles ont m créait en quelque forte plus réel que le tonfeil même des anciens. Mais on employé rarement ce moyen 5 parce que les Sauvages fe ménagent extrêmement les uns les autres , & ne veulent que difficilement mettre en œuvre ces voyes de crédit &c d’autorité > qui peuvent faire violence à l’inclination. Ces petits partis ne font compofés d’ordî- baire que de fept ou huit perfonnes d un pillage y mais ce nombre groffit aifez fou- lent par ceux des autres Villages , ou des na- tions alliées qui s’y joignent v* & ils peuvent être comparés aux Argonautes , qui pour leur célèbre enrreprife 5 compofoient une armée > laquelle n’étoit pas plus nombreufe que la moindre Compagnie d’infanterie. Les Partis détachés > qui fe forment ainh en pleine paix , pour ne pas intéreflèr la Natiorï Dardes Hohilités, lefqueUespourroiens avoir des fuites fâcheufes, vont porter la Guerre: [hez les peuples les plus reculés^ Ils feront leux ou troisans en chemin , & feront deux pu trois mille lieties, à aller & venir pour caf- fer une tète , & enlever une chevelure. Cette Petite Guerre ellun véritable aifaffinat 5 . &C an brigandage , qui ifa nulle apparence de uflice » m dans le motif qui l’a fait entre- prendre , ni par rapport aux peuples à qui elle sft faite : ils ne font feulement pasconnusde [es Nations éloignées , ou ne le font que par- és dommages qu’ils leur caufent , lorfqu’ils: ront les afïbmmer , ou les faire efclaves pref* ]ue jufques aux porres de leurs Palifïudes. Les sauvages regardent cela néanmoins comme une bd'eaétion. , _ G' ç $ Viiy ÆptUy Med, lié, x. Argonmh ïf4 Moeurs des Sauvages La Guerre , qu’ils fe font entre voifins, efi ordinairement plus motivée. La jaloufie , qui régne entre tous ces peuples , fait que fe pro- curant mutuellement divers dégoûts , ils ne tardent pas long-temsà avoir des caufes lé- gitimes d’une rupture. Pour peu qu’ils foient aigris, ou qu’ils croyent avoir raifon d’être mécontens les uns des autres , ils ne laiflent point paflsr les occaiîons qui fe prefentent de prendre à leur avantage ceux dont ils peuvent aifément fe défaire , lorfqu’ils les rencontrent dans leurs Païs de chafle , ou qu’ils pa fient à l’écart fur leurs Terres , en revenant de faire la Guerre dans les Païs éloignés. L’efpérance de l’impunité, &c de pouvoir dérober à la con- noiflance des mtérefles ces fortes d’aflaflï- nats, enhardit beaucoup à les commettre; mais ils ne peuvent être fi fecrets que le my- ftére ne s’en découvre tôt ou tard , par l’im- prudence des coupables , ou qu’ils ne laiflent de violens foupçons , qui font des pîayes aufll profondes que les preuves les plus complet- tes , & les mieux développées. La Nation * qui eft en^ faute , tâche alors de fe jultifier le mieux qu’elle peut. Elle fait précéder lesex- enfes les mieux colorées, elle va enfuite cou- vrir les morts , ôc faire des préfens pour ref- ferrer les nœuds d’une intelligence prête à fe rompre ; mais bien que ces prêfens foient ac- ceptés,!! la conjonéture des. temps nfefi: pas propre au defièin qu’on auroit d’en prendre une vengeance entière , on ne doit pas fe fiâ- ïer que l’injure foit entièrement oubliée. L’ap* pareil qu’on a mis fur cette playe ne fait que la couvrir fans la fermer , ellle faigne intérieu- rement , tandis que l’ennemi n’en a point re- çû tout le châtiment que le reflentiment in f- pire ; le Gonfeil tient un Regiftte exa& ds A M E R I QJJ A 1 N S. I fÇ ceux qui ont été tués dans ces forces d’occa- jïons , & on en rafraîchit la mémoire jufqu’à ce qu’on foit en état d’en prendre la fatisfa- étion la plus éclatante. Le Confeil ne fe détermine point à la Guerre, fans en avoir couvé long-temps le le deffein , & fans avoir pefé toutes les raifons du pour & du contre , avec beaucoup de ma- turité. Toutes les Affemblées roulent fur cet- te matière. On y examine aVec foin toutes les fuites d’une enrreprife de cette confèquence s on y met en délibération les moyens de les mefures qu’on peut prendre, & on ne néglige aucune des moindres précautions. Ils n’ob- métent rien en particulier pour s’affurer de leurs alliez de de leurs voifius j ils envoyent chez tous des ambaflades fecrétes de des col- liers fous terre , pour les engager à embratfer la même caufe , ou pour les obliger à fe tenir neutres , par les motifs de défiance qu'ils ont foin de femer, afin de les tenir en refpeét les uns par les autres. La-paix dans le Confeil a fes partifans zé- lez auiïi-bien que la Guerre. Ceux qui ne font animez à la vengeance que par la perte de leurs concitoyens , quoi- qu’ils ne voient pas ces fortes de pertes avec indifférence , les fentent cependant bien moins que ceux qui pleurent leurs freres ou leurs proches % ils font aulfi plus en état de juger s’il con- vient mieux d’éclater ou de dififimuler r mais ils ne font pas toujours les maîtres de faire goûter la folidiré de leurs raifons. Dans les cas de partage , ceux qui font les plus irritez font quelquefois engager la partie fous-main de commencer les holiihtez par des avantu- tiers détachez , qui font pancher la balance, de hâtent la conclufion d’une Guerre que les Moeurs des Sauvages circontrances rendent alors néceifaire. 4 La paix étant ai niî rompue , ou toutes les mefures étant bien concertées pour la rom» pre , on lève publiquement la Hache , oh 1 envoyé porter foiemneilement félon la cou»- tume, aux Nations alliées , & on chante la Guerre dans tous les Villages» La terreur du nom Iroquois eit tellement répandue , que dans ce moment tous leurs voifins tremblent chacun pour loi , & ne fortent d’inquiëtiideL que lorsqu’ils ont vu où le coup doit aller frapper. C’eft une politique dans ceux- là 3 lors même qu’ils chantent la Guerre , de ne point fe hâter de partir , &: de balancer long- ïems le coup pour les tenir tous en haleine 5 de différer fouvenE d’une année à l’autre > pour endormir & pour engager dans une faude fécurité , ceux qu’ils veulent furpren- dre: mais c’e fi: aufïi une politique ordinaire dans les autres de donner cours à tous les bruits de Guerre , quelques faux qu’ils puiÆ fent être , de les fomenter , de les réveiller > ou de les répandre eux mêmes, afin de renir leur jeuneffe fur le qui-vive , & de n’être point pris au dépourvu. La Guerre ayant été établie parla néce/fi- tè de fe mettre à l’abri de Pinjuftice , de re- pou fier fa force par la force > & de fe faire raifon des injures que les Peuples pouvoient recevoir les uns des autres , fut aulïi fanéfr- fiée par la Religion , ainfi que je l’ai dit , SC avoir fesLoix univerfellement reçues qu’ont ©bfervoit fcrupuleufement même entre en- nemis , a fin qu’elle ne ibrtit pas el le- même ihors^ des bornçsde la jufhce , & qu’elle ne violât pas le droit des Gens qu’elle devoir plutôt maintenir. Sur ce principe 9 nous A M E R I QJtTA î N S. m voyons que dansT Antiquité , * on ne eom- mençoir point une Guerre fans avoir de jo- lies raifons de la déclarer, Ôc fans 'l’avait dé- icîarée dans les formes Les Romains en par- ticulier avoient cette exactitude. Ils avaient personnes établies pour juger de la ju- rcede leur caufe , Sc quand ils prërendoient avoir été lézés par les peuples voiftns , ils envoyoient quatre Héros demander la fatis- ! faction qui leur étoir due. Ces Héros, ayant pris des Verveines au Capitole , &c d’autres Jiierbes apel'lëes Sagmina . , qui étofent la mar- que de leur Légation , & ayant la tête cou- I tonnée de bandelettes de laine , allaient ex- 1 pofer les prétentions du peuple Romain *, SC j ü après un certain tems marqué on ne faifoît ! pas droit à leur demande ils retournoienr jufi- ques fur les limites des Terres de leurs en- nemis là le Chef d’entr’eux , qu'on nom- ! moit Pater Pattaïus , qui fëui avoir droit de déclarer la Guerre , ayant prononcé en pré- sence de trois témoins , certaine formule de paroles foleranelles, ufitées en ces occafions* d’une voix claire &: diitincte , qui fit donner i à cette cérémonie le nom de darigation ,, jet- toit fur la Terre ennemie une lance armée de fer , ou feulement un bois de lance teint de *■ Vide Alexandrum ab Alex. Génial, dier. lib- f. cap. & Servium in lib. 9. tÆneid. Alex, ab Alexandro Genialium dierum. Hb. f. cap. ja ïbat Pater Patratusad hoftium fines & verba folemn a præ-* fatus , bellum à populo Romano contra praeferiptos hoftîS»i ©b légitimas quas cenfuerat caufas , clarâ v-oce indicebat* poft qua n Glarigationem , frios-erat , ut de Senatus confilit» & populi j-uffu s . feciahs. hafhm ferratam , aut fangmneata jræuftjm , ad fines illnrum j.aeeret : & non namus tribus puber bus præfentibus bellum indicetet , & ira denunciasi & i mdici jt;ftum piumque bellum putavêre , &c. pt\Serv us in hsc verba , Lib s- Æneidos. En , aii^ (Tumus ) & jaculum intoreputns emitrit in auras , princin finm pugn* , fie habet. Hoc-dc Ronaaaâ loleaflitatiç traâu® ïsS Moeurs des Sauvages couleur de fang , & brûlé par le bout •> apré quoi il étoit permis de commencer les holH lirez. I! y a encore en quelques endroits de l’A- mérique un relie de cet ancien ufage. A h 1 Floride la manière de déclarer la Guerre étoi .d’aller planter fur les Terres des ennemis dans les paflages les plus expofez, des flè- ches au fommet defquelles on attachoit ui floCcon de cotton ou de laine. Plufleurs au- tres peuples de l’Amérique Septentrionale au lieu de flèches mettent un cafîetère pein de noir & de rouge; mais cerce manière d< déclarer la Guerre dans les formes efl rare Peu fcrupuleux fur la jullice de leur caufe ils le font aujourd’hui encore moins à obier- ver les formaîitez anciennes ; ne penfam qu’à accabler leurs ennemis , ils ne vinfenl aufll qu’à les iurprendre 5 & à tomber fui eux lorsqu’ils y penferont le moins. ^ L’animoiïté des deux Nations ennemies n’eft pas toüjours fï vive que l’une & l’autre s’arment pour s’enrre-détruire , & chercheni leur ruine totale. On en a vû de rivales , corn, me Rome Sc Carthage , Ce modérer dans lçui vièloire ; ceffer de regarder leurs ennemis comme tels , dés- lors que leur défaite avoil ôté cette égalité qui eau foie l’émulation ^ les épargner, afin dre leur donner îe temps de ref pirer ôc de fe relever , pour difputer de nou- eft. Cuti enim volebant feîîlum indicere , Pater Patratuîj ^i-oceft princeps fccialium proficifeebatur ad hoftlum fines * & præfatus quædaai folemnia , clarâ voce dicebat fe bellatta indiçere propter certas caufas , aut quia focios læferant , auï quiâ nec abreptx aninaalia , nec obnoxios redd'erent. Erhæc €lnng^tï() dicîbatur à clarïtate vocis. Poft q-uam Clariga- îionenu hafta in eorurrt fines mjffâ , indicabatur jam pugnæ ptincipiurn. Poft tertium autem & triceficnutn dîem quarr ses lepetiffeat abbpftibus 5 feciates b^ftara paittebans* âSK£ A M E R I QJT AINS. S f 5 > Veau l’avantage SBa primauté. 11 s’eft trouvé auffi desoccafions où la guerre étoic un _ cornu cerc de politique entre les chefs des partis pofés pour tenir leur jeunefîe alerte , 8c qui» n’avoir d’autre but que de fe harceler pour mettre leur valeur à l’épreuve. Le Père Garnier m’a raconté un fait que fe raporte ici volontiers , àcaufè de fafingulari- té , 8c fur- tout à caufe d’une expreiîion re- marquable qui fè trouve dans la fà-inte Ecri- ture avec la même lignification , 8c pour une oceafion pareille» Sharmon^ernaoui , Chef des Tfonnontouans , ou bien Sagofenâagete y. Chef des Onnomaguës ( fe ne me fou vie ns pas af- fez diitinélement lequel des deux } fît Sollici- ter le Chef de la Nation Neutre , de permet- tre que leurs jeunes gens allalfent en guerre îes uns contre l'es autres , 8c fe harcelalTent par de petits partis ÿ Celui-ci intimidé pat s ce qui venoit d’arriver aux Barons fes voi- f ns, dont le fang fumoitencore & dont la dé- faite entière étoit toute rëcenteilui fît répon- ! dre qu’il n’y pouvoir confontir , 8c qu’il ap- préhendoit trop les fuites iuneftes , qui pour- roient naître de la facilité qu’il auroit eue à j donner les mains à cette propofition. L’Iro- quois,qui ne pouvoir trouver â redire à cette I raifon , mais qui pourtant voulait toujours ! en venir à fon but , lui fît demander avec qui donc il vouloit que fes enfans joHaffent. A. V ner * fe fervit autrefois de la même façon dé parler * lorfque fon armée, 8c celle de Da- vid fe trouvant en préfènce , il fit propofer à Joab un duel entre des gens choifis de part 8C d’autre , qui leur en donnafîent le divertifîe- mertt à la tête des deux camps. Djxitque Ab~ nes ad foab i fur gant puett & ludant «tram Mtkiu -* $eg. Lik, â. tap. t,.v, 14. lëo Moeurs ©es Sauvages El re/pondit 7oab y fur gant. Lè duel fut accepté - f 41 fortit alors des deux armées douze braves x;<*)tre douze , qui s 'étant faifis les uns les au- ► très par la tête 3 fe percèrent mutuellement. , êc finirent ce jeu en expirant des coups qu’ils ie portèrent ; action mémorable , qui confa- t cra le lieu où s’ëtoit pafiee -, par le nom | qui lui en relta, de f Champ des Forts. Age* Robujïonitn. Soit que le Chef delà Nation Neutre fe | rendit enfin à la propofition qui lui avoir : été faite , foit qu’il y fut forcé par quel-f quesefcarmouches faites contre fes gens ,1a petite guerre commença. Mais malheureu/e- 1 ment, il n’en faut pas i A m s R r QJJ AINS. *61 davantage pour caufer un embrasement auffi général > que le fut celui que caufa lafameu- 2 e Guerre de Troye , où la Grèce entière fe :rouva armée contre l’Afie. La comparaison ;(t jufte. Le Royaume de Friam , fi vanté par les Poètes , étoit borné à la Troade & à la Rhrygie, qui étoitunaffez petit paysdel’A- Se Mineure. La Guerre que les Grecs lui fi- rent , réiinit dans un Corps d’armée tous les Peuples différens de la Mer Egée & du Pélo- t>onefe , fous divers Capitaines qu’on honore lu nom de Rois , & dont les Etats confi- floient dans quelques Villages. Le plaifant Koi , par exemple , que le Roi d’Ithaque, le- quel étoit un de ceux qui figuroient davanta- ge dans cette célébré Ligue. Priam vit auiïï fourir à fa défenfe fous divers Chefs , non- feulement tous ces petits Peuples de l’Afie Mineure , qui étoient fes alliez ôc fes voifins» [ëls qu’étoient les Lyciens, ôte. mais encore es Nations les plus reculées de la grande Afie. ?enthéfilée Reine des Amazones y vint des tords du Ta nais ; Rhefus s’y tranfporta dp r ond de laThrace , ôc Memnon qu’on dit ptre un Général des Egyptiens, des Aflyriens, tu des Ethiopiens, y condiiifit les troupes de ’Aurore. Cette quantité de Nations ne fai- foit pas de nombreufes armées. Quel fecours 3e troupes Auxiliaires amena Rhéfus , que Diomède ôt CJlyfle feuls défirent pendant le [bmmeil , la première nuit de leur arrivée , avant que leurs chevaux eufifenr pu boire les baux du fleuve Xante ? Et fans parler de l’exa- gération des Poètes , fi l’on veut confidérec Quelle pouvoir être alors , & la fltuélure & la Rapacité des Vai fléaux , le nombre de mil- e y qui compofoienc la Flotte des Grecs, n’é- oit peut-être pas capable 4e compofec i£i Moeurs des Sauvages tine Armée de vingt mille hommes* , La Cabane Iroquoife réunie, n’efl pas en état j a ce que je crois , de compter beaucoup au- delà de trois mille combattans. Cepen- dant l Iroquois feul caufe de la jaloufle aux Nations les plus reculées , depuis l’embou- chure du fleuve St Laurent & les côtes de la MerOcéane, jufqu’aux bords du Mifliflippi. Cela ne doit point paroïtre furprenant à ceux qui ont quelque connoiflance de l’Amérique, cc des Barbares qui l’habitent.Quoiqu’il y ait une multitude aflez grande de Nations difé- rcntes, chacune de ces Nations en particulier efl: réduite à un petit nombre de Villages, & plufieurs même à un feul*, de forte que quel- ques-unes ne fçauroient fournir jufqu’à tren- teguerriers.En fécond lieu,elles occupent des pays immenfes de fombres forêts, ou de prai- ries incultes , & elles font dans un fl grand éloignement les unes des autres , qu’il faut quelquefois faire deux & trois cens lieues , avant que de rencontrer une ame vivante. Cela fait que le chemin efl: compté pour rien dans ces vaftes folitudes , où une trés-petitç troupe ;peut marcher long-temps fans crain- te , Sc qu’un voyage de fept ou huit cens lieuës y efl: regardé , comme on regarderoit en France une promenade de Paris a Orléans. D’ailleurs les petites Nations , qui étant aq voiflnage les unes des autres , dévroient té défendre mutuellement, ne s’entendent pas aflez entr’elles à caufe de leurs differens fu- jets de jaloufle ou ne font pas aflez à portée, quoique voiflnes , de fe prêter la main en cas de furprife , contre un ennemi plus redouta- ble , qui efl à leurs portes lorfqu’il efl le moins attendu } de forte que pour réfifler à eet ennemi commun , elles font obligées ds Amer j qv a i n s. faire alliance avec les N ations qui font a 1 au- tre extrémité de l’Amérique Septentrionale ? afin de faire une diverfion , & de l’affoiblic en l’obligeant à divifer fes forces. C’effc fur ce double fondement du petit nombre de perfonnes , dont étoit composée chaque Nation dans les premiers temps , ôC de la valte étendue des pays inhabitez que nous devons raifonner , pour expliquer les longues courfes , les tranfmigrations ôc les alliances de certaines Nations trés-éloignees> Jerquelles fans cela ferment très intelligibles. Diodore de Sicile nous fait une peinture de la Gaule Méridionale , entièrement fembla- ble à celle qu’on pourroit faire aujourd’hui du Canada. En effet , les Gaules , les Efpa- -gnes , la Germanie D’Italie même , ôc les au- tres parties de l’Europe, étoient des Régions bériflees de forêts que la nature y avoir mi- fes , ôc de Montagnes couvertes de neiges * où l’art n’avoit point encore travaillé pour y pratiquer des routes & des rentiers. Il étoit j facile dans cesaffreufes folitudes aux Gala- tes & aux Ibénens de Te tranfporter d’Afie dans les Gaules,. & dans lesEfpagnes i il ne l’étoit pas moins pour retourner delà en Afïe« Les Nations éparfes çà &: là étoient très- peu nombreufes j fans cela comment feroit- il pofïible de comprendre qu’une armée aufïî petite que celle des Argonautes , eût pu tra- • verfer une aufïi grande étendue de pays que les Poctes leur font courir , ôc défaire autant de Nations , qu’il y en avoit qui s’oppofoicnt à leur paffage , de à leur entreprife ic’eftun récit fabuleux , me dira-t-on , je le veux croire , quoique félon les régies du Poeme , il ne doive pas l’être quant au fonds & à la fubftance de l’objet principal ■> mais dans le i 8c a cette Province nommée Areïane s laquelle étoit voifine de la Perle, & s’étendoit jufques aux Portes Cafpiennes. ' Le nom même d’Aréiane , ou d’Ariane , fe raporte fort au Roïaume de Sarian de la verfion Arabique. Thadal Roi des Gélites-, félon la verfion Syriaque , étoit fort voifin d’Arioch ; car il y a apparence que les Géli- tes étoient les mêmes que ceux , qui font ap- pelles Gel a 3 ou Geli dans la Géographie an- cienne , lefquels étoient auiïï vers la Mer Gafpienne. Pline * les confond avec les Ca- dufiens , Strabon f les distingue , & dit que les Cadufiens avoient prefque autant de pied que les Peuples de l’Ariane. Il n’y avoit pas au relte un fi grand éloignement des Etats de ces deux Princes , enfles pla- çant dans le Tont en tirant vers l’Afie Mi- « Pli». Lib. 6. cap. 1 6 . ^Straba ,Lib. îi'f. }$o, & }fo t A H ï kl CL TJ A T N S 1^7 neure > de ceux de leurs deux autres Confé- dérez jcar il eft rapporté dans Arrien , f que pendant qu’ Alexandre traverfoit la Pcrfe , il il lui vint des Ambaifadeurs des Nations » qui habnoient vers Je Pont-Euxin , par un chemin très- court *, de forte que ce Prince en fut très- furpris. On peut ajouter que les Villes & les Nations étant ambulantes dans ces premiers temps ,, on pourroit r approcher encore plus facilement les Etats des deux autres Roys , fur-tout de celui des Elamites» dont !e païs n’étoit pas S éloigné ni fi éten- du qu’il le fut depuis. On ne peut nier que les Elamites , ou les Perfes , jufques au temps de Cyrus , n’ayent vécu à la façon des Sauvages , ainfi que je i’a'y prouvé par Hé- rodote. Cette Guerre dont parle l’Ecriture , n’é- toit pas dans un fens f petite qu’on veut la I faire *, car quoique les Rois de la Pentapole fuilent voifîns 5 la Guerre ne laiffoit pas d’embraifer une grande étendue de pays 5, | ce qui paroît manifestement par la fainte ‘ Ecriture même *, puifque ces quatre Rois, alliez, * avant de vaincre les cinq autres, dé- truifirent plufeurs Nations , lefquelles é- toienr apparemment dans l’alfiance de leurs ennemis. C’étoit les Raphaims , les Emims delà race des Géants , les Zuzims , les Chor- reens , les Amaléeites , & les Amorrhéens. Elle étoit petite cependant d’une autre cô- té car toutes ces Nations , qui occupoient une étendue de pays il confidérable , étoient très- peu nomforeufes. Rien ne le montre mieux que ce qui arriva à ces quatre Rois vainqueurs de tant de Peuples , qui vc- ^ Arriav. Lib. Biji. Indïc* \ .» Gtn, caÿ, 1 4. vtr. 5.6.7. i<£8 Moeurs des Sauva «es ooient encore de triompher de ceux de I* Fentapole : car ces fuperbes Conquérans fu- rent vaincus dans leur victoire par Abraham * à ia tête de trois cens dixhuic hommes de fes gens , 8c peut-être , quelque peu des troupes Auxiliaires des deux frères Efcoi 8c Aner , qui croient fes alliez. Je fçais qu’on peut faire des difficultés fur ce que je dis du petit nombre de chaque Nation ,, 8c qu’on peut m’objeéter que ces pays on été extrêmement peuplez *, ce qu’on peut prouver par l’exemple même des Is- raélites , lefquels multiplièrent fi fort dans le défert , mais il n’y a qu’à diftinguer les temps. Les peuples ont eu leurs viciffitudes y dans un temps ils ont été en très- petit nom- bre , 8c dans d’autres ils fe font fi fort accrus > qu’ils ont inondé tous les Etats de leurs voi- fins , comme des torrçns, La Bucbette ou le ftgne de l’Enrôlement, La Hache n’efl pas plutôt levée que les Chefs de Guerre fe difpofenc à affembler leur monde , 8c que ceux , qui ont envie de les fuivre , lèvent la Bûchette. C’ell un morceau de bois façonné, orné de vermil- lon , que chacun des Guerriers marque de - quelque note, ou figure diftinètive , 8c qu’il donne au Chef, comme un fymbole qui le répréfente en perfonne , 8c qui peut être re- gardé comme le lien de fon engagement > ‘ tandis qu’il fubfide. J’avois cru que , quelque engagement que pnffent les Sauvages en ces fortes d’occa- lions , ils pouvoient le rompre fans façon, 8c ré- Ig:-,. > : » ■ Américains. ï Sc retirer leur parole, comme il leur plai- ibit , en conféquence de cette liberté , qui paroït fi naturelle en eux , qu’ils femblent tous indépendans les uns des autres , 6c que Ton croiroit que leurs Chefs n’ont qu’une autorité fans coaétion s Sc qui réleve en quelque forte de la volonté aéhielle de cha- que particulier. Mais j’ai été détrompé dans la fuite , fur ce point , par ce qui arriva dans la Miffion des Hurons de Lorette ; car étant /urvenu quelque difficulté 4 l’occafion d’un Sauvage qu’il s’agifibit de charter , parce qu’il avoir contrevenu à quelque chofe à jquoi le Village s’étoit engagé foiemnelle- ment , 6c dont l’engagement fubfiftoit par des Bûchettes femblables à celles qu’on lève jpour aller en Guerre , un ancien exhorta le Millionnaire à tenir ferme , en lui difant qu’on ufoit encore d’indulgence envers le Icoupable , &c que c’étoit une Loi de temps immémorial dans leur pays , que le Village étoit en droit de faire mourir celui qui après kvoir levé la Bûchette neremplifloit par les obligations de ion engagement. Quoique É cette Loi ne s’obferve pas aujourd’hui à ,ia igueur , il y a cependant plu fleurs exem- •les de févérité encore afles récens , 8c l’on a vu afles fouvent des Chefs carter la tête pe fang froid , 8c par voye de fait à des par- ticuliers , qui étoient allez en Guerre contre leur volonté , ou qui avoienr dèièrté en chemin , abandonnant le parti dans lefquels ils s’étoient enrôlez. I Cette manière de contraéber des engage- ons , en le donnant mutuellement quel- que fymboîe , & quelque gage fignificatif lie la foi donnée n’étoit pas particulière iiàx Barbares ; mais elle avoir parte d’eux Tme llli H tyo Moeurs des Sauvages^ aux Grecs 8c aux Romains , 8c elle s’étoir confervée encore alfés long temps , après les lïécles florilfans de la République jufques au bas Empire. On appelloic ces fymboles Teffer* , 8c c’étoient de petits morceaux de bois , unis des deux côtés , fur lefquels on eraçoit des chiffres , ou des figures félon ce que l’on vouloit répréfenter 8c lignifier. Les plus refpe&ables, ôc qui étoient de l’ Anti- quité la plus vénérable , étoient ceux qu’on nommoit Hofpitales, parce qu’ils étoient don- nés en ligne d’hofpitalité , dont les droits, étoient ce qu’il y avoit de plus faint 8c de plus facré , 8c palfoient jufqu’aux de Ren- dants. Les Hôtes, en fe féparant , parta- soienr le fymbole , 8c en gardoient tres- précieufement les pièces, afin de pouvoir les confronter au cas qu’ils vinifient à fe revoir. • Ceux qui négligeoient,ou brifoient ces fym* boles , étoient cenfés renoncer à la foi jurée; ils palfoient pour infâmes , 8c dignes de toute la colère des Dieux. Des particuliers , ces fvmboles palférent aux Communautes;8C les Villes les envoyoient aux autres Villes alliées , pour être un fur garand de leur al- liance. . . Æ Dans l’art Militaire , il y en avoir de plufieurs fortes , car outre l’Lrendart qu on nommoir uuffi Tejfera , onappelloit du me- me nom le lignai de l’enrôlement , 1 ordre ou le mot du Guet que les Tribuns alloient chercher chez le Général , 8c qui fe don- non fur de fembîables morceaux de bois *, on apnclloit ainfi les obligations pour le prêt des Troupes , foit qu’on dût les payer en argent > ou en vivres ; car ^ors en répre- fenta-nt ces Bûchettes au teihps marqué , les frgfoncrs d’Armée * 8c les Commifiaires Amer ï qjj a in*. H i des vivres , étoient obligés de fournir la quantité 8c la qualité des chofes quelles EgmEoienr. On pratiquoit la même chofe dans les diftributions que les Empereurs fai- foient au Peuple; 8c c’eft de-là que viennent les diftinétions qu’on trouve dans les Au- teurs , ou les Epithètes jointes au mot refera tomme font celles de Nummaria , Frumenta» JL' 4 > & autres qui fignifîoient leur ufage 5c rapplication qu’on en faifoit , laquelle £it déterminée par l’Epithéte même. On l'on encore la. forme de ces fortes de fy m - poles dans les Médailles des Empereurs , 8C tur quelques Antiques. Maniéré de chanter la Guerre. ^La Guerre fe chante dans une Cabane de ^onfeil , où tout le monde s’aflemble , rom me je l’ai expliqué ailleurs , 8c c’eft le :hef de Guerre qui fait le feftin. Ce qu’il r *, de particulier dans cette forte de feftin , elt que les chiens, qu’on met dans la Chau- de , y font la matière principale du faeri- >ce î Sacrifice marqué par les Harangues lu ils font à A c res%oui ie Dieu de la Gu°rre u grand efprit 8c au Ciel, ou au Soleftqu’ils frient d’éclairer leurs pas , de leur donner à viéloire fur leurs ennemis , 8c de les r’a- lener fains 8c faufs dans leur partie. C’eft | fans doute un de ces facrïficb que ies La- iwdemonïens , les Cariens , 8c les Peuples rf, wijv.ua, ut 1Cb peuples e Thrace offroient au Dieu Mars , à qui ils mmoloient des Chiens pour viéf imes. Mais ien loin que ce foie un efprit de piété , H 2 * in Laconie. Vlutar.pr, Amb Contra Ge*. Ltb, 4, Cltmns.AltXiWiïrçtr, 3 ifi Moeurs bh Sauvages qui foit Taine de ces facrifices , c’efl plutôt un efprit de rage 5c de fureur. Car leur imagination s’échauffant à la vue de ces mets , ils fe perfuadent devorer les chairs de leurs ennemis, comme iis le difent en- fuite , dans leurs chanfons , ils n’ont point de plaifir plus fenfible que de témoigner le mépris qu’ils en font , par la comparaifon qu’ils mettent entre eux &c leurs chiens ; en effet ils ne donnent point d’autre nom à leurs Efclaves. Les Guerriers viennent à cette affembléc peints d’une manière affreufe , 6 ^ bizarre , propre à infpirer la terreur , 5c parés de leurs armes. Le Chef , qui lève la Hache > le vi- fage , les épaules , & la poitrine noircies., dé charbon. Il elt armé aufîî bien qu’un ou deux affeffeurs qu’il a à fes côtés , avec fa femme 5c fes enfans qui font ornés de leurs plus beaux bijoux. Le chef ayant chanté pendant quelque- temps > éléve enfuite fa voix , & dit à tous les afïiltans qu’il offre le feltia au Dieu de la Guerre , 5c s’adreffant enfuite à lui. “Je t’invoque , dit-il, afin *» que tu me fois favorable dans mon en- 93 treprife , que tu ayes pitié de moi 5c de 93 toute ma famille -, j’invoque auffi tous les wefprîts bons 5c mauvais >.tous ceux qui 9 » font dans les airs , fur la terre , 5c dans la » la terre , afin qu'ils me confervent , 5c ceux » de mon parti , 5c que nous puifïions , ajarés 9 * un heureux voyage retourner dans notre 93 pays.ee Tous les afTiftam répondent . bo ! 5c accompagnent de ces acclamations réitérées tous les'vœux qu’il forme , 5c tou- ; tes les prières qu’il fait. Le Chef lève enfuite te chant > 5c commence | h panfe de l'Atbonmt* en frappant à lun A m ERIQ.ÜA ÏNS. î VT des poteaux de la Cabane avec fonça ffe- tête, 8c tous lui répondent par leurs héyhé, tandis qu’il danfe. Chacun de ceux qui lèvent la Bûchette , frappe au poteau , à fon tour , 8C danfede lamêrne manière. C’elt- là une dé- claration publique de rengagement qu’ils ont pris auparavant en fecret. C’efl alors qu’on préfente publiquement les têtes des chiens , qu’on a mis dans la Chaudière , aux Guerriers les plus considérables pour exciter leur courage par cette marque de diftinétion. C’efl: àuÆi alors qu’ils danfent leur danfe fatyrique , ÔC qu’ils jettent des cendres fur la tête de ceux qu’ils veulent Animer s ou bien à qui ils veulent faire quelque reproche de ne s’être pas tout-à- fait bien comportés dans des occafïons , où ils avoient fait paroïtre moins de valeur qu’on n’auroit eu lieu de fe le promettre. I Quelques-uns s’eferimant de leurs armes, I font mine aulïi de vouloir frapper quelqu’un des aiïiftans , comme s’ils vpuloient dire j par cette aélion , que c’elt ainf qu’ils ont tué 8c aflommé plufîeurs de leurs ennemis. Mais il n’efl permis qu’à ceux , qui fe font i déjà fîgnalez par quelque belle aélion , 8c ! qui ont par devers eux des preuves de bra- voure , d’en ufer ainfi j encore faut- il qu'ils I faifent fur le champ un prefent à celui à qui j ils ont fait cette efpéce d’mfulte , en pre- nant cette liberté , faute dequoi , celui-là auroit droit de leur donner un démenti en public 5 en leur difant qu’ils ne font que des lâches , & qu’ils n’ont jamais eu afles de courage pour faire de mal à perfonne *,.ce qui les couvriroit de confufion. IL efl auifi à re- marquer que chacun a fa chanfon particu- lière , que qui que ce foie n’oferoit chantée 1?4 Moeuhs des Sauvages en fa préfence , non-feulement dans ces for- tes de folemnirés , mais même dans le parti- culier , fans s’expofer à lui faire un affront Sc à en recevoir un de fa part. La Guerre s’échauffe à mefure qu’on ap- proche du rerme fixé pour le départ ; elle iê chante prefque toutes les nuits. On s’ani- me tout de bon quand on commence à faire les provifions de bouche , ce qu’ils nom- ment fagoton^ariagon , c’eft-à-dire la famine y foit parce qu’ils font ces provifions contre la faim à laquelle ils font expofés dans leurs longs voyages, foit parce que les Guerriers s’y difpofent par un long jeûne , afin , difent- ils , d’être mieux en état de foûtenir par cet- îe préparation , la faim , qui leur paroît iné- vitable , 5c pour effayer combien ils font ca- pables de la fupporter. Il eft bien vrai qu’ils n’ont peut-être pas aujourd’hui d’autre mo-* tif de ce jeûne rigoureux ; mais il paroît évident que c’étoit chez eux anciennement un aéfe de Religion, inftitué dans le mémo efprit que les facrifices. Enfin , quand on touche au terme , ceux qui reftent au Village prennent congé de ceux de leurs amis , qui doivent partir. Chacun veut avoir un gage de leur amitié mutuelle. Ils changent ensemble de robe , de couverture , ou de quelque autre meuble qu,e ce puiffe être. Tel Guerrier , avant que de fortir du Village , eft dépouillé plus de Vingt ou trente fois , à proportion du degré d’eftime où il eft parmi les fiens , ou du nombre d’amis qu’il a , n’y aïant perfonne , qui ne s’empreffe à lui donner des marques de confidération , 5c qui ne veiiille fe faire honneur de pofiféder quelque chofe qui lui ait appartenu. Amer iqjua i ïî s. _ J7Î * L’Auteur des nouveaux Mémoires de la Chine , qui font écrits avec tant d’élé- gance 8c de politeffe , nous donne un bel exemple d’une civilité femblabîe dans les Chinois envers les Magiftrats , qui ayant contenté dans une V üle , ou dans une Pro-» vince , font obligés de pafi’er dans une autre. Car , » dés que le Mandarin eft fur le point » de partir , tous les habitans vont fur les 99 grands chemins *, ils fe rangent d’efpace en >• èfpace , depuis la porte de la Ville par où ~ il doit paflfer jufqu’à deux 8c trois lieues « loin : on voit par tout des Tables d’un » beau vernis , entourés de fatin , 8c couver- ai tes de confitures, de liqueurs , 8c de Thé, *> Chacun l’arrête malgré lui au pafiage , on * l’oblige de s’adeoir , de manger 8c de » boire. Ce qu’il y a de plus plaifant > »a c’eft que tout le monde veut avoir quel- 99 que chofe qui lui appartienne. Les uns lui 99 prennent fes bottes , les autres fon bonnet , *> quelques-uns fon fur- tout , mais on lui en 95 donne en même-temps un autre , & avant 95 qu’il foithors de cette foule , il arrive qu’il sa chaude quelquefois trente paires de bot- »tes différentes. Ces exemples de civilité réciproque n’é- toient pas feulement entre concitoyens dans 1* Antiquité, mais même entre ennemis. Gla- cus t & Diomede , fur le point de combattre l’un contre l’autre , ayant reconnu les liai- fons que leurs Pères avoient contraélées par les droits de l’hofpitalité , renouvellent leur ancienne alliance , 8c voulant fe donner des marques de leur eftime , ils changent d’ar- mes mutuellement fur le champ de Bataille , * P.le Comte N. M. dtU Cbint , ton, ». p. f 3. 54.] t Borner, lliai,*. verdie, H 4 r*7<5* Moeïïus des Sauvages avant que d’aller ailleurs fignaler leur cou- rage fur des ennemis , qui ne leur touchaf- fent pas de fi prés. Le jour du départ , tous les Guerriers crans leurs plus beaux atours , êc armés de toutes pièces , s’aflembient dans la Cabane du chef du parti , lequel eft toüjours noirci & armé à fon ordinaire. Pendant ce temps- là les fèmme s chargées de leurs provifions prennent les devans , 8c vont les attendre à uhe certaine diftance hors du Village. Lors qu’ils font aflemblés , le Chef les harangue 'courtement , 8c fort le premier chantant feul fa chanfon de mort au nom de 'tous les autres qui le fuivent à la file un à un fans di- re mot. Hors de la paliflade , ils font une décharge de leurs fufils , s’ils en ont , ou dé- chochent une flèche , en l’air , & le Chef continue â chanter en marchant jufqu’â ce qu’il foit hors de la vûë du Village. Il fait tous les jours la même chofe 5 &c ne manque jamais en décampant tous les matins à chan- ter fa chanfon de mort , jufqu a ce qu’il foit entièrement hors de danger, 8c même de re- tour dans fon Village , bù il eft obligé de faire un nouveau féftin , pour remercier l’ef- prit qui l’a favorifé dans fon enterprife , 8C l’a ramené en le délivrant de tous les périls. Départ des Guerriers . Les Guerriers étant arrivés où les femmes les attendent, fe dépouillent de toutes leurs parures, 8c s’équipent en voyageurs , remet- tant à leurs époufes , ou à leurs parentes , tout ce qui ne leur eft pas absolument ne- ceflairc , 8c ne fe chargeant que le moins- qu’ils peuvent. Les Iroquois , & les H urons, nomment la A M E R I A I N ?. 177 Guerre n’Ondouiagette ôC Gas^enrhagette. Le Verbe final Gagetton , qui fe trouve dans la compofition de ces deux mots, & qui fignifie Porter , marque bien qu’on y porroit quel- que chofe autrefois , qui en étoit tellement le fymbole , qu’il en avoir pris fa dénomina- tion. Le terme undouta. , fignifie , le duvet qu’on tire de l’épy desRofeaux de Marais, &C fignifie auffi la plante toute entière , dons ils fe fervent pour faire les nattes fur quoi ils couchent -, de forte qu’il y a apparence qu’ils avoient affeété ce terme pour la Guer- re , parce que chaque Guerrier portoit avec foy fa natte dans ces fortes d’expéditions. En effet, la natte eft encore aujourd’hui le fymbole qu’ils répréfentent dans leurs pein- tures Hiéroglyphiques pour défigner le nombre de leurs campagnes. Pour ce qui eft du terme Gm^enrha , il eft fr ; ancien que ' les Sauvages eux- mêmes n’en fçavent plus la fignification. Mais comme il feroit inutile de courrir après des étymologies , fur les- quelles les naturels du pays fonr embarrafTés eux- mêmes, il me fufit de di re que tout ce q ue les Sauvages portent dans leurs coutfes mi- I Jitaires , fe réduit à leurs armes , à quelques uftenciles néceffaires dans les campemens# & à quelques provisions de farine prépa- ! rées de la manière , dont je l’ai expli- qué. Armes des SauvageSc : Leurs armes offenfîves , 8c défenfives ? ctoienr , & font encore en partie les mêmes# dont on s’eft fervi prefque par-tout depuis les prémiers tems , jufqu’à ce qu’on ait inven- té les armes à feu 5 qu’on leur a commuai- H s *7 § Moeurs des Sauvages quées par une mauvaife politique ; fçavbir l’arc ôc la flèche , dont on attribue la pre- mière invention aux Cretois -, le javelot , le cafletête ou la maffe d’armes , le bouclier , la cuirafle , ÔC le cafque. Leurs arcs font faits de bois de Cèdre rou- ge, ou d’une autre forte de bois fort dur , SC durci au feu. Ils font droits ôc à peu prés de leur hauteur. Leurs flèches font faites de ro- feau ,ôc font empennées de plumes de quel- que gros oyfeau , ôc au lieu de fer , ils y ap- pliquent avec une colle de poiflon très- forte, des os , ou des pierres tranchantes , & tail- léesà plufieurs crans pour rendre la playe plus dangereufe. La plüpart des Nations Caraïbes les empoifonnent y de forte que la moindre blefliire en eft mortelle. Je n’ai pas oiii-dire qu’aucune Nation de l’Amérique Septentrio- nale ait l’ufage , ou le fecret de les empoifon- ner. Ils rempliflent de ces flèches leur car- quois , qui efl fait d’écorce , Ôc couvert d’une peau paflee , & ornée. Quelques Peuples au lieu de carquois paflent leurs flèches dans leurs cheveux , de la même manière dont en ofoient autrefois les Ethiopiens. Le cafle-tête , ou maife d’armes-rtient lieu 4’épée , ÔC de mafluë, il efl de racine d’ar- bre , ou d’un autre bois fort dur , de la lon- gueur de deux pieds, ou de deux pieds ôc de- mi , équarri fur les côtés , ôc élargi ou arrondi à fon extrémité de la groifeur dii poing. On en voit de differentes forces dans les figures que j’ai fait graver. Leurs boucliers étoient d’ozier ou d’écor- ce, couverts d’une ou de plufieurs peaux paf- , fées , il y en a qui ne font que d’uhe peau fore ëpaifle. Ils en avoient de toutes grandeurs ôi 4e toutes fortes de figures. A M E R I QJJ A 1 s. 179 Leurs cuirafles étoienc auflî un ciflu de bois , u de pettites baguettes de jong coupées par v/u longueur proportionnées , îcucca iui.iciiiv.iiw l’une contre l’autre , dilues & enlacées fort proprement avec de petites cordes faites d< peau de Biche ou de Chevreuil. Ils avoienc des cuiflards & des braillardes de la même .matière. Ces cuiraffes étoienc à l’épreuve , 4es flèches armées d’os ou de pierre mais el- les ne i’euflenc pas été de celles qui font gar- nies de fer. Je ne fçache pas qu’elles fuflent en aifage en Amérique ailleurs que dans la Sep- tentrionale. Depuis que les Européens ont commerce avec les Sauvages, des fuflls, de la poudre, 6>C des balles , ceux qui font à portée d’en avoir , ont prefque abandonné leurs autres armes , fur-tout les défenflves , qui n’étant pas capa- bles de les garantir d’une balle de moufquet » ne font plus propres qu’à les embarrafler au . lieu delesfervir. Les Peuples les plus reculés, éc qui font aiïèz heureux pour ne pas nous • connoïcre , en ufent peut-être encore. Ils ne fe fervent pas volontiers de nos épées de la maniéré dont nous nous en fervons;mais ils les emmanchent au bout des bâtons qu’ils lancent avec roideur comme des Javelots , ou qu’ils manient enguife de pique ou d’efpon- ton. t Les Peuples du Chili ont des frondes , 8t font fort adroits à la Chaife à lancer des cordes dont ils embarraflent les animaux , je ne fçai s’ils s*en fervoient dans les batailles y comme autrefois les Gladiateurs , qu’on apeî- fprwnîfrvt dans les combats i i 18 $ Mofurs des S au Vagis § The ver parle au/fi d’une aurre force d’ar- me 3 dont ufent les Patagons , ou les Géans voiftns des Terres Auftrales,& fituez dans une Jüe à l’extrémité de l’Amérique. Ce font, dit- il 5 » de certains boulets gros Sc pefans , qui »• font pris d’une mine fort claire : Sc font des »3 boulets tous ronds > lefquels ils accoütrent ** tout ainfî qu’onfait par deçà des plombées, »» avec une corde faite de nerfs de bête. Cette « forte d’armes eft celle qu’ils ne laiifent ja- sa mais , foie qu’ils aillent à la Chaife ou à la sa Guerre,d’autaat qu’ils en font fi bons maî- 3» très v que de la longueur de leur corde , iis *> ne faudroient atteindre ce à quoi ils vifent, » Encore les jettent- ils fans qu’ils foient at- tachés , Sc lors à trente-cinq ou quarante « pas , ils ne fe ibucient guéres de frapper là =» où ils auront pris leur vîrfée , Sc la bête fera “ bien de grande vie , Sc aura les os bien durs, 99 fi cette grofife boule ne tes Jui amollit ÔC f» ca/Te tout à net : Sc l’aïant tuée la portent *> fur leurs épaules en leurs Cabanes, Il vau-* a» droit autant être atteint d’une balle ** plomb d’harquebuze. On doit mettre au nombre des armes Yè- tendart que les Guerriers portent pour fe re- connaître. C’eit une écorce en rond , où font peintes les armoiries de la Natidn , ou quel- que aurre ligne diftinétif, attaché au bout’ d’une longue perche comme les autres éten- darts , dont on ufe dans nos Armées* Leurs Voyages. ^ J’ai eu un plaifir fîngülier à lire le Poème d’Apollonius de Rhodes fur l’expédition des Argonautes , à es ufe de la reiremblance par» / Tbivet Copnog ■ Vni. Lh, zi. ch % s, F, 505. e f z. A M ER I QJ7 A IN S. ï$f faite que je trouve dans toute la fuite de l'Ouvrage , entre ces Héros fameux de l’An- tiquité , Si les Barbares du tems préfent , dans leurs voyages Si dans leurs entreprifes militaires. Hercule Si Jafon , Caftor Si Pd- lux , Zechés Si Calais , Orphée Si Mopfus , Si tous ces autres demi- Dieux qui fe font rendus immortels , Si à qui on a donné de l’encens avec trop de facilité , font iî biert reprefentez par une troupe de gueux Sc de miférables Sauvages , qu'il me femble voit de mes yeux ces célébrés* Conquérans de la Toifon d’Or , mais cette refïemblance me fait bien rabattre de l’idée que j’avois conçüe de leur gloire , Si j’ai honte pour les plus grands Rois, Si les plus grands Princes du monde , qu’ils fe foient crus honorez de leur avoir été comparez. La fameufe Navire Atgo , qui a pour an- cre une pierre * attachée à une corde faite de racine de laurier j,iqui le poids d’Hercu- le feul fert de lefl : que les Argonautes por- tent fur leurs épaules dans les fables de Ly- bte , pendant douze jours Si douze nuits, n’a rien qui la diftingue d’une pyrogue , ou tout au plus d’une Chaloupe. Cet Hercule lui-même , quiehoifit avec les autres fa pla- ce dans les bancs. Si prend une Rame à la main , qui s’enfonce dans les bois pour faire un aviron d’un petit fapin après avoir rompu le fîen vqui toutes les fois qu’on prend terre pour cabaner , couche fur le rivage à la belle étoile, fur un lit de feuilles ou de branches, elt un Sauvage dans toutes lés formes, Si n’a rien au-defTus. Je pourrois pouflêr la coni- paraifon plus loin; mais elle fera affez fen- * Apoll. Rb. Lib. i. d. 9çç. <ÿ i,v, if$. Idem J lib, t} v. S3 3. Idem Lib. 4. v, 138$. tîi Moeurs des Sauvages âbîe par l’application du détail que je vas faire,, à quiconque voudra le confronter a- vec le Poeme. La plupart des voyages des Sauvages fe font par eau , à caufe de la commodité des LacsSc des Rivières , qui coupent tellement l’une ôc l’autre Amérique, qu’il n’elt pref- que point d’endroit où les eaux ne fe diltri- buënt. Les fleuves de l’Europe font des ruif- - féaux en comparaifon de ceux de ce nouveau Monde. Dans l’Amérique Méridionale , le fleuve des Amazones , l’Onéroque , la Ri- vière de la Plata , font de véritables mers par leur prodigieufe largeur ôc l’étenduë de leur cours. Dans la Septentrionale , il y a des Lacs d’eau douce , qui ont flux ôc reflux , ôc dont quelques-uns ont plus de cinq cens ticuës de tour. Prefque tous ces Lacs com- muniquent enfemble , ÔC quand on elt arrivé à la hauteur des terres , en remontant le grand fleuve S. Laurent , on trouve de belles Rivières qui coulent dans le Miffitfipi, le- quel courant prefque toujours Nord Ôc Sud > fcmble partager l’Amérique Septentrionale en deux parties égales , pour recevoir dans fon fein quantité de belles Rivières qui s’y rendent dé fes deux bords , ÔC dont il va porter le tribut à la Mer , en fe dégorgeant dans le Golphe du Mexique. La ficuation des Iroquois eft encore plus avanrageufe que cehe des autres Peuples de la Partie Orientale j car ayant d’un côté le fleuve St Laurent dans leur voifînage au fa- meux fauk de Niagara , ÔC de l’autre l’Ohïo , •ou la belle Rivière qui tombe dans le Miflif- dîppi , ils font à la portée d’aller par- tout au Levant , Ôc au Couchant 9 en fuivant le cours de ces deux Rivières. A M E R ï Q JJ AINS» 2, S $ La manière dont la terre eft coupée pour la diftribution des eaux >4ui doivent la fertili- fer, a rendu la Navigation néceiïaire prefque aufli-tôt qu’il yajetf des hommes. Mais cet art , qui a été porté dans les derniers temps à une Ci haute perfection , a été borné pen- dant plufieurs fiécles à de bien petits com- jmencemens quoique l'Arche dont Dieu même avoir donné les proportions , & qui devoit avoir une capacité bien ample , eu é- f ^ard à ce qu'elle devoit contenir, eût pû dés es temps du Déluge donner des idées pour la conftruétion des Vaifteaux, d’une figure di- férenteà la vérité,mais d’un très- grand port i il faut avouer néanmoins > que long- temps même après le Déluge , non- feulement rient n’approchoit de l’Arche , mais qu’il fembloie même qu’on en eût perdu toute connoiflance» Il eft vrai que le monde n’étant plus menacé d’un malheur aufti grand que celui qui le fit périr prefque entièrement, &c que l’ambition n’excitant pas la cupidité, comme elle l’a fait ^ans la fuite, les hommes furent rebutez d’entreprendre des Ouvrages femblables à celui qui avoit été le fruit d’un travail de plu- sieurs années ÿfoit qu’ils ne les jugeaient pas d’ailleurs néceflaires à leur befoin préfent , foit qu’ils n’euflent pas encore une connoif- fance diftinéie de la vafte étendue des Mers 3 l& l’envie de s’y commettre ,ou bien qu’ils jâimaflent mieux s’y expoftr avec témérité , Mue de prendre trop de peine & de fatigue» pour pourvoir à leur plus grande fûreté.* Quoique l’on fafte Thonneur aux Phœni- cïens , ou aux Egyptiens , d’avoir été les pre- miers Auteurs de la Navigation, je crois que l’on peut dire que les commencemens ont été à peu prés les mêmes par- tout où il y a eu ïS4 Moeurs des Sauvages des hommes , 8c que ces commencemens n’é- toient pas bien confîdérables.ï-1 eft même ttés- vrai femblable, qu’avant que les Phœniciens eu dent enchéri fur les au très en cette matière, les habitans des Iûes de la Mer Egée ÿ &c des 1 côtes maritimes du Péloponnefe , avaient 1 commencé à y perfeéhonnerplufieurs choies» 1 L’Iile de Crète étoit célébré avant le grand commerce de Tyr & de Sydon. Jupiter avoir enlevé Europe fille d’Agenor , &c fes enfans avoient eu long- temps l’Empire de la Médi- terranée*. Minos avoit fait même des con-i quêtes &c des établifiemens dans la Phœnicie» t Dédale & îcare du tems de Minos avoient inventé les Voiles ôc les Mars. Jafon , félon quelques-uns, fut le premier qui trouva la fabrique des Bâtimens longs , au lieu qu’ils, croient auparavant d’une figure ronde 3 com- me certains petits bâteaux dont on fe fiert encore fur l’Euphrate «St fur le Tigre. Héro- dote ^ décrit ces bâteaux ronds dont il par» 1 le , avec lesquels on defcendoit l’Euphrate. 1 Mais fans remonter à des temps fi obfcurs,, 1 il elt certain que pendant long-temps on ne s’eii fervi dans les trois parties- du monde, ; connu ,, que de ceux dont on fe fert encore • aujourd'hui en Amérique c’elt-à-dire de : Pyrogues & de Canots. ^ Selon Thucydide Lîv. r. f. 4 . M : nos cffc le plus anciefr que l’on con ioiff; , qui ait mis une Flotte en Mer Eufé- fce dans fa Chronique fur l'autorité de C.iftor de Rhodes, ïïomme les Peuples qui ont eu furceffi/enacht l’Empire de la? Mer. Les Lydieas , les Pélafgiens , les Thranens , les B ho*- djens : , les Cy.priots , les Phœniciens , les Egyptiensj les Mi* léfîens , tes Cariens , les Lesbiens SC les Phocéens. H pouvoir commencer par les Cretois. f Vide LU. Greg Gymld. dé Naviÿif-} &C. _ ' fU Uerodot, Lib, 1 ,», i?4 it Amer i qjj a î n s, Les Pyrogucs. Les Pyrogues étoient , 8c font encore au- jourd'hui des arbres creufez, par lefquels Vir- gile * a crû que la Navigation avoir com- mencé , ainii qu’il l’exprime par ce vers. Tune Alnos primum fluvii fenfere cavatas. On y employait toutes fortes de bois légers. Les Egyptiens s les Arabes & les Indiens en faifoienrde jonc 3 c’ert-à-dire-, de ces Ro- feaux , dont parlent Diodore de Sicile §, S o- lin L Sc Pline ^ , & qui deviennent d’une hauteur & d’une grofleur iî prodigieufe. * Canots» Les Canots étoient de deux fortes , les uns i fâits de branchages d’ofïer , ôc couverts de peaux. § Tels étoient ceux des Lufitaniens- , ÔC jdes Peuples de la Grande Bretagne fur l’O- céan j desHenétes ou Vénitiens dans le Gol- phe Adriatique a> des Aflynens fur le Tigre & fur l’Euphrate ; des Ethiopiens fur le Nil , ! &c . Les autres étoient faits de papier ou d’é- corce , comme ceux des Egyptiens, & de plu- lüeurs Peuples de leur voifïnage. Lucain.a dé- crit magnifiquement ces fortes de petits ba- teaux dans les vers fui vans. Primum cana fatix , tnadefatio vimine parvam Texitur in pupim , c&foque induta juvenco , Vêtions patiens tumidum fupennatat amnem » Virgil Georg. i.v.t} 6. ff Diodor. Sic. Lib. t. p. 74. f Solims , cap, 6f, ff glf/fy Ub, 7% tnp, », » Stiaba&b, j. (. 197, 4 \ Î6 Moeurs des Sa Sic venetus gagnante pada 3 fu Navigat Oceano. Sic cum tenet Canots de Peaux. ifujoque Britanfltt tenet omniâ Ni/us ■rttur Bmia. Memphitis Cymba Pcpyro Auteurs donnent à ces Bâteaux les é thetes de Suïi/es &c de Plicaules , parce qi failpit les coudre à caufo de la matière de ils étoient > & qu’il y en avoit qui Ce piioic facilement 3 de manière qu’on pouvoir ai ment les porter. Les Ethiopiens , félon le moignage de Pline , en avoient de cette péce a qu’ils plioient comme le refte de^ bagage , 8c qu’ils portoient lorsqu’ils étoû ■arrivez aux cataractes du Nii. Les Esîcimaux Ôc quelques autres Peup du Nord , nous ont confervé le modèle 8c forme de ces Canots de peaux dans ceux d< ils font ufage , Iefquels fonr aufti de deux < péces. Les premiers ne font que pour u perfonne feule. Ils font de la longueur depu douze jufqü a quinze & feize pieds, tout pla & de la forme d’une navette de Tifleran Le defTus eft tout couvert de peaux comti Je deflous, 8c n’a qu’une ouverture au mille dans laquelle l’homme palîè à mi- corps po fe mettre fur fon féant. Il ferme cette ouve ture comme une bourfe , 8e. la ferre com fon corps comme une ceinture , 8c quand a aj lifté tout autour les bords d’une cafaqir qui ne lui laifte que le vifage à découvert 3 * Lucan. Lib. 4. t Plinius Lib. 5. cap. 9. Navis Plicatilis, qu* fadla es io complicata , circumfercut ad crajiciendos amnes.. ïio complii Hem Lib. 10. cap. 1 9. Ibi Æthiophicæ conveniunc Ves s namque eas plicatilci iuuncrjs transfexunt » quoties Si ura&a* ventumeft. A M f R T Q^TT AINS Canot & le Canoteur ne paroifTent faire qu’u- ne feule pièce , de pas une goûte d’eau n ’y fçauroit entrer. Us gouvernent avec un avi- ron double , qui elt "terminé en forme de pa- lette par les deux bouts. Ils nagent des deux cotez avec tant de dextérité de de prompti- tude , que le Canot femble glifler fur l’eau , &difputer avec le vent pour la legéreté. Un javelot attaché aux cotez du Canot par une longue corde, leur fert à darder le poiflon qu’ils mangent crû , de comme ils n’apré- hendent point que l’eau les domine -, qu’ils fe font même un plaifir de faire tourner leur canot , de de faire le moulinet deux ou trois fois de fuite , il femble qu’ils peuvent entre- prendre de longs voyages fans crainte , pour- vû qu’ils puiflent fe flatter que le poiflon ne leur manquera pas. Leurs autres Canots font de la forme ordt- rtaire , le Gabarit en eft de bois , & de pièces bien emmortoifées de liées enfemble , qu’on couvre enfuite d’un bout à l’autre de peaux de Chien de Mer , bien coufues comme les premières. Ils font de la longueur des grandes Pyrogues , de peuvent porter cinquante dC foixante perfonnes. Dans le temps calme on les conduit à la rame : mais lorfque le vent peut fervir, ils attachent au Mât des voiles de cuir. Les Indiens du Pérou ont une autre forte de Batteau de cuir fort fingulier apellé Bal%e » j* dont le Pere Feiiillée &M. Frézier nos ont donné laügure dans leurs Voyages de la MeE £ Vopagt is la Mtr du Sud. p. 1094 iSg M o i u r s d e s Sauvages au büd. f llconfiite en deux efpéces de Vaiî féaux taillés de la forme dun Canot , & fait de peaux de Loup Marin bien coufuës 3c bie fermées en tout fens , à l’épreuve de l’eau. Oi remplit de vent ces Vaifleaux par Je moïei d un tuyau à chacun dont on bouche forgneu lement i orifice après les avoir enflés comm un ballon. On les afïujettit enfuite, & on lé attache 1 un à l’autre , de manière cependan cjue le devant foie plus approché que le der riere , par le moïen d’un chafîis de bois couv pofé de barres de la largeur de deux pouces auquel ils font fortement amarrés avec de cordes de boyaux. Les barres du chafîis fon tellement difpofées que la plus longue va di poupe à proüe& fert de quille ÿlesautres s’é- cartent bas* bord à ftri- bord, c’eil-à-dire d’ui flanc a l’autre. On étend fur ce chaifis uni grande peau compofée de plu fleurs autre; coufuës enfemble dont on attache les extré- mités aux quatre coins du chafîis. Ceux qu doivent naviguer fur ces fortes de bâtimen; s afîeoient fur cette peau , Sc nagent avec un< pagaye ou aviron à double palette, comm< celui des petits Canots Lfkimaux , dont nou: venons de parler. Si le vent peut fervir , il: mettent une petite voile , & pour remplace) 1 air qui pouroit îè diiïiper , il y a toujours fui le devant deux boyaux attachés à l’orifice de; ballons par lefquels on peut les foufler . quand il elt befoin. La manière de coudre les ballons eft particulière j on perce les'deua peaux avec une alêne ou une arêce , & danî les trous on pafle ou des arêtes , ou des mor- ceaux de bois fur lefquels, de l’un à l’autre . on fait c roi fer par de/Tus & par-deflbus des boyaux mouillés , pour fermer exactement î faillies ,jF wrnul dss objsrvarim j &c, tm\ i. f, f9q t Am ERI QJlT AINS. ;s paiîages de L’air. Il fe fait des Balzes d’un rand port, & M. Frézier aflure qu’il y en fur Iefquelles on peut charger jufqu’à douze uintaux & demi. Thomas Candisfch a vou- 1 parler des Balzes, quand il dit d’une Na- ionfituée dans la Mer du Sud vers le 23. cîé- ;ré de Latitude Méridionale , qu’ils ont une fpéce de Canot de peau , lequel fe foûtienc ür l’eau par le moyen de deux veilles enflées, r Mais la figure qu’on en a donné dans le Re- :iieil des Voyages aux Indes Occidentalesdc [Théodore de Bry & de fes héritiers , eft fore iifférenre de celle qu’en ont donné les autres ^uien ont parlé & de ce qu’elle doit être , il i'y qu’à la voir pour juger qu’elle elt entière- ment imaginaire. Les Cekibériens Efpagnolsufoient de fem- alables Bateaux au temps de Jules Cefar , linfi qu’il le rapporte lui-même dans fes Commentaires, f La néceiïiré de fes affaires l’ayant obligé de pafler d’Italiefen Efpagne , où tout fe déclaroit en faveur de Pompée , fon Armée penfa entièrement périr entre la Ségre & la Cinca , qui s’étant débordées par la fonte des Neiges emportèrent les Ponts qu’il avoir jettes fur ces Rivières, & lui ôtè- rent parla tous les moïens de la faire fubfifter. L’Infanterie légère des Lufitaniens , & celle de la Celtibéne quiconnoiflbit parfaitement le païs , Sc éton accoutumée de traverfer les Fleuves fur des Peaux de "Bouc erfiéts qu’ils por- toient toûjours à la Guerre *, hacelloient con- tinuellement fes Troupes , Moeurs des Sauvages ennemis , qui s’en prometcoient déjà une défaite bien entière. Il fît conftruire par fes foldats des^ Canots , dont il avoir appris & la forme & l’ufage dans fon expédition des Mes Britanniques. Laj quille & le fonds de ces petits bâteaux , étoient d’un bois fort léger , & le relte d’ofier couvert de cuir. Son projet réiifTit , ainfi qu’il l’avoit imaginé , & il fe tira par- là d’un des plus grands dangers,où il fe foit peut-être jamais trouvé. > On traverfe encore aujourd’hui le Tigre & FEuphrate,* félon le témoignage du P. Avril, fur une machine compofée de plufîeurs peaux de Bouc enflées , qu’on joint des quatre côtés par autant de perches qu’on lie étroitement enfemble , &c qu’on couvre enfuite de plu- sieurs branches d’arbre qu’on a foin de mëttre en travers, f Le Pere Acofta dit , qu’en Amé- rique on fait de femblables radeaux pour la traverfée des Fleuves & des Rivières 5 mais au lieu de peaux de Bouc , on fe fert de cour- ges féches , vuidées 3 & bien bouchées , afin que l’eau n’y puifle pas entrer. Canots A*Ecorce, Les Canots d’Ecorce que font les Sauvages moins Septentrionaux , répondent à ceux que les Egyptiens faifoient de Papier. Le Pa- pier eft une plante qui croît fur les bords du Nil , &c qui pouffe quantité de tiges triangu- laires 3 hautes de fïx ou fept coudées tout au plus , f quoique Théophrafte & Pline § lui *P. Avril , Voyage d' Orient , Liv. i.p. 16. 'fAcofia.Hifi Nat. delnd.Lib. j.c.iS. Theoph.Hifi. Plant. Lib. 4 ,c. y. * Plinius , Lib. \$.cap. n. Papyrum ergo nafc'tu» in Pâ* feitribus Ægypd » aut quiefcenùbus Nili aquis , ubicva^ai Ameri AINS. ï£î donnent dix , & même au-defïus de dix : [e étoit prefque univerfelle pour l’ufage :’on en faifoit anciennement*, on s’en nour- [îbit j elle entroit dans la Médecine ; on en :oit des feiiilles pour écrire *, elle fourniffoic i bois pour fe chauffer ; des chandelles pour lairer j ^des toiles pour s’habiller j on en ifoit des bâteaux , des mâts , des cordes , :s voiles , des urtanciles déménagé , de nat- s , des couronnes pour les Dieux , * & des uliers pour les Prêtres. Elle n’étoit pas par- euliére à l’Egypte. Elle croiffoit auüi en ^rie , fur le bords de l’Euphrate, f dans l’Iflc î Crète , & même en Italie. Il y a cependant >parence que cette dernière étoit d’une ef- ice différente. J’ai bien de la peine à comprendre , corn- lent une Plante qui ne porte point de fruit 9 ni n’a qu’une tige affez mince , point de :iiilles , fi ce n’eft un bouquet qui vient à la me delà tige» pouvoit ferviràtant d’ufa- ss fi différons. Je ne puis fur- tout conce- oir , comment on en pouvoit faire des bat- : ftagnant , duo cubita non excedente altitudine gurgitur» achiali , radicis obüquæ craflîtudine , triangulis lateribus s îcera non ampliùs cubitorum longitudine in gradlitateru ftigatum , Thyrfi modo cacumen indudens femine nullo at ufu ejus a!io , quam floris ad Deos coronandoj. Radici- jsincolas proligno utuntur : nec ignis tantum gratiâ, fed 1 alia quoque utenfiïia vaforum Ex ipfo quidam Papyro avigiatcxunt ; & è bbro vêla , tegetefque necnon & vef- :m , et'am ftragulam ac funes. Mandunt quoque crudum , ïto&umque , fuccum tantum dévorante*. Nafcitur ôc in yriâcirca quefn odoratus rile calamus lacum- Ncque a!iia luseft, quanainde, fanibus Rex Antigonus in navalibu» :bus , nursdùm Sparto communicato. Nuper & in Eupbrate afcens circa Babylonem Papyrum intelledùm eA eundein fum habere Chartæ. SimiÜa his TheophraRes loco cit. * Athenéeau Liv. 15. fe moque de ces Couronne* de ier que Pline dit qu'on faifoit pour les Dieux. i De Itduâ ? Afÿn, Strubo , Lib. ? . & Maniait ; , Lib ; $ t ' 191 Moeurs des Sauvages teaux & des voiles. ^ Hérodote fembledire 5 qu’on n’cmployoit à cet ufage que le fomméi de la tige , § 5c ThéophrafleafTure qu’on les faifoitde la tige même. On ne pouvoir tirei de la tige des écorces aflez épaiffes pour faire le corps du bâtiment ; encore moins , ce fem- ble , du fommet , qui fe fépare en feuilles , ou en lames fines ,- comme le papier de la Chine » 6c qui par conféquent n’ont point aflez de corps pour faire des voiles , ou l’en- veloppe d’un bâtiment , lequel devoir êtr« aflez folide pour porter des hommes 6c de« charges aflez pelantes. Il falloir donc, à ce que j’imagine , qu’on en fit un tiffii natté de bien prés , comme font encore certains petits bâtimensjdont les Abyflins fe fervent de nos jours pour naviguer fur le Nil. Je crois aufli que les termes Papyros , Biblosi Chaîna , Liber , îefquels font fynonimes , é- toient des noms génériques , qui s’appli- quoient univerfeilement à tous les arbres : de l’écorce defquels on fe fervoirpour écrire. * Pline nous apprend qu*on écrivit d’abord fur les feüilles de Palme , & c’eft peut- être à quoif Virgile fait allufion en parlant de la Sibylle , laquelle écrivoit fes Oracles fur des feuilles. Plineajoüte qu’on fe fervit enfuite de l’écorce de certains arbres. ** Saint Iiîdore de Séville , fuivant l’opinion des Critiques les plus exaéis , donne cette définition du Pa- pier , ou du Livre , ( car c’elfc la même cho- fe. ) » Le Livre efl la Tunique intérieure de » l’écorce, qui efl la plus voifinê du corps ligneux > fÇHerod. Lib. i.n. / Tbeoph. loc. cit. * Vit mu s , Lih. 13. cap. ri. f Virg. ûfntid. 3. & 6. lJidor,Lib. 6,cap.iu A M 1 M A.X7 À I N J. }9 3 » ligneux, fur laquelle les Anciens écrivoient. Aber eft mterior Tunicacerlicis , quœ ligno cohœret , n quâ Antiqui fcnbebant. Ces noms génériques, donc je viens de par- er , peuvent parfaitement bien convenir au bouleau. De ion écorce la plus mince on peur faire des faillies à écrire , & je m’en fuis fer-' tï moi-même quelquefois» On fefertdela slus épaifle pour faire des canots , 'des voi- es, Sc dès tentes ; & comme elle eft afles rommeufe , on en fait aufti des Torches pour pêcher au flambeau , «ou pour fe conduire :hez foi dans des nuits fort obfcures. Si 1 e- rymologie du mot Papyros vient du mot grec tv p , le feu , ce nom lui eonviendtoit encore plus facilement» Pyrogues des Caraïbes* Les Caraïbes 8c les autres Sauvages Méri- dionaux , qui habitent fur les bords de la Mer, fe fervent de longues Pyrogues , qui peuvent porter jufqu’à foixante perfonnes , & ils les îehauflent par des planches qu’ils attachent fur les bords au corps de l’arbre, qui fait le fonds de la Pyrogue. Elles font aifez bonnes août ranger les Côtes de l’Occan , &c réflftent plus facilement à la vague que de Amples écorces ; mais dans les Rivières de Canada , 3 U de l’Amérique Méridionale , elles ne va- ent rien pour les voyages de longs cours , à :aufe de la multitude des faults ôc des cata- raétes-, où leur péfanteur , &: la difficulté de es manier, les rendroient abfolument .inuti- les. On en a cependant toüjours quantité aux ravirons des Villages , où elles fopt d’un >»rand fer vice pour" faire les traverfées d’un jordde Rivière à. l’autre ,ou pour y chat-, Tm§ m> _ l t$4 Moeurs des Sauvages roycr le bois de chauffage , 3c les autres pro- vifions des champs 3 lorfqu’on peut les y con- duire par eau. Les Canots d’Ecorce au contraire font très- commodes pour les grands voyages , 3c les feuls dont on puiffe fe fervir , parce que leur legéreté fait qu’on peut les gouverner avec plus de facilité dans les rapides , 3c qu’il eft plus aifé de les voiturer dans les lieux de portage. Canots d'Eccvce de Bouleau, Les Canots d’Ecorce de Bouleau font le Chef-d’œuvre de l’art des Sauvages. Rien n’cll plus joli 3c plus admirable que ces ma- chines fragiles , avec quoi cependant on por- te des poids immenfes , 3c l’on va par-tout .avec beaucoup de rapidité. Il y en a de diffé- rentes grandeurs 3 de a. de 4 . jufqu’à 10 . pla- ces distinguées par des barres de tEaverfe., Chaque place doit contenir aifément deux rageurs j excepté les extrêmes qui n’en peu- vent contenir qu’un. Le fonds du Canot eft d’une ou de deux pièces d’écorce 3 aufquelles on en coût d’autres avec de la racine , qu’on gomme en dedans 3c dehors * de manière qu’ils paroiffent être d’une feule pièce. Com«* me l’écorce , qui en fait le fonds , n’a guéres au-delà del’ëpaiffeur d’un ou de deux ccus , on la fortifie en dedans par des cliffes de bois de Cèdre extrêmement minces , qui font po- fées de long 3 3c par des varangues ou des courbes du même bois 3 mais beaucoup plus épâiffes , rangées prés à prés dans le fens de la courbure du Canot d’un bout à l’autre, Outre cela , tout le long des bords , régnent deux Précuites ou Maîtres , dans lefqueis font Américains. mcMiTëes les pointes des varangues qu’lis rrêtent , &c où font liées les barres de traver- se , Iefquelles fervent à affermir tout le corps le l’Ouvrage. On n’y diftingue ni poupe , ù proiie. Les deux extrémités , ou pinces , ont entièrement femblables , parce qu’on l’y attache point de gouvernail , Sc que celifL [ui eft à l’un des bouts , gouverne avec l’avi- on , ou avec la perche quand il faut refou- er l’eau en piquant de fonds. Les avirons ont fort légers , quoique faits d’un bois d’E- ablequi eft affez dur. Ils n’ont guétes que inq pieds de long, dont ia pèle en empor- e un tk demi fur cihq ou fix pouces de lar- geur. Si ces petits bâtimens font commodes, ils ont .uflï leur incommodité $ car il faut u fer d’une grande précaution en y entrant , & s’y tenic ffez contraint pour ne pas tourner , & pour oütenir l’erre du Canot , lorfqu’il eft en train L’aller. Ils font d’ailleurs très- fragiles. Pour >eu qu’ils touchent fur le fable "ou fur les uerres, il s’y fait des crevaffes par où l’eau en- te, &: gâte les marchandées, ou les provifions [u’on porte ; de forte qu’il ne paffe guère* de dur , 011, il ne fe trouve quelque endroit qu’il aille gommer. On y peut nager aiîis ou de- îoüt dans les eaux douces & tranquilles j nais il eft mieux de nager à genoux dans les apides. C’eft encore une autre incommodité le n’y pouvoir porter beaucoup de voile , &C le ne pouvoir fe fervir de la voile que dans es vents modérés , fans -s’expofer aux rifques le périr. La traverfée des lacs eft pour cette aifon très-difficile } les plus fages ne l’entre- irennent guéres fans avoir bien confulté le emps y ils rangent avec cela les terres autant [u’ils peuvent, ou coupent de Cap en Cap * Moeurs des Sauvages & tachent de gagner d’Ifle en Ifle. Toutes les fois qu’on entre , ou qu’on fort du Canot , U faut être pieds-nuds', & lorfqu’on met piedà terre , il faut décharger le Canot , le tirée hors de l'eau , & le mettre à l’abry fur le fa- ble , ou fur lavafe , de peur que le vent ne le brife. Quand il s’y fait des crevaffes , il faut les gommer , ainh que je l’ai déjà dit , & il faut avoir foin pour cela de la viliter prefquç à chaque fois. On gomme les Canots d’écor- ce de Bouleau avec de la gomme d’épinette , ou de quelqu’autre arbre ré/ineux , dont l’A- mérique ne manque point dans fa vafle éten- due. Mais pour ce qui eft des Canots d’écor- ce, on les étoupe avec de l’écorce de Péni- che brifée , &C conca’ffée en fia mens , qui en bouchent parfaitement* bien les ouvertu- res. Les Nations de la Langue Algonquxne ne fe fervent que de Canots d’écorce de Bou- leau, & les travaillent. Mais il y a quelque différence des uns aux autres. Ceux des Abe- naquis, par exemple, font moins relevés de bord j moins grands , & plus plats par les deux bouts ; déporte qu’ils font prefque de niveau dans tpute leur étendue j parce que ceux-ci voyageant dans de petites Rivières , pourroient être incommodés de brifés par les branches qui débordent , de s’étendent fur Beau des deux côtés du rivage -, au lieu que les Outaouacs, & les Nations d’en haut, ayant à naviguer dans le fleuve Saint-Laurent , ou il Y a beaucoup de cafcades &: de chiites , ou bien daDS les Lacs où la lame eft toujours fort greffe, doivent avoir des Canots , dont Jes mnees foient hautes de élevées , af n de bnier fa vague , & d’être moins expofées à emplir. Uj ï dans l’Amérique Méridionale du cote A M S S. 3 QJT À I N f. . , *9? éè la Mer du Sud , des Sauvages qui s expo- fent fur l’Océan avec des Canots d ecorce a Ceux-là ont les pinces encore beaucoup plus relevées pour la même raifon. Canots d’Ecorce d Orme, Les îroquois ne travaillent point les Canots d’Ecorce de Bouleau 3 mais ils en achètent des autres Nations 3 ou en font à leur place d E- corce d’Orme. Ceux-ci ne fervent gueres qu’une campagne , 8c parce qu ils font moins fol ides que les autres 3 8c parce qu il efl: plus facile d’en réparer la perte. Ils font d une leu- le pièce s 8c travaillés avec toute la *?aUpro~ prêté , 8c toute la grofliéreté pomble. ils coupent cette écorce aux quatre coins > ou il eft néceffaire de la replier pour faire les pin- ces , 8c après l’avoir coufue dans ces coins, 8c aux deux bouts qYils affermiffent avec des bâtons fendus , pour la gêner 3 8c 1 empêcher de s’ouvrir 3 ils font les varangues , les barres 8c les précintes , de iimples branches d arbre. Ces branches ne font qu’écôtées 3 8c fi mal rangées 3 que la vue feule en fait mal au coeur, 8c doit naturellement infpirer de la défiance à ceux, qui ont à expofer leur vie dans ces ma- chines fur des Rivières auffi dangereufes que le font celles de Canada. Cependant ils s y a- bandonnent avec une confiance merveilleufe à la rapidité des eaux , dans les faults 8c dans les cafeades , lorfqu’ils defeendent les Rivié- res 3 ou qu’ils les refoulent avec des fatigues in- croyables, en piquant de fonds avec la perche» Des S nuits & Cafeades , ‘ Ces Saults 8c ces Cafeades font formés pas I * ï^S Moeurs b es Sauvages la hauteur des terres , qui à proportion qu’on remonte vers la fource des Fleuves 8c des Ri- vières , vont toujours en s’élevant. En cer- tains endroits elles s’élèvent d’une manière Surprenante , comme aux Cataraéles du Nil , ou bien à la faftieufe chûte de Niagara > qui eft d’une prodigieufe hauteur,, 8c où le fleuve Saint-Laurent , lequel a une demi-lieue de large en ce lieu-là 3 tombe à pic comme dans un goulphre avec un bruit effroyable ; en d’autres elles s elevent d’une manière moins ienlible comme pàr degrez, de cinq à fix pieds feulement , de diftânce en diftance. Le même fleuve Saint-Laurent peut auffi en être un exemple.^ Car il court ainfï pendant plus de 40 . lieues de faults en faults peu éloignés les Uns des autres > 8c dont quelques-uns ont prés d’une lieue de long , où il roule par différen- tes chûtes avec tant de précipitation , qu’une flèche décochée d’une main roi de 8c habile ne part pas avec plus de vîteffe , qu en a l’eau dans Pimpétuofîté de ces torrens : 8c comme dans ces endroits il a peu de profondeur , {es vagues fe brifant contre les Rochers répandus dans fpn lit , caufent un mugiffement per- pétuel, 8c paroiffent toutes changées en écu- me. Portages. On fait portage à ces Cataradtes que leur extrême hauteur rend impratiquables. Il faut même s’y prendre de loin , 8c fortir du Canal de la Riviere beaucoup au-deffus de la chûte , pour ne pas courir à une perte inévitable. Mais on s’abandonne au fil de l’eau dans les faults qui ont moins d’élévation *, toute IV dteffe coniïfte à Ravoir le prendre , à bien Amirïqvains. W hoifir certains partages étroits entre les chai- rs de Rochers , 5£ à éviter les pierres deta- :hées dont le fleuve efi; feme > 8c dont il fuffit l’en heurter une , pour que le Canot porte ivec une extrême roideur , foit bnfe en j?ie- :e s , de faite un naufrage auquel U n y a alu s de remède. „ , , - 1 Ceux qui ne font pas accoutumes a ces for- es de navigations, frémifTent à l’idee feule m’on puiiiè fe commettre dans des partages 1 dangereux à la merci d’une fimple écorce. Cependant les Sauvages de les François Ca- aadiens , font fi habiles à paieries Roches, nue j’ai vu beaucoup de perfonnes , qui ai- moient mieux faulter le Saule- Saint-Louis , lequel efi: au- défions de nôtre Million , que de faire le voyage de Montréal à pied. Ce fault néanmoins , quoiqu’il n’ait que demi- lieue de long ^elt un des plus périlleux : de il e(t affez fou vent arrivé à d’excellens Canq- teurs d’y venir faire naufrage , après avoir fauké tous les autres. Bretelles . I Deux hommes portent fur leurs épaules les Canots dans les lieux de portage avec beau- coup de facilité jufqu’au-deffus ou au-deflous ides Catara&es. Le relie de l’équipage , foie dans les portages , foit dans les au- tres voyages de Terre , fe range fur des Bretelles , qui font une manière de chafïïs de bois fort commode pour enlever une groffe charge , de pour la porter aifément ; ou bien on fait des pacquets qu’on laiffe pendre fur les épaules , attachés à des colliers , ou longes faites de leur fil de bois blanc , treffé en bande , que les femmes appliquent fur leur I 4 ICO M oïwrs des Sav.vaoes front , & que les Jiommes font paflèr fur la poitrine & à la nai/fance des épaules , tout au contraire de ce que rapporte f Hérodote de 1 uiage des anciens Egyptiens. Traînes* Pendant l’Hyver , & fur les neiges , ilsYe Jervent de petites traînes > qui font faites d’u~ 21e ou de deux petites planches extrêmement minces qui toutes deux enfemble n’excédent pas de beaucoup la largeur d’un pied , & la longueur de Ex ou fcpt. Ces planches font re- courbées en dedans &c repliées fur le devant de la hauteur d’un demi pied , pour brifer ôc pour écarter les neiges , qud les empêcher- aient , en refoulant , de couler avec facilité. Deux bâtons un peu élevés régnent fur les deux côtés de la traîne dans toute fa longueur êc y font attachés de dittance en diliance. Ils fervent à pafler , & à repayer les courroyes, qui alfujetiiTent leur équipage fur la traîne. Un Sauvage avec fon collier pa/Té fur la poi- trine , ôc enveloppé dans fa couverture , tire après foi là traîne bien chargée iâns beaucoup de difficulté» ■ , f: , x : m jaquettes. Dans les neiges où il n’y a point de chemm frayé , ils font obligés de fe fervir de Raquet- tes, fans quoi toutes fortes de voyages, où S our guerre ou pour chaiTe , &c. leur /croient jfolument impoffibles. La forme de ces Ra- | quettes aprochede l’Ellyptique , c’eft- à-dire , j que l’Ellypfe n’eft point parfaite, étant plus j arrondies fur le devant que par l’autre extré* t lit» h*** Am ER IQJ7ÀÏNS. 201 mité , laquelle Ce cermine un peu en pointe. Les plus grandes font de deux pieds & demi de long, fur un pied 8>C demi de large. Le tour qui eft d’un bois durci au feu , eft percé dans fa circonférence comme les Raquettes de nos jeux de paulme, à qui elles reflemblent, avec cette différence , que les mailles en font beau- coup plus ferrées , &C que les cordes n’en fonc point de boyaux , mais de peaux de Cerf crues, & coupées fort minces. Pour tenir le corps de la Raquette plus Itable , on y met deux barres de traverfe quilapartagcntentrois compartimens,dont celui du milieu eft le plus large & le plus long.Dans celui-ci vers le côté, donc l’extrémité elt arrondie , on pratique un vuide fait en arcydont la barre de traverfe fait comme la corde. C’eft-là que doit porter la pointe du pied fans toucher à la barre de traverfe , qui le bleffèroir. Aux deux bouts de l’are font deux petits trous pour paffer les courroyes* qui doivent attacher le pied fur la Raquette. On pafïè ces courroyes l’une dans l’autre, comme qui commenceroit à faire un nœud fu r l’orteil,& après les avoir croifées,om lesrepafïe dans la Raquette à la circonférence de Tare ° T on les conduis enfuice par derrière au-deifus du talon , d’où on les ramène fur le coup du pied , où on les noue en faifant une rofe de ruban. Cela fe fait de telle manière 9 que quoique le pied foit bien afTujerti , il n’eft pourtant gêné que fur l’orteil , Ôcqu’ori peut quitter la Raquette fans y porter- la main. C’eft encore- là un ufage fingulier des pré- mie r s temps , lequel a paffé de l’Afie dans l’Amérique avec les Nanons qui s’y fonc tranfplantées-. Strabon parlant des. Peuples qui habitent cette longue chaîne de monïa- J S .*» Strabo , Lib. n. p % Smdas , wy tf, G ES pied du Mone- iaurus fuiqu'a l'extrémité des Monts Ri- phées , & dont le Caucafe eft une des plus cé- lébrés chez les Auteurs anciens, en raconte ceci de particulier. » * On ne peut, dir-il * 3 » monter fur la croupe de ces montagnes » pendant PHy ver -, mais les habi tans y vont « pendant l’Efté , 6c attachent à leurs pieds 3S des fouliers pointus faits de peaux de bœuf crues , & larges comme des Tambours, à, 35 caufe des neiges & des glaces. Ils fe laiffent couler enfuite du haut de ces montagnes tout leur bagage , adis fur une peau, même chofe fe pratique dans rAtropa- tie , dans la Médie , 6c fur le Mont Mafius qui eft en Arménie. Là ils attachent auffi à leurs pieds des rotules de bois , terminées 9 = en pointe, ou garnies de poinres. Suidas , fur le rapport d’Arrien , dit pa-_ reniement que les foldats d’Alexandre le Grand , par le moyen de certains cercles gar- nis de jonc , pafFoient fans incommodité fur des neiges , qui en quelques endroits , avoient jufqu’à feize pieds de profondeur. Comme on fê fèrt encore de Raquettes dans la Colchide ou Mirgrelie , 6c dans ces pars dont parle Strabon , il eft évident que dans fa defeription , il n’a voulu exprimer autre chofe que des Raquettes par ces fou- liers de peaux de bœuf , larges comme des Tambours . Les pointes qu’on met fous les talons 6c les rotules de bois , qui font des patins, ou un équivalent que Strabon a voulu décrire» ibnt néceffaires dans les pais de glaces & de lîéges , où Ton efl obligé de mettre des pain- AMERia^ AINS. 205 tes jufqu’aux fers des chevaux pour les ferrer à glace. Quant à la manière de fe laifler couler du haut des montagnes , S trabon nous dépeint un ufage qui s’obferve encore au Mont Cé- nis &c dans les Alpes. C’elt ce qu’on^apeile la i^amafe , qui elt une manière de traîneau , avec un petit liège fur le fonds » où l’on fait afleoir le Voyageur. Les habitans du païs Itilés à conduire ces fortes de voitures , alïïs tout bas fur le devanc , les dirigent avec les mains par le moyen des bras du traîneau mê- me ^ &C avec les pointes dont leurs talons font armés , ils arrêtent leur courfe comme fis veulent , lorfqu’elle elt trop impétueufe. Rien nelt plus rapide & plus agréable que cette manière de décendre. Les Sauvages au lieu d’une peau , fe fervent d’une écorce dans le befoin. C’eftundivertilTementque les en- fans ne manquent pas de fe donner dans le tems des néges , lorfqu’ils ont autour de leurs Villages quelque éminence dont ils puiifent profiter. Les Guerriers dans leur route marchent à petites -journées. Rien ne preflfe ordinaire- ment les Sauvages , comme aufïî aucun acci- dent ne les déconcerte , à moins que leur fu- perflition ne leurfafle tirerquelque mauvais: augure du fuccés de leur entreprife. Ils ont comme les Argonautes leur Orphée & leur Mopfe ic’eft- a-dire , leurs Jongleurs , qui raifonnent fur tout , tirent , félon leurs prir&» cipes ,des conféquences bonnes ou mauvais fes de tout , & les font avancer ou reculer * comme il leur plaît. Il ne leur faut pour cela qu’une bagatelle , ils fe perfuaderoient avoir entendu parler le mât de leur Gailot ? ainfî que les célébrés Conq.uéran3 de la T.Qfe» . 1 04 Moeurs des Sauvages fon d’Or, fi le Jongleur difoir qu’il a parle* Idée de direlïion dans leur route. Us marchent avec peu de précaution fur leurs Terres , ou en pars non fufpeéT- Tandis que quelques uns conduifent les Canots ou traînent les équipages, les autres s’enfoncent dans les bois pour chafler chemin faifanr. Ces ChafTeurs prennent diverfes routes , 6C s’écartent les uns des autres en fuivant divers rhumbs de vent, pour ne pas Te rencontrer fur la même proye. Le foit ils fe rendent au lieu deftiné pour la couchée, &c pas un ne s’égare. Rien n’eft plus admirable que l’idée de ces Barbares. C’eft Une qualité qui fèmble née avec eux. Un enfant s’oriemenaturellement 9 comme on pourrait le faire avec une bouf- f©le par rapport aux endroits où il a été , ou dont il a entendu parler. Dans les forêts les plus épaiiïe s , & dans les rems les plus /om- bres , ils ne perdent point , comme on dit , leur Etoile. Us vont droit où ils veulent al- ler , quoi- que dans les pars lmpratiquez , &C ©ù il n’y a point de route marquée. A leur retour ils ont tout obfervé , 8c ils tracent grofïïéremerit fur des écorces , ou fur le fable des Cartes exactes » & auxquelles il ne man- que que la diflinéiion des degrez. Us con- ferveht même de ces fortes de Carres Géo- graphiques dans leur Tréfor public , pour les ïoiifulter dans le befoin* Connoiffanee de f^djtronomie. Ils ont quelque connoi/Tance de l’A/îrono- ®Ûe 5 qui fen à regler kur temps 5 de à diriger A M E R I Q^U A r N S. ±Ûf leurs courfes; & il leur relie encore quelque teinture de cette fcience , dont on raporte les commencemens à Prométhée > à Atlas , 8c i Lycaon , qui s'appliquèrent les premiers à contempler le cours des Aftres , l’un fur le MonrCaucafe ,1e- fécond dans la Mauritanie* 8c le troisième dans l'Arcadie , ou fur les Montagnes de Thraee. Ils comptent ordinairement par les nuits 2 la façon des Numides , &C de plu fleurs autres Peuples de L’Anuquité » plutôt que par les jours rpar les mois lunaires, plutôt que pat ceuxdu Soleil,.ainfi que le pratiquoienc pref- que toutes les Nations dans: les premiers temps , 8c particuliérement les Juifs. Cepen- dant cette manière de compter eft fubordon- née au cours du Soleil , qui fert à régler leurs années ,lefqi>elles font partagées en quatre /aifons comme les nôtres , & fous-divifées en douze mois. La manière de compter par les Lunes , n’eft pas même fl uniyerfelle » qu’ils ne comptent auiïi par les années /blai- res. Je crois avoir remarqué que Tune 8c l’au- tre manière de compter eür afFeélée à certai- nes chofes , 8c qu’en d’autres occafions elles s’employent indifféremment. Les années héliaques ou {blaires, /ont de- ftinées à marquer l’âge des. hommes. Pour /çavoir, par exemple * combien il y a de temps qu'un homme elt né , La phtafe Hu- tonne porte , combien de fois a-t-il r’atrappe le jour de fa naiffance ? Et c’eft la même donc ils fe fervent par rapport au Soleil * de qui iis difent qu’li a r'atappé tant de fois le point où il recommence fon cours. Ils expriment auflf les années héliaques par le nom d une des faifons, &c fur-tout de l’Hyver > le nom d’une dtsfaifons fuppofant dans cette occaflon pouï Moeurs dis Sauvages toutes les quatre ensemble , 8c pour Tannée folaire entière. Ils diront , par exemple , il y a tant d’Hyvecs que je luis au monde , pour dire, il y a tant d’années \ cette manière de parler e(l encore ufïtée dans la poefie ancienne &c moderne. Ils comptent de la meme façon . pour toutes les choies éloignées , qui ren- ferment une période de temps aflez longue » où le nombre 8c la fupputation des mois lu- naires les embarrafleroient. Ils comptent au contraire par les Lunes, 8c par les nqits, quand il s’agit d’un terme aflez court , de prendre leurs mefures pour leurs voyages de guerre , de chaffe , ou de pêche , pour leur rendez-vous, 8c pour le temps de leur retour, 8cc. Dans ces occaiîons-là même ils difent fort bien , S-kara^auat , qui lignifie un mois héliaque , comme s'Onennïtat , qui fignihe un mois lunaire ; mais le premier elt moins ordi- naire que le fécond. Il eh très- vrai- femblable que tous les Peu- ples de l’Antiquité avoient amfi fu bord on né les années lunaires au cours du Soleil. Celât paroît certain par l’Ecriture Sainte* des Egy- ptiens 8c des Hébreux, jofeph parlant à Pha- raon des fept années d’abondance 8c des fept autres de ftérilité , parle roanifeltemenr des années qui dépendent abfoiument du cours du Soleil , lequel fert à régler le temps des femences 8c des récoltes , en réglant celui des faifons. Les années Jubilaires desjuifs étoienc auiïi manifellement des années héliaques. Hérodote f raconte des Egyptiens , que les Prêtres de cette Nation fe vantoient d’avoir été les premiers qui avoient divifé l’année .ert douze mois folaires de trente jours ehacuii ■* Gtn. cap. 41. v. i$. je, '\ HeïiA dont il y en a douze dans l’éclypci- que , qu’on appelle les douze Maifons du Soleil , parce qu’il féjoume un mois dans :hacune; or l’honneur d’avoir donné le nom aux Etoiles , appartient , je crois , aux autres Barbares , comme on pourra l’inférer de ce que je vais dire tout à l’heure. * Ce qui peur juftifier ce que je viens de di- re des années héliaques , c’elt qu’outre les Barbares , les Peuples policez de l’Amérique régloient au fil leurs années ^par le coursdu Soleil. Les habitans du Pérou comptoienE autant de jours dans, l’année que nous , & les parrâgeoient en douze mois lunaires , qui a voient chacun leur nom , Sc fiir lefquels ils repartifioient les onze jours folaires qui re- lient. L’année folaire cks Méxiquains étoit de %6o. purs > diftribuez en dix-huit mois de vingt jours chacun. Néanmoins comme le cours du Soleil emporte cinq jours davanta- ge, ils en tenoient compte de la mêhae ma- nière que les Egyptiens 5 mais ils les regar- doient comme des jours ftiperftus a des jours vuides * aufquels leurs Prêtres ne faifoient point de facrifices. Ges jours fe pafToient uni- quement à fe vifiter , & à fe divertir. Après cette intercalation > ils commençoient leur nouvelle année avec le Printemps & la naifi- fance des feuilles j au lieu que les Péruviens la commençoient d’abord en janvier , ck en- fuite au mois de Décembre , après que leur Calendrier eut été réformé par un de leurs Incas. .■ , >- ? Acofitty Jlijl, Moral, de Us lndias , Zib, 6, caf, %• ï* ïoS Moi ÏÏRS DES SAtrVÂGES Les Méxiquains partageoient , outre cela » leur année , félon les faifons , en quatre par- ties égales , qui avoient chacune diffère ns noms , & diffërens fymboles pour les défi- gner,^ Leurs mois n’étant pas réglez comme les nôtres , leurs Semaines ne Téroient pas non plus v elles étoient de treize jours. Ils avoient aulîis des famines d’années , donc quatre qui faifoient le nombre de %i. ans * compofoient leur fiécle. La forme de ce Ca- lendrier féculaire , étok repréfcntée par une roue 3 ou par une croix à quatre branches égales.. Le Soleil étoit peint au centre. Cha- que branche avoir fa couleur particulière , ÔC étoic diftinguée en treize parties pour mar- quer le nombre des années. Sur les bords ils marquaient les principaux événemens pat des Hiéroglyphes. Je n oublierai point de direicien paflanr a que comme ils avoient une tradition que le monde devoir périr à la fin des fiécles, fern-' blable à celle qu’avoient les Peuples du Pé- rou , ainfi que nous l’avons déjà remarqué | Jorfque leur année féculiére finifibit , ils étei- gnoient les feux faicrez de leurs Temples y celui dê leurs maifons particulières , & bri- foient tous les vafes qui fervoient pour leur nourri rure,comme s’ils n’en euiîent pi us eu be- foin, que le monde eût dû réellement tom- ber cette nuit- là même dans le chaos, ou ren- tretdans le néant. Dans cett e perfuafion , ils pafibient toute cette nuit dans les ténèbres entre la crainte 5c l’efpérance. Mais dés qu’ils' voyoient l’Aurore revenir leur annoncer le retour du Soleil, on entendoit alors de toutes parts retentir mille adamations de joïe ; foûte- nues du bruit de divers inltrumens de leur rnu- fiquejoa allumoit de tous cotez des feux nou* 'ÂMER1QJJ AÎNSr . I0p ■eaux dans les Temples & dans les maifons » fc on célébroit une Fête, où par des facrifi- es 8c des procédions foîemnelles , ils ren- toient grâces à leur Dieu , de ce que fa bon- é leur avoir rendu Ta lumière , 8c leur accor- loic encore un nouveau fiécle. Les noms des quatre faifons font fixez chez es Barbares, Les mois prennent les noms des „unes , ou des différées efFets qui y répon- lent. Chez les Nations fédentaires de la N ou- -elle France , ils les défîgnent par les femen- :es,par les différens degrez de la hauteur les bleds , les récoltes , &c. Les Nations cr- antes ont d’autres circonftances particulié- es à chaque Lune , qui déterminent le nom fu 'elles lui donnent. Ils ne fçavent ce que •’eft que la didinétion des femaines ni des Durs en heures réglées i ils n’ont gu ères que juatre points fixes, le lever du Soleil , le Mi- li , le Coucher , &C la Minuit *, mais ils fup- •léent au défaut des horloges par une ateerî- ion pratique fi exaéte , qu’à quelque heu- e que ce foit du jour, ils marquent à peu >rés dndoigt le point où le Soleil doit être. Les Iroquois 8c les Hurons ont une manié- e décompter , laquelle elt du flyle deCon- bil , où les nuits fuppofent pour des années 3 :infi que je l’ai dit du Tréfor public. Il pour- oit y avoir eu parmi les Egyptiens , les Chi- lois , 8c d’autres Peuples anciens , des manié- es de compter à peu prés femblables , qui .uront donné Heu à cette fupputation d’un prand nombre de fiécles qui fe trouvent dans eur Chronologie , 8c qui n’ont d’éxiflence jue dans leur ignorance , ou dans leur vani- é. C’elt ainfi qu’il y a eu chez les Juifs des êmaines d’années , énoncée* comme lic’é*» oit des femaines de jours. fcio Moeurs dis Sauvases L e Baron de la Hontan dit , f que l’annëi des Ontaouacs , dés Outagamis ,des Hurons des Saulteurs , des Ilmois\ des Oumamis, 8 de quelques autres Sauvages', elt compofée de douze mois lunaires fynodiques , avec cetce différence, qu’au bouc dé trente LuneSj ils en laiflent toüjours pafTer une furnumé- raire , qu’ils appellent la Lune perdue ; en- fuite ils continuent leur compte à l’ordinai- re. » Par exemple , dit cet Auteur, nous fom- mes à préfent dans la Lune de Mars , que '«o je fuppofe être le trentième mois lunaire , » & par conféquent le dernier de cette épo^ » que ; fui ce pied-là celle d’Avnl dévroit la 93 fuivre immédiatement cependant ce fera *> la Lune perdue qui paflera la première , 93 parce qu’elle eil la trente- unième. Enfuite *> celle d’Avril entrera , 8c on commencera en « même temps la période de ces trente mois ^ lunaires fynodiques, qui font environ deux » ans 8c demi. « Tout cela me paroît être de la pure invention de cet Auteur ainfi que fes Dialogues , & beaucoup d’autres chofes dont fes Mémoires font farcis, & qui font toutes fau/Fes de notoriété publique. Ce qu’il y a de certain , c’eft qu’ils n’ont point une exaétirude mathématique pour les intercalations , 8c pour accorder les années héliaques avec les années lunaires. Les peu- ples policés de l’Amérique ne l’avoienr pas éùx- mêmes , à combien plus forte raifon les Barbares. Acolla * & l’Inca Garcilaffof font obligés d’avoiier, que la fcience des Mexi- quains 8c des Péruviens éroit très- bornée fur ce point. L’un 8c l’autre rapportent 3 $ La Hontan, Mémoire de 1‘ Amérique , tom. j, p. 109 . 110 » * Acojta , Itc, eit. \ GaràUjfo , Comment, Real, Lib t t, e Ame RI QJ7 À I N S. 211 quoique d’u-ne manière un peu différente , comment les habitans du Pérou régloient les erreurs , qui pouvoient naître de la diffé- rence qui fe trouve entre les années lunaires 6c les années héliaques, en fe réglant em- mêm es , non pas fur le cours dé la Lune , mais fur le point fixe des Solftices &c des Equinoxes. Ils avoient des Tours pour ob- ferver les Uns , & des Colonnes pour les au- tres. Les Auteurs que je viens de citer , va- rient fur le nombre 6c la polîtion de ces Tours *, mais ils conviennent dans ieffen- tiel , qui e(t qu’elles étoient tellement dif- pofées , qu’on pouvoit y faire des obfervâ- tions mathématiques , lefquelles n’étoient pas fans doute de la jufteffe qu’on exigeroic aujourd’hui , mais qui étoient fuffifantes pour le befoin qu’ils en avoient. C’étoit un Prince de la race des Incas, qui étoit obli- gé de veiller à ces ennuyeufes obfervations. Les Annales des Sauvages n’étant pas beaucoup chargées par ic defaut des lettres alphabétiques , leur Chronologie ne fe fent pas des erreurs qui pourroient fe trouvée dans leurs fupputations , Ôc fume de la ré- volution de plufîeurs fécles. Ce n’efi pas qu’ils n’ayent des Epoques marquées , 6>C une manière de conferver la mémoire des èvénemens hiltonques , 6c des chofes qui méritent Je plus d’être remarquées. Car , DUtre ce que j’ai dit des Iroquois , des Hu- rons s 6c de ceux qui traitent les affaires par les colliers de porcelaine , outre l’E- criture Hiéroglyphique des Mexiquains , 6C les peintures dont nous avons parlé , tous Ses Sauvages ont encore une forte d’Anna- les marqués par certains nœuds j mais ces Chroniques font bien bornés 3 6c bien in** 211 Moeurs des Sauvages parfaites chez tous les Barbares. Les Përiî- ruviens les avoient un peu plus perfection- Bées j car fî nous nous en rapportons at Père d’Acofla,* ils fuppléoienc au défaui de l’Alphabet par leurs guipas j c’eft ainf qu’ils » appelaient certains mémoires ci Regiftres faits de cordelettes ,'compoféci •de divers nœuds & de différentes couleurs C’elt une chofe incroyable , dit- il , com. bien de chofes ils exprimoient de cette ma.- niére-, car, avec cela , tout ce qu’on peut ex- pliquer par l’Ecriture & par les Livres d’Hiftoire , de Loix , de Ceremonies , de comptes de marchandé, ils l’exprimoieni par diffé rens cordeaux, cù les nœuds ôc lei couleurs étoient fi variées , qu’on pouvoil connoïtre jufqu’aux moindres circonftancei des chofes qui y Croient Egnifiées. Il y avoii des perfonnes publiques " , comme parmi nous les Notaires Royaux , qui en tenoient Regiftre , Sc des Martres prépofës pour en çnfeigner la méthode à la jeuneffc. Les M-exi- quains avoient encore plus perfectionné leurs Hiéroglyphes Chronologiques.Ils en avoiem des Hiltoires écrites fur des écorces reliées en Livres à peu prés femblables à ceux qui nous viennent de la Chine , & nous au- rions fans doute une plus grande connoif- Lance de leur Monarchie , •f fi le peu de goût qu’on avoir pour la connoiffance de l'Anti- quité au temps de la conquête des Efpa- gnols , & fi le zélé indiferet pint au peu de Littérature de leurs premiers Millionnai- res 9 n’eut porté ces zéjés ignorans à ifaire brûler tous ces Recueils hiitoriques , comme s’ils euflent été remplis de caractères ma- * Acofîœ , îtift. M ’ ôtai . Lib, 6 , çap, t, , fldm» fap, lib t AmEM QJjr AINS. 21 f piques j & n’euflent eu d’autre but , que d’apprendre la manière de faire des forti- léges. J’ajoûterai ici au fujet de leurs époques 3 8c de leur manière de compter , qu’on doit regarder auflï comme une chofe digne d’ad- iiuration , que les Sauvages ayent la même manière de compter , qui nous efl venue de l’Antiquité a &c qui étant purement arbitrai- re » doit être dérivée de la même fource. Car le nombre de dix eft chez eux le nom- bre de perfection , comme il i’étoit chez lés Egyptiens , comme il l’eft aujourd’hui chez les Chinois , &c comme on peut dire auifi qu’il elt chez toutes les Nations de l’Europe. Us comptent d’abord les unités jufqu’au nombre de dix : les dixaines par dix jufqu’à cent : les centaines par dix jufqu’à mille : ainfi du relte. Etoiles & Contellations. Maintenant s pour ce qui efl des Etoiles 8C des Planètes , ils ont encore parmi eux les mêmes idées qu’on a eues dans les premiers temps. Les lroquois appellent les Etoiles Gtftllo'n , un feu dans l’eau » d ’Otfifla feu , 8c d’0,qui 3 dans lacompofition , lignifie une chofe dans l’eau ; ce qui femble faire allufion aux Eaux que l’Ecriture Sainte dit être au- u bien à caufe de la Métamorphofe d’Arcas 5c de Callifto, Je crois , pour ce qui con- :erne f’Hiftoire , que ce s deux noms peuvent ivoir été donnés à ces Conflellations , qui ont très femblables > fuccefTivement , en les temps difFérens , 6c peut-être allez éloi- gnés l’un de l’autre j du moins il paroît que 'opinion des auteurs anciens étdit , qu’on ;’étoit réglé long-temps fur la grande Ourfe ivant que de fe régler fur la petite. Hygin ^ dit que Thalés , qui s’étoit fort ippliqué à l’Aflronomie , fut celui qui don- la le nom à'Atflos à la petite Ourfe 5 6c qu’on ’appella Minor pour la distinguer de la gran- le : qu^ Thalés étant Phénicien , en donna luffi à cette Conflellation le nom de Phémce . -es Phéniciens profitèrent de la découverte le leur Compatriote j Se réglant leur courfe ur la petite Ourfe , ils en naviguoient avec >eaucoup plus de fureté. Tous les Peuples lu Péloponnefe , 6c de la Mer Egée -, conti- luérent à obferver la grande Ourfe. Peut- *re fut-ce un motif de jaloufîe , qui les obli- Aratfcs au commencement de fon PoÜme , parle âeà Jurées , qui nourrirent Jupiter dans l’Tfle de Crète , d’oui lies furent tranlportées dans le Ciel , & placées au nombre es Conflellations , en reconnoiflanre de ce fer vice. Cette ible , aufli-bien que celle d’Arcas & de Calüfto , femb eric rouver que ce font les Cretois & les Barbares qui cçtti- oienc la Grèce , lefquels ont donné le nom aux Etoiles , iftingué Je Ciel en Conflellations. 5 Bjgin, Lib, t,Art, Artlos Miner» kïS Moiürs dis Sauvages gea à s’çn tenir à l’ancien ufage } quoiqu’il en loti , les Phéniciens furent long-temps les feuls qui fe gouvernèrent fur la petite Ourfe j félon te témoignage f d’Ovide, Quis tune aut Hyadas , a ut Pletadas Atlanteas Senferat , aut geminos ejfe fub axe polo i ? Etfe duas Atftos ; quarum Cynofura petatur Sidoniis i Helicen graja carina notet f Ce Thaïes dont parle Hygin , étoit Milé- fien , 8c ne peut être apellé Phénicien , qu’à caufe du féjour qu’il fit en Phénicie. Il efl différent de cet autre Thalés , qui travailla fur les Loix des Crétois , 8c qu’on peut met- tre au nombre des Législateurs, Ce qui elt trés-fûr , c’elt que les Iroquois ôc la plupart des Sauvages connoiffent la grande Ourfe fous le même nom que nous ; ôc comme les noms des Conllellations font purement arbitraires , 8c donnés par le ca- price j ils ne peuvent s’être rencontrés avec nous à impofer les mêmes noms fans une communication d’idée , laquelle fuppofe celle des perfon nés par qui ces connoiffances font dérivées des unes aux autres. Il ne faut pas croire au celte qu’ils lui ayent donné ce nom, depuis que les Européens ont abordé for leurs Terres. C’eft certainement un nom très-ancien parmi eux. Ils nous raillent mê- me de ce que nous donnons une grande queue à la figure d’un animal qui n’en a prefque point ; 8c ils difent que les trois Etoiles qui compofent la queue de la grande Ourfe , font trois Chaffeurs qui la pourfui- ^ent. La fécondé de ces Etoiles en a une foir , 1 1 Q.vidias, fafi, j, A Xf 1 R I Q^u A I N S. Il J fort petite, laquelle eft fort prés d’elle. Celle- là , difent-ils , eft la chaudière du fécond de ces Chafleurs , qui porte le bagage , & la provifion des autres. Le Pere le Clerc * dans fa Relation de la Gafpéiîe,*aflure que les Sauvages Gafpéiîens ont la connoiflance de la grande & de la pe- tite Ourfef : qu’ils appellent la première Moubinne , bc la féconde Mauhinchtcbe , ce qui revient aux noms à? A* fias , Major & Min an Ç ajoure qu’ils difent que les trois Gardes de 'Etoile du Nord font un canot , où trois Sauvages font embarquez pour pourfuivre ,’Ourfe -, niais que par malheur ils n’ont pu encore la joindre. Il n’eft guéres ordinaire de diafîér aux Qurs en canot , ci moins qu’il ne : üt queftion des Ours blancs , lefquels allant )êcher fur les glaces, en font quelquefois ibandonnez dans les mers du Nord ; mais ettc chafle n’-étant ni fùre ni pratiquée , ce anot me parole être de la pure invention du *ere le Clerc. • Les Iroquois que j’ai çonfultez , ne m’ont ®int paru connoître la petite Ourlé fous ce lom-là. Ils appellent l’Etoile polaire, ia te Hüttcnites , celle qui ne marche point, parce u’elle a un mouvement infcnfible à l’œil , de * Relut. de La. Gaffé fie , Ch» j-f. 15 i. t De tous les difFérens noms qu'on a donnez aux :ux Conftellations de* Ourles , celui d’Arélos , ou Ourfe , paroîc être le plus ancien , & le mieux >ndé dans la fable Sc la Mythologie ; mais il n’eft ;s certain que les trois Etoiles qu’on appelle les queues : l’Ourfe ; ayent toujours été confidérées fur ce pied dans \ntiquiti', ou du moins cela n’a pas été univerfel. Encore tjourd’hui ces trois Ecoiles fort nommées en Ital;e , i tri ivMH 1. les trois Cava.litrs , comme on le voit fur le Globe eleftedu Pere Coronelli. En France on les nomme auililes ardes de l’Ourle, ainli que l’a fait le Perele’Clec dà«$ Relation de la Gafpéfie , cp l’efldroit que j’ai cité, Tome IU, " R îiS Moeurs besSau va ges ^ quelle paroït toûjours fixe dans le fr.êms point. Cependant quoiqu’ils ne connoiflent des deux Ourfes que la grande , c’eft l’Etoile polaire qui les dirige dans leurs voyages , ôc qui leur fert à diftinguer les différera Rhumbs de vents qu’ils ont à fuivre. Les Sauvages Abénaquis ne connoiflent pas non plus la pe- tite Ourfe j & je crois, quoiqu’en dife le Pere le Clerc , qu’il en eftde même des Micmacs j qui font leurs voifins. LesSauvages ont plusbefom de leur Bouf- fole dans les bois & dans les vaftes prairies du Continenr de l’Amérique , que fur les 4 Ri- viéres dont le cours leur eft connu , & facile à tenir *, mais quand la vue du Soleil , ou la clarté des Etoiles leur manque , ils ont une Bouflolle toute naturelle dans les arbres * des forêts, qui leur font connoïtre le Nord par des flernes prefque infaillibles. Le premier eft ce- lui de leur cime , laquelle pane he toujours davantage vers le Midi où le Soleil! attire. Le fécond eft celui dr leur écorce , qui efl plus terrie &C plus obfcure du côté du Nord, S’ils veulent s’aflurer davantage , ils n’qpi qu’à lever quelques éclats avec leur hache ; les couches diverfes qui forment le corps de l’arbre , font toûjours plus épaifles du cote qui regarde le Septentrion , & plus mince; vers le Midi. Quelques fûrs cependant que foientees Agnes , ils rompent de petites bran, ches de diftance en diftance fur leur route ; lorfqu’ils doivent revenir fur leurs pas , oi qu’il vient quelqu’un après eux , qui pour- roit s’égarer , fl le vent ou les neiges venoiem à couvrir leurs piftes. . _ . , T C croit autrefois une fuperftiuon des La çedemoniens , & peut-être de quelques ay * Arbres , Bouflole naturelle. ÂMtKî QJJ A ï N S . Zlf fes Peuples de l’Antiquité , de ne point li- X ze , c l ue dans déclin de la Lune. Je n amirerai point que les Sauvages ayent la meme fuperftition. Mais il elt certain que lor/que diverfes Nations doivent fe réunir en Corps d’année pour quelque entreprife , le lignai de leur rendez- vous , c’eft le pieind’u- 21 e Lune marquée depuis long- temps entr’eux pour ce rendez vous , auquel ils ne man- quent point de fe trouver à point nommé» de forte que c’ell ici encore une obfervation, ou les Altres fervent à diriger leur route , 8c la. conduite de leurs entreprifes. Campement « Le Campement des Sauvages , quand ils font arrivez au lieu de la couchée >eft bien- tôt fait. Ils renverfent leurs canots fur le cô- te » pour fe garantir du vent ; ou bien , iis plantent quelques branches de feuillages fur la grève, & en étendent d’autres fous leurs liantes. Quelques-uns portent avec eux des ecoixes de bouleau roulées comme nos Car- tes Géographiques» avec quoi ils ont bien- tôt fait & drefle une efpéce de Tente Ôede C aba>nage. Les plus jeunes de la troupe, lorf- qu’il n’y a point de femmes , allument le feu, oc font chargez du foin de faire boiiillir la chaudière, & de faire tout le relie du mé- nage. Les Guerriers ont toûjours coutume de conduire avec eux quelques jeunes gens , dont 1 occupation dans les premières Campa- gnes , eft de fervir les autres , comme Hylas rvoit Hercule. Manière de faire du feu. Ils ont dans ces fortes d’occafions une fa*. tio Moeurs des Sauvages çon particulière d’allumer du feu . Les Sauva- ges Moritagnais & Algonquins battent deux pierres de Mine enfemble fur une cuiife d’ Ai- gle 3 féchée avec fon Duvet , lequel prend „ feu aifément , &C tient lieu de mèche. En guife d’allumettes , ils ont un morceau de bois pourri & bien fec , qui brûle inceifam- ment jufqu’à ce qu’il foitconfumé. Dés qu’il a pris , ils le mettent dans l’écorce de Cèdre pulvérifée , &■ fouflent doucement jufqu’à ce qu’elle foit enââmée. ’ Les Hurons, les Iroquois, & les autres Peu- ples de l’Amérique Méridionale , ne tirent point leur feu des veines des cailloux ; mais en frottant des bois l’un contre l’autre. Ils prennent deux morceaux de bois de Cçdre , fecs & légers , ils arrêtent l’un forcement a- veç le genou , & dans une cavité qu’ils ont faite avec une dent de Caftor, ou avec la pointe d’ifn coüteau, fur le bord de l’un de ces deux. bais , quieft plat, & un peu large , ils infèrent l’autre morceau , qui eft lond.&c pointu, & le tournent en prenant avec tant de promptitude & de roideur , que la matiè- re de ce bois agitée avec tant de véhémence , coule en pluye de feu par le moyen d’un cran , ou d’un petit canal , qui fort de cette cavité fur une mèche , telle que je viens de la décrire , ou à peu prés femblable. Cette mè- che reçoit les étincelles qui tombent, & les conferveaifez long- temps pour leur donner le Ioifir de faire un grand feu , en approchant d’autres matières féches , de propres à s’en-* fiânaer. _ , , Cet ufage de faire du feu par la térébra- tion , elt "d’autant plus fingulier & plus re- marquable , que ç’ell le même abfolument ^u’avoieiH iss Veftales à Rome de faire leur Amer i qjj ainî. zif feu nouveau , ou de rallumer celui qu’elles avoierit laifie éteindre par leur négligence» Car n'étant pas permis d’y appliquer aucun feu prophane , c’étoit la coûtume , dit Fe- ftus*, de percer une planche d’un bois fort combultible, jufqu’à ce qu’on en eût tiré du feu,qu’uneVdi:ale recevoir fur un treillis d’ai- rain , qu’elle portoit enfuite dans le Temple» Mos erat Tabulant felicis matena tantdiu terebra - re , quoufquc exceptant igncm cribro &nio Virgo in idem ferret. Chez les Grecs , félon le témoi- gnage de Plutarque f , on rallumoit Je feu fa- cré par le m<*yend’un miroir ardent, qui réu- nifiant les rayons du Soleil, enflâmoit des matières combuftibles , préparées dans un vaififeau deftiné pour cet ufage. Précautions en pays ennemi. La manière dont les Sau vages font la guêt- re , elt redoutable à tous leurs Ennemis , .parce que tout leur art fe réduit à les furpren- dre , comme le chat fait la fouris. Un petit parti vife à tomber fur quelques Cabanes de Chafîeurs, qu’lis enlèvent pendanr leur fom- meil. Lors même qu’ils marchent en Corps d’armée , ils tâchent de prendre fi bien leurs mefures , qu’ils arrivent au moment où on les attend le moins \ pendant que les hommes font à la chafie , que les femmes font occu- pées à travailler aux champs , & qu’on eft hors d état de leur faire tête. Le fuccez de ces entreprifes dépendant du fecret, &c du foin qu’ils prennent de couvrir leur marche , il n’efl point de mefures qu’ils ne mettent en œuvre pour découvrir les di- * Feftus, Igms Veflœ, J in K J Moeurs d-es Sauvages vers partis qui font en campagne , & pouï s etre pas découverts eux-mêmes . A chaque Campement qu’lis font , iis en- voyent leurs Découvreurs pour battre l’£f. trade , 8c connoître le terrain. Ceux- ci onî «es iignaux aufquels ils ne fe trompent gué- Le premier , c eft rôdeur de la fumée. S’il y a quelques Sauvages cabanez dans le bois, oc qui y vivent en fécurité, ceux qui les cher* chent , s’en apperçoivent aufti-tôr, & de très- loin àj’odeur de leur feu. On peut être affû- té qu’ils ont le fentiment auftTfrn , que l’eft celui d’un chien de cha/Te , accoutumé à fe meure fur les piftes de fâ proye. Le fécond /îgnal eft celui desveftiges des perfonnes. , qui ont pa/Té dans un endroit. Il eft certain qu’ils apperçoivent ces vertiges * là où nous ne fçaurions voir la moindretra- ce. Du premier coup d’œil , ils diront /ans fe tromper , de quelle nation , de quel fexe , de quelle taille font les perfonnes^onr ils voient les piftes 3 & combien à peu prés il y a de temps quecespirtes font imprimées. Suppo- sé que ces perfonnes foient de leur connoif- fance , ils ne tarderont pas à dire , ce font les vertiges d’un tel , ou d’une telle. Ils ont mê- me cette malice, que loriqu’iîs ont décou- vert par-là le lieu d’un rendez-vous fufpeéï » ils enlevent toute l’herbe qui répond à Tun de ces vertiges : langage muet , mais exprefo fif de ce que la bouche ne peut dite avec bienfeance , 8c il eft rare qu’ils s’y trompent. . Bien qu’il y ait en cela quefque chofe d’ex- traordinaire , ce n’eft pas à dire qu’ils ayent la vûë meilleure , 8c plus perçante que nous > mais je crois que c’eft l’effet d’une attention particulière, 8c d’un long ufage à faire ces AMSUol, KkotlïLib, 4. v, 14 fa •îa Lybie depuis peu de jours , & qu’il ne de- voit pas être éloigné , ils envoyèrent phifîeurs de leur troupe en différens endroits pour de- mander de Tes nouvelles , parce que , ajoûte- t il » ils n croient plus a temps de Je fuivre en courant fur fes pi/tes , les vents qui avoient foufflé pendant quelques nuits, ayant troublé tous les veftiges , 8c- tranfporté les Tables de coté& d’autre, comme il arrive encore au- ?°urd hui dans ces païs-là , où les Caravanes entières font quelquefois enTévelies Tous des montagnes de ces Tables mou vans des dé/èrts de l’Afrique. Ils n’ignorent pas que leurs ennemis ont les mêmes qualités qu’eux ; & pour n’en être pas découverts , ils s’obfervent avec très- grand foin , 8c marchent avec une très- gran- de circonfpeélion. Us ne Te fervent plus de fufils pour chafTer , 8c ils commencent à vi- vre des provifions de farine qu’ils ont appor- tées. Us la détrempent avec un peu d’eau froi- de , ou la mangent toute Téche , 8c boivent im grand coup par-deflus. Us n’ofentpas me- me allumer du feu. Dans leur route , ils mar- chent à la file les uns des autres , & les der- — uv,j auutJ j tv 115 UCl« mers couvrent les pilles avec des fétides ; s’ils ch< trouvent quelque ruifleau, ils marchent quel- que temps dans l’eau pour dèpaïfer ceux qui pouroient les fuivre. Enfin en approchant du terme, ils ne marchent plus que la nuit, 8c re- ' ' ...«.VUVHI, VJUU Ict UUIL, Vi. IC- pofenu une grande partie du jour. Malgré toutes ces précautions néanmoins , ils font uvtumiuiLij y I vJIlll fort Touvent furpris , parce qu’ils manquent à la plus effentielle, qui eflde faire une fen- tinelle exaéte -, car au lieu de fe relever les uns les autres dans cette fondhon , ils fe repofent fur l’afTurance que leur ont donnée les Décou- vreurs qu’ils ont envoyés a ayant que de ca«H A M E R I Q^U AINS. Itf per ; ils dorment tous enfemble comme en païs de fureté , ôc c’eit lorfqu’ils font pro- fondément endormis , qu’on leur donne Taf- faut, qu’on les afl'omme > Ou qu’on les fait efclaves.^ Cette Guerre de furprife que fe font les Sauvages les uns aux autres , à la façon des Parthes qui fatiguèrent fi long-temps les Ro- mains , ne vient point d’un principe de lâ- cheté ; mais plutôt de l’envie qu’ils ont de rendre leur viétoire plus compiette , ôc de leur attention à conferver leur inonde. La perte d’une feule perforine leur eft extrême- ment fenfible , eœégard à leur petit nombre ; ôc cette perte a de fi grandes conféquences pour le Chef d’un Part) , que de-là dépend fa réputation > les Sauvages voulant qu’un Chef non feulement foit habile , mais encore qu’il foit heureux. Leur bizarene eft telle fur ce point, que s’il ne ramène tout fou monde , ôc que s’il en meurt quelqu’un mê- me de mort naturelle, il eft prefque entière- ment décrédité. Cela peut être néanmoins l’effet d’une bonne politique , pour tenir par-là ces Chefs en bride , Ôc les engager à ne pas expofer leur monde avec témérité. Du rdte , iis font bien voir dans l’occafion , qu’ils ne manquent pas de cœur lorfqu’ils font dé- couverts , ôc qu’il faut payer de leur perfon- ne j foit que deux Partis Ennemis fe rencon- trent en campagne , foit qu’ils foient obligés d’attaquer une Place en état de faite réiïC- tance* Combat de rencontre. Le Sieurde Champlain , fuivi de quelques autres François > ayant accompagné les&aé-» K? ’îi nom le Lac de Champlain , 6c continuant:: leur route en fîlence , 6c fans faire de bruit * ils virent furies dix heures du fbir ,"à la poin- te d’un Cap , déborder les Iroquois qui ve- ndent aufïi en guerre do leur côté. Dés que les deux Partis fe furent apperçtts , on jetta do part 6c d’autre de grands cris, 6c chacun fe: prépara au combat. Les Iroquois mirent pied à terre , rangèrent tous leurs canots fur le- rivage * pour être en état de fe rembarquer en cas de befoin j 6c ayant abattu du bois: avec leurs haches , ils fe barricadèrent fort, bien. Les autres de leur côté fe mirent à la portée d’un trait de flèche de la barricade de- leurs ennemis , ferrèrent leurs canots au large les uns contre les autres , les attachèrent a- vec des, piquets , 6c fe mirent en état de fe: battre. Dés que ceux-ci furent en ordre , ils déta- chèrent deux canots avec des Héraults pour aller offrir le combat aux Iroquois, qui l’ac- ceptèrent avec joye ornais pour le lendemain? feulement , difant qu’il n’y avoir pas d appa- rence qu’ils puflent le commencer dans l’ôb- feurité de la nuit , laquelle enféveliroit leurs belles aétions, qu’il falloir attendre le jour pour fe reconnoître , 6c qu’au moment que. le % Vuygtiàt ChumgUin * Liv.-p é, & A M E R r TTA T NS. . 217 Soleil fe montreroit fur l’honfon , ils iroienc leur livrer la bataille. Après cette réponfe qui fut agréée , les deux canots rejoignirent le gros de leur petite armée , Sc de part ôC d’autre , la nuit fe pafla à chanter des chaiv- fons de mort : à vanter fes hauts-faits , ô£ ceux de fa Nation , 6c à dire , félon la coütu- me bien des chofes méprisantes pour fes Ennemis , dont chaque parti fe promettoit une viétoire aifée. Le jour étant venu , les ïroquois fortirent de leur Fort au nombre de prés de deux cens hommes , marchant au petit pas en ordre de bataille » avec une gravité 6c une contenance Lacédémomenne,dont le Sieur deChamplain fut fortcontent. Ilsavoient trots Chefs à leur tête , qui avoient trois grands pennaches pour fe diflinguer dans l’aétion. Ceux diÆ parti contraire qui avoient débarqué , fe ran- gèrent dans le même ordre. Champlain- s’é- tant alors avancé 5 les ïroquois firent alte pour fe remettre de leur furprife,6c après Lavoir contemplé un moment , ils s'ébranlè- rent pour décocher leurs flèches , 6c 1’actioiï commença de bonne grâce. Elle auroit con- tinué de la même manière *, mais Champlaiii’ ayant tué deux des Chefs ïroquois , 6c bleffé à mort un rroifléme de leur troupe du pre- mier coup d’atquebûfe qu’il tira un autre François ayant aufll tiré en me me temps de dedans les bois , l’effet inopiné de ces armes à feu, qui étoient nouvelles pour ces Bar- bares , les déconcerta ; ils ne difputérent pas ia viétoire , que fans cela ils auroient peut- être remportée. Ils abandonnèrent le champ' de bataille , ôc leurs retranchemens ; ils fe fauvérent dans lès bois , où leurs ennemis lès poucfuivirent , en tuèrent plufleurs s fken£ S- & 218 Moevrsd bsSauvàges quelques prifonniers , & le relie fe fauvâ comme il pût. Dans ces fortes d’occafions , leur petk nombre leur permet affez de s’attacher , pour ainlî parler , corps à corps , 8c de fe battre comme en duel, ainfi que fatfoienc les Hé- ros de l’Iliade 8c de TEneïde. Ils fe con- noiffenc affez fou vent , 8c fe parlent. Ils fe ' demandent des nouvelles , fe haranguent , 8c ne s’affomment point fans s’ëtre fait au- paravant quelque compliment , pareil â ceux que Virgile fait faire à fon Enée. Quoique les Sauvages foient faits à fe battre dans les bois , 8c courant d’arbre en arbre , ils ne laiffent pas de fe comporter fort bien en plaine & à découvert. Ils ont même entr’eux une manière d’exercice pour faire leurs évolutions militaires , qui faix voir qu’ils ne combattent point à Ia déban- dade , 8c qu’ils fçavent garder leurs rangs. A Champlain nous en donne aufîi cette défi, cription» 39 Les Chefs, dit- il, prennent des bâtons » de la longueur d’un pied , autant-en nom- » bre qu’ils font , 8c lignaient par d’autres » un peu plus grands , leurs Chefs * puis vont » dans les bois , 8c efplanad-ent un efpace 33 de cinq ou fîx pieds en quarté , où le Chef *> comme Sergent-Major , met par ordre tous 31 ces bâtons , comme bon Jui 4i fiemble , *>' puis apelle tous fes compagnons qui vien- 33 nem tous armés , 8c leurVnontre le rang 53 8c ordre qu’ils dévront tenir- lorfqu’ils fs - «battront avec leurs Ennemis ; ce que tous » fes Sauvages regardent attentivement , re- » marquant la figure que leur Chef a faite » avec ces bacons , 8c après fe retirent de- - aalà s & commencent à fe mettre em ordre,» ! A ME R I Q, V AI NS. . |» airifi qu’ils ont vu Içfdits bâtons ; puis fe mêlent les uns parmi les autres > & re- tournent derechef en leur ordre , conti- m nuanu deux ou trois foisj& font ainfî à tous f» leurs logemens , fans qu’il 'foi t befoin de » Sergent- Ma for pour leur faire tenir leurs p rangs, qu’ils fçavent fort bien garder fans » fe mettre en confuflon. Voilà la réglé qu’ils i» tiennent en leur guerre. I. '■ - . * - ; - ‘ Siège des Places». | Le Siège des Places , ou ils trouvent de te fofiftance eft encore une preuve qu’ils ont [les règles d’un art militaire , où la rufe &C l’induftrie vont de pair avec la force ôt la [valeur la plus intrépide. Si les Affregeans font des efforts incroyables pour futprendte ta vigilance des Affiégés , & pour vaincre pous les obffaeles qu’on leur oppoiê , ceux- ci n’omettent rien de ce qui peut fervir à ane belle défenfè. Les feintes , les fauffes attaques , les forties. vigoureufes & impré- vues » les embûches , lès furprifes , tout eft mis en ufage de part 5c d’autre tour à tout: ïiais il n’eft guéres de iïége qui dure. Les ?aliffades n’ëtant que de'bois, que fept cens Iroquois avoient forcé un Tillage de la Nation apellée dit chat , où M y avoit prés deux mille hommes pour 1» défendre , nonobftant une grêle continuelle de coups de fufïl , quipleuvoient Tut eux.de tous les cotés.. Sac & prife d*uns Place . Ï1 efl impoiïîbîe de bien dépeindre la trifëe- Icéne qui Te pahe dans un Village furpris oo- forcé. Le Vainqueur barbouillé de noir ôc de rouge d’une manière propre à infpirer la. terreur & infolent de Ta victoire , courr par-tout en forcené , chantant Ton triomphe, & inTultant aux vaincus par d’horribles cris.. ÎTout ce qui tombe Tous Ta main ,.eft immo- lé à Ta cruauté barbare. Il met tout à feu ôc à fang dans la première chaleur du car- nage. Sa fureur ne s’arrête que par la lalîi- tude , & alors elle devient indullrieufe pour être plus, cruelle a Regard des malheureux s qui ayant échappé aux premiers coups, ont le trille fort de tomber vifs entre leurs mains». Les Vaincus de leur côté n’ignorant pas ce qu’ils ont à attendre de la cruelle férocité des victorieux , aimant mieux périr, & s’en- "fovelir dans les cendres de leur patrie , que de Turvivre quelques momens à Ta ruine ,, pour être expofés enfüite aux tourmens de cruauté la plus rahnée , font des prodiges de ÀM2RÏ QjT A I NS. ' _ 2$ï Valeur ; 8c animés^ également par Fe/prit de vengeance , 8c par le défefpoir , fe font des armes de tout ce Qui leur vient à Ja main », cherchent la* mort dans leur courage, 8c dans celui de leurs Ennemis , 8c ne cedenr enfin , que lorfqu’accabîés par le nombre , ou par Texcés de la fatigue , ils fe trouvent d'ans rïmpoEîbilké de continuer à faire ré- fiftance. Gomme les Vainqueurs ne fçauroient cotv ferver le grand nombre de prifonniers qu’ils* font dans 1 un Village dont ils fe font rendus les maîtres, leur politique , qui vife à em- pêcher les Vaincus de pouvoir fe relever, & fe remettre en état de défepfe, leur fait: difceraer ceux qu’ils veulent fàcrifîer à la fureur militaire , 8c ceux qu’ils veulent ré- fer ver pour les incorporer parmi eux. Ainlï les Vieillards qui auroient de la peine à ap- prendre leur Langue , ou que leur âge ren- droit inutiles : les Chefs & les Confîdéra- bles parmi les Guerriers, dont ils pourroient avoir quelque cliofe à craindre s’ils leue ëchappoient : les en fans d’un âge trop ten- dre 3 8c les.infttmes qui feroient trop à-char*, ge dans leur route, font les viÆHmes infor- tunées qu’ils immolent à leur rage 8c à leur fauflb prudence* Ils en brûlent plufïeurs avant que de fortir du Village qu’ils one. pris , 8c comme fur le champ de bataille. Ils en brûlent enfuite tous les. foirs quelque autre les premiers jours de leur marche,, îorfqu’ils peuvent le retirer fans crainte d’ê- tre pourfuivis. Les petits Partis n’étant pas en état défaire des coups d’éclat , n’ofent prefque pas s’a- vancer jiifqu’aux portes des Villages. Il J. en- a cependant qui: le font mais fe font dès, 1$ z Moeurs des Sauvages coups races , ôt pleins de témérité , tel que fût celui d’un Iroquois 3 qui approchant fe- cretrement de la paliflade d’un Village cni l’on chantoit actuellement la Guerre y &C ayant apperçu deux Sauvages fur une gué- rite , y monta adroitement , déchargea un coup de maftlië fur la tête de l’un y & ayant jette l’autre par terre , fe donna le temps de l’égorger , ôt d’enlever la chévelure à tous les deux , après- quoi il fe fauva. Ils font leurs coups d’ordinaire dans les lieux de chafte &C de pêche , & quelquefois à l’en- trée des champs & des bois , où après s’être , tenus tapis dans les broftailles pendant quel- ques jours , le malheur de quelques paftâns * qui ne penfent à rien moins » ieuF donne l’avantage de la furprife & de la victoire-* Harcelés enfuite par la ctainte d’être pour- fuivis , ils fuyent plutôt * qu’ils ne battent en retraite ; caftent la tête aux bleftes , ôc à ceux qui ne peuvent les fuivre , & ne mènent de prifonniers avec eux qu’à proportion de leur petit nombre y s’ils ont envied’en brûler quel- qu’un , qui leur paroi fte fiirnumétaire , SC qu’ils ne croyent pas avoir le temps de le faire à leur aife , ils l’attachent à un arbre, bc mettent le feu à un- autre arbre voifin , qui foit dans un jufte éloignement \ pour le faire fou ffrir long-temps 3 & ne le brûler qu’à la longue. Ces mifërables ainfi abandonnés y meurent comme des forcenés , ou du feu Je ne qui les confirme >ou d’une faim cruelle , fi le. feu n’a pu r’allumer a fiez bien pour leur faire fentir fon adivité» Bes chevelures enlevées* . Tous les Guerriers, lôrlqu’ils fon aflemblés en Corps d’armée 3 avant de donner un comi- ♦> AMERI QJIT AINS. bat 3 ou d’attaquer une Place, coupent la tête de ceux qu’ils ont tués, & furpris à l’écart, 8C h portent dans leur camp,où ils l’expofent au bout d’une efpéce de pique ou d’un long bâ- ton , à la vüë des Ennemis fur qui ils ont fait cette conquête. .Mais en fe retirant , ou dans les autres occafîons , ils ne font qu’enlever la chévelure de tous ceux qui font morts. Ils cernent pour cet effet la peau qui couvre le crâne , coupant au-deffus du front Sc des oreilles jufqu’au derrière de la tête. Après l’a- voir arrachée , ils la préparent , & la ramol- li/fènt, comme ils ont coütume de faire à cel- les des bêtes qu’ils ont pnfes à la chalfe. Ils étendent enfuite cette peaufur un cercle où ils l’attachent j ils la peignent des deux côtés de diverfes couleurs , quelquefois ils tracent dti côté oppofé aux cheveux , le portrait , ou la peinture hiéroglyphique de celui à qui ils l’ont enlevée , 8c la fufpendent au bout d’une perche , 8c la portent ain/î en triomphe. Ce qu’il y a de furprenant , c’eft que tous ceux â qui l’on fait cette cruelle opération de leur en- lever la chévelure , n’en meurent point , non plus que du coup de ca/fe-tête , dont on a crû Içs avoir affommés à n’en plus revenir. Pla- ceurs en fopt réchappés , 8c j’ai vu une fem- me dans notre Million , à qui après un fem- blable accident , les François avoient donné Je nom de la Tête pelée , 8c qui fe portoit fort bien. Elle croit mariée à un François iro- quifé , dont el/e avoit des enfans. Les Scythes 8c d’autres peuples Barbares de l’Afie 8c de l’Europe , s’étoient rendus au- trefois célébrés par ces terribles marques de leur férocité , que les Auteurs anciens n’ont point ignorées. Voici comme * Hérodote n Herofo , Lil/ », 64 , Î54 Moe urs des Sauvages s’explique au fu jet des Scythes. «UnScÿ®, as the boit du fang du premier prifonnies: 35 qu’il fait , & il prefente au Roi les têtes de » tous ceux qu’il a tuez dans le combat ; car » en portant une tête , il a part au butin , au- *> quel il n’a nul droit fans cette condition. 95 II coupe cette tête de cette manière. Il la 93 cerne autour des oreilles, & ayant féparé a» la tête d’avec le. relie , il en arrache la peam, 93 qu’il a foin de ramollir avec fes mains , & 93 d’apprêter comme on apprête une peau de »> bœuf. Il en fait enlüite un ornement , 6 C » l’attache au harnois de fon cheval en guife 93 de trophée. Plus un particulier a de ces 93 fortes de dépouilles , plus il eft confédéré & 93 eltimé . Il s’en trouve qui coufent pluiîeurs 93 de ces peaux enfemble , comme fî c’étoient 9» des peaux de bêtes , & s’en font des véte- 99 mens. Pluiîeurs écorchent les mains droi- » tes de leurs ennemis j ils enlèvent habile- 93 ment cette peau avec les ongles qui y re^ » lient attachez , & ils s’en fervent pour or- 39 ner leur Carquois , parce que la peau de 33 l’homme eftépaiife , & plus éclatante par «s fa blancheur , que celle de tous les autres as animaux. Il y en a encore un grand nom- 93 bre qui écorchent les hommes fntiers 5 ils 93 en font fêcher la peau fur des chevalets , £É , 39 s’en fervent enfuite de houife qu’ils met-| 93 tent fur leurs chevaux. Ce font-là , dit cet Auteur > d l es coutumes K.eçüës chez, ces Peuples. Il explique enfuire de quelle manière ils font des tai&s du crâne de leurs ennemis les plus confîdérables , &c de leurs amis même les plus familiers qu’ils ont vaincusen combat iingulier en pre&nceji du Prince , quand les différends furvenusl entt’eux les ont contrains de lesapelleCen duel. A M ER I QJJ A T N S. 2$f Les Gaulois n’éroient pas moins barbares jue les Scythes ,& f Diodorede Sicile en décrit à peu prés dans les mêmes termes. » Si «quelqu’un, dit il, s’avance pour les comba- »tre , ils chantent les belles allions de leurs P Anqêtres, & les leurs propres. Ils affrètent • au contraire de témoigner un fouverain mê- » pris pour leurs ennemis , n’oubliant rien dè > ce qui peut fervir à leur faire perdre coura- »ge , 8c les intimider. Ils pendent au cou de > leurs chevaux les têtes qu’ils ont coupées» » Ils font porter par leurs efclaves les dépbiiil- » les enfanglantées de ceux qu’ils ont vaincus» » pendant que par leurs chants ils célèbrent »eux-mêmes leur vîètoire. Ils attachent ces » trophées aux veftibules de leurs maifons, » Pour ce qui eft des têtes de leurs ennemis > les plus confîdérables , ils les confervent > dans des caifles embaumées avec de lia gom*- > me de cèdre , & en le’s montrant aux Etratx- » gers qui pafTent chez eux , ils fe font un mé- > Vite de ce que leurs Ancêtres, ou bien eux- > mêmes , ils ont refufé de recevoir de grofles ' fommes d’argent pour ces têtes , dont ils » n’ont pas voulu fe défaire. Les anciens Germains , qui étoient defcen- lus des mêmes Scythes dont parle Hérodo- e ainfi que le prétend Elle * Sfcéed dans fora .ivre de la Religion ancienne des Germains les Gaulois , des Peuples de la Grande- Bre- agne $C des Vandales , en ufoient de la mè- ne manière à l’égard des têtes de leurs enne- mis -, ce qui eft confirmé par § Strabon , le- |uel affûte que la plupart des Peuples du slord n’étoient point difFérens en cela des Gaulois. ? Diodor. Sicil. Lih. ç. f, tri. & trj. filiat Sfaed , ÿ. jâi, f Strab, Lib, £ *3 6 . Moeurs bes Sauvas es Elie Skéed prétend aufïi que eet ufage bar- bare étoit pratiqué de prefque tous les Orren T taux \ & c’eft peut-être à cet ufage que Dieu fait allufion dans ce paflage du * Deutérono- me : » J’enyvrerai mes flèches de leur fang 3 » & mon épée fe faoulera de leur chair » Quel efl ce fang dont il veut enyvfer fcs *> flèches l Le fang des morts qui feront tuéî m fur le champ de bataille , & le fang des cap- » tifs dont. on dépouille la tête Lnebriabo Ja~ gittas meai Jangume , gUdiu- mu s devorabU tarnes , de eruo>e occi/'orum , & dt capiivitate nu - daii intmcorum cap tis. Le fens du paiTage e(î bien plus complet en interprétant ce dépouil- lement de cette opération fanglante , qui en- lève la peau des captifs ju squ’au crâne , qu’en l’expliquant avec les Interprètes de la cornu- ïned ’ôterle caf>ie aux prifonniers de guer- res & de les faire marcher tête nue. Les Iroquois fe contentent d’enlever ces chévelures de la manière dont je l’ai décrit. Il y a quelques Nations de l’Amérique qui écorchent leurs ennemis morts , qui font pa- nade de ces dépoüilles , & qui le fervent fur-tout des mains pour en faire des poches à mettre leur Tabac, & qu’on apelie en Ca- nada facs à petun • Retour des Guerriers & des Prifonniers, Les Prifonniers qui ont été enlevez par de petits partis font bien moins malheureux dans leur marche, que ceux qui ont été pris par un Corps d’ Armée , parce que les Vain- queurs n’étant point animez par le nombre de leurs gens ou de leurs efcîaves , ne pen- fent qu a fe fauver, & à mener luremeat * Reuter, ç*l* j *, v, 41. 4$, A M E R T Q^V AINS. l\? conquête à leur Village. Pour cet effet ?ur lient feulement les brasau-deffus des les, aflujetu fiant leurs liens derrière le , de manière qu’ils ont les mains libres , que néanmoins ils puiflènr fe détacher , lu’ils ayent même affez de liberté pour rit & fe fauver , laquelle dépend d’un ain balancement du corps que cette fa- de les lier leur ôte absolument , i moins 1s ne io ent exercez à courir aihfî de jcu- b. Un Millionnaire m*a afiuré qu’il avoic in Sauvage qui s’y croit tellement fait , l ne pouvoir pas courir autrement , 8c inçoit cependant tous les autres à la rfe, ' Manière de garder la Prifonnier s. e tems le plus fâcheux pour eux , eft ce- lle la nuit *, car tous les loirs on les étend le dos prefque tout-nuds , fans autre lit la tetre , dans laquelle on plante quatre nets pour chaque prifonnier , afin d’y leurs bras, & leurs pieds ouverts & éten- en forme de Croix de fainr André. On once de plus un cinquième piquet auquel it tache un collier , qui prend le prifon- ■ par le col , & le ferre de trois ou quatre rs. Enfin on le ceint par le milieu du corps c un autre collier ou fangle , dont celui a foin du captif , prend les deux bouts il met fous fa têre pendant qu’il dort , d’être éveillé , fi fon prifonnier faifoit •[que mouvement pour fe fauver. Dette pofture fi contrainte durant une nuit 1ère , eft fans doute un fuppîice. Mais [tun martyre des plus rigoureux dans la on des Moufquites Ôc des Maringoins a 38 Moeurs ©es Sauvages ou Coufins j car il n’eft pas pofïîbie d’ex, primer jufqù’où va l’importunité de ces ani| maux, qui valant par millions , & ne fai- fant que bourdonner , ne ceflent d’enfoncei leurs aiguillons jufqu’au vif & de fuccer 1< fang , laifTanc un venin dans chaque piqueu- re , qui caufe en même- rems, & une inflam- mation, & une forte demangeaifon. Du relie , ils font toujours efpérer à ce; pauvres malheureux , qu’à leur arrivée or leur donnera la vie. Lors même qu’ils foni éloignez des lieux où ils les ont pris , on ne garde plus tant de mefures pour les veiller 5 . éc on leur donne une liberté li grande, qu’el- le devient quelquefois funefte'à leurs Vain- queurs. Car il elt fou vent arrivé que les e£ claves mal gardez fe font détachez , ont af- fommé une partie de leurs ennemis enfévelis dans le fommeil , & fe font rendus maîtres des autres , les ont faits prifonmers à leur tour , leur laiflant tout lieu de, fe plaindre de leur trop grande confiance , &c d’une fé- eurité imprudente , qui devenoit la caufe de leur perte. Cri de Mort, Les Guerriers approchant de leur Village # ou d’un Village de leurs Alliés , détachent quelqu’un de leur troupe pour aller porter la nouvelle de leur retour , & cependant ils font alte en attendant qu’on vienne au- devant d’eux. Celui qui a cette commifïion , d’aüfli loin qu’il apperçoit le Village , ou dés qu’il peut préfumer qu’il fera entendu , com- mence à faire le cri de mon , en criant l^ohe ; parole qu’il traîne autant qu’il peut & qu’il répète un nombre de fois , égal à celui Am EM QlW AINS. 119 !es perfonnes de leur troupe, qui font mor- :es dans le combat , ou pendant le voyage. 3e cri cft perçant , & fort lugubre. Il s’en- :end de fort loin , fur- tout fur la Rivière, 5 c pendant la nuit. Auiïi tôt on fort de toutes es Cabanes du Village i & on court du côté i’où vient le cri. Cependant l’Envoyé centi- me fa route , redoublant de^ temps en temps fon cri de mort. Une s’arrêre qu’au milieu iu Village , où il fe forme un cercle autour de lui. Alors ayant repris un peu fes efprits, il dit à voix baife à l’un des anciens , commis pour l’écouter , le précis de leur voyage , le nom de ceux qu’ils ont perdu , &’ le genre de leur mort fans omettre aucune circonllancc de ce qui les concerne. Cet ancien ayant oiii fon rapport , répété à haute voix , en ftyle de Confeil , tout ce que celui-ci a raconté. Après ce récit , chacun fe retire chez foi. Les intérefles dont les parens font morts , vont les pleurer dans leurs Cabanes , où ils reçoi- vent les comprimées ordinaire de condoléan- ce.L’Envoyé de fon côté fe retire dans la iîen- ne,ou bien s’il efl étranger, il entre dans quelque autre où il ait quelque alliance de pa- renté ou d’hofpitalité.ün lui donne là à man- ger , après quoi il raconte en détail tout ce qui s’elt paffé dans leur expédition , & reçoit les complimens de félicitation fur fon heu- reux retour. Iis ont ce refpeét les uns pour les autres , ‘ que quelque completteque foitleur viétoire 3c quelque avantage qu’ils ayent remporté,, le prémier fentirpent qu’ils font paroître , C-’eft celui de la douleur pour ceux qu’ils ont perdu parmi les leurs. Tout le Village doit y participer •, la bonne nouvelle du fuccés ne fe dit qu’aprés qu’on. a donné aux morts les 440 Moeurs des Sauvages premiers regrets qui leur font dûs. Cela étant fait } on avertie de nouveau tout le monde par un fécond cri , on lui donne part de l’avantage qu’on a remporté , 5>C on fe livre à la joye qu’a mérité la viéloi- re. Les femmes font la même chofë à l’égard des hommes qui font allés à la chafie ou à la guerre. Car au moment de leur retour , elles vont les attendre fur le rivage; 5c au lieu de leur témoigner d’abord la joye qu’elles doi- vent fentir de les voir arriver en bonne fan- tè j elles commencent par pleurer ceux de leur parenté , qui font morts dans le Village pendant leur abfence , 5c leur annoncent la perte qu’ils ont faite par leurs nénies , 5c leurs chanfonsthréniques dont nous parlerons dans la fuite,. Cri de Viftoire. ? . S’il n’y avoit eu perfonne de tué ou de mort du côté des Vainqueurs , comme il ar- rive fouvent dans les petits partis , qui vont plutôt à la picorée qu’à la guerre , alors l’Envoyé , au lieu d’un cri de mort , faitun cri de triomphe en criant Kolôe \ mais pro- nonçant ce mot d’une manière plus bnéve &C plus'coupée. Il la réitéré autant de fois qu’il a de prifonniers ou de chévelures , 5c tour le Village s’abandonnant au plaifir que caufe un tel cri , court avec avidité pour apprendre la bonne nouvelle. * Il eft furprenant qu’une coutume auftî , iînguliére ne nous ait point été détaillée par les' Auteurs anciens. Elle eft cependant paf- lée ’ » Lmitrti , Relut, de U Celchide , c ap, xï. f. £ 7 » Ame ki qjj ains. _ 1^1 [eed'Alieen Amérique , &c fe pratique en- :ore aujourd’hui dans la Colchide. L ’ohi qui eft le cri de mort des Mingreliens, efi: auiïi celui des Hurons. Lesnciens &c les parens des Guerriers fçaehant leur arrivée, députent au-devant d’eux pour les féliciter fur leur heureux re- tour, pour leur porter des rafraîchi/Temens , pour fe charger de conduire les efclaves. Entrée des Prifonniers. Le jour deltiné à cette entrée , les Guer- riers abandonnent leurs prifonniers comme s’ils n’y prenoient plus aucun intérêt -, ils fe rendent au Village feuls , marchant à la file les uns des autres à peu prés comme quand ils font partis, mais fans, chanter , fans être peints , ôc même en habits déchirés» comme ?ens qui viennent de loin. Cependant ceus qui font chargés des prifonniers , les prépa- rent pour cette cérémonie , laquelle ell une îfpéce de triomphe , qui a pour eux quelque :hofe d’honorable &c de trille en même tems. Carfoit qu’on veuille leur faire honneur , ou qu’on ne leur en faite que pour relever la gloire des Vainqueurs, on peint leur vifage de loir & de rouge comme dans un jour defo- emnité. On orne leur tête d’une couronne rehauiTée de plumes von met dans leur main gauche un bâton blanc revêtu de peau deci- ?ne , qui eft une efpéce de bâton de comman- dement , ou de feeptre , comme s’ils répré- êntoient le Chef d la Nation , ou la Nation die- même qui a été vaincue Dans leur main droite on leur met da Tortue , ôc on attache tu col du plus apparent des efclaves , le col- lier de porcelaine que le Chef de Guerre a ïome Ui , L . 141 Moeurs des Sauvages reçu ou donné, lorfqu’il a levé le Parti, Si fur lequel les autres Guerriers ont pris leur engagement. Mais fi d’un côté on leur fait honneur , de l’autre , pour leur faire fentir leur mifére , on les dépouille de tout le relie ; de forte qu’ils font prefque entièrement nuds , & on les fait marcher les bras liés der- rière le dos au-defius du coude,ainiî que je l’ai déjà dit. Je me fuis informé des Canadiens les plus habiles , &: qui ont eu plus de communica- tion avec les Sauvages , pour fçavoir quelle pouvoit être la lignification de ce bâton blanc revêtu de plumes de cigbe. Quelques-uns m’ont dit que ç’étoit un fymbole , qui re- préfentoit à ces pauvres efclaves le trille fort de leur condition , & qu’ils avoient abfolu- ment perdu tout droit fur eux- mêmes , & fur leur propre vie. Cependant un Officier m’a raconté un fait dont il avoir été témoin , ôc d’où l’on pourroit inférer que ce bâton efl une marque d’honneur j car un petit Parti de Guerriers ayant fait deux pnfonmers dans une rencontre où il fe trouva , l’un des deujf fupportant avec peine fa nouvelle deltinée , & ne prenant ce bâton qu’avec une noncha- lance , qui témoignoit l’excès de fa douleur, l’autre compagnon de fon malheur le lui ar- racha de force , lui difant avec indignation ,, que la lâcheté qu’il faifoit paroïcre , mar- quoitbien qu’il n’étoit pas digne de le por-i ter. Il fe nut cnfuite à marcher fièrement portant les deux bâtons , celui qu’on lui avoit mis en main , & celui qu’il avoir ar- raché. La marche des Prifonniers commence pari peux du Village , qui portent les chéveîu-i res morts" attachées au bout de longues,- Amerî^uiins. 24* baguettes comme des demi piques. Ils fe fui- venc tous à la file de diftance en diftance X cnfuite viennent les efclaves , qui chantent tout le long du chemin , faifant accorder le ton de la Tortue avec leur chanfon demorr. Ceux du Village étant avertis à peu prés du temps de l’arrivée des Prifonniers , leur vont a la rencontre à un quart de lieue , ou à une demi-lieue loin , & preique tous fe préparent a fe donner un cruel divertiffement à leurs dépens. Dés qu’on les a joints, on les arrête; &: tandis qu’ils chantent leur chanfon de mort , tout le relie du Village danfe autour d’eux , en fuivant la cadence de leur chanfon par leurs bé , bé redoublés , qu’ils tirent du fonds de leurs poitrines. Après les avoir ainfi arrê, tes, on les fait courir , & c’eft alors que cha- cun s’efforce à leur faire le plus de mal qu’il peur. Les coups de pierre, les coups de poing & de bâton leur pieu vent fur le corps comme la grêle. On ne trouve pas mauvais qu’ils fe défendent , & on en rit. Mais liés comme ils font , & accablés par le nombre , leur défenfe leurdevicnt fort inutile. Chacun a droit de les arrêter , & jufqu’au Village on leur fait faire diverfes paufes ou Hâtions. Avant qu’ils Y entrent,quelque ancien les arrête suffi pour leur faire arracher quelques ongles à belles dents, ou pour leur faire couper quelque doigt , ainfi qu’il aura été auparavant réglé dans le Confeil , ou que quelque particulier 1 aura demandé. Il y a cependant fur cela quelques loix éta- blies entr eux , mais qu ils oblervoient autre- fois plus fcrupu leu femen t qu’aujourdhui" Les Guerriers ont droit fur leurs prifonniers jufqu’à ce qu’ils les ayent donnés j ils fe dé- pouillent en quelque forte de ce droit à l’en- L 2. *44 Moêvrs des Sauvages crée des Villages , pour laifler à leurs compa «? { triotes ou à leurs alliés la fausfâétion de s’en divertir , ce que chacun fait avec plus ou . moins de fureur , félon qu’il efl: plus ou moins animé par les pertes que la guerre lui eau fe, C’elt-là une efpéce de triomphe dont les Guerriers ont tout l’honneur , quoiqu’ils n’y paroiflent pas , & dont le peuple a tout le plaiiîr. Néanmoins-, comme les Guerriers ne Te dépouillent pas tellement de ce droit fur leurs prifonniers , qu’ils ne doivent leur re- venir , il eft de leur intérêt*] u’ils. leur revien- nent le plus fains , &c le moins difgraciés qu’il fe peut , afin que le préfent qu’ils en doivent faire dans là Cabane de leurs peres, où ils doivent remplacer les morts , foie reçü plus agréablement. C’eft pour cela qu’il a été éta- bli , que ceux qui veulent mutiler , foient obligés de donner un préfenc proportionné à - la mutilation , afin de dédommager celui i qui il appartient. ta pafïion fe mêle fou vent dans ççs rencon- tres & il n’efl pas toüjours aifé de fauver ceux à qui l’on voudroit faire donner la vie , à caufe de ces mutilations , qui les rendant inutiles , les font jetter au feu. Pour cette rai- fon on cache avec foin la deftmauon qu’on en veut faire } mais fi le fecret en ell éventé , Sc que les perfonnes à qui ils font deftinez , foient de quelque confidération 5 elles vont au-devant de ceux qu’elles ont envie de fau- ver , & les conduifent elles- mêmes parla main. Le refpeét^qu’on a pour elles , fauve à ces pauvres malheureux le maj qu on leur re^ roit fans cette précaution. Autrement ils font fi maltraitez 9 qu*en 'entrant au Village , m A n o- leur coule de toutes parts j é Tous les coups. Ce droit d’entrée eft dû dans tous les Villa- ges de la Nation ou de leurs alliez , qui fe trouvent fous leurs routes , jufqu’à celui où ils doivent être définitivement jugez *, par- tout c’elt la même aubeine -, 8c la même cé- rémonie. On a cependant plus d’égard 8c de_ modération dans les Villages qui ne font que de paffage. La grêle des coups ceCCe au moment qu’ils entrent dans le Village. On les introduit dans une Cabane de Confèil,où Ce retrouvent avec les Anciens &c toute la jeunette , les Guer- riers qui les ont amenez , lefquels repren- nent alors le premier droit qu’ils avoient fur eux. On donne à manger' à ces pauvres mal- heureux j après- quoi le Chef des Guerriers leur ordonne de chanter leur chanfon de mort , 8c de divertir la compagnie a leurs dé- pens. On ne leur fait pas néanmoins d’autre mal , que celui de joliir de l’état miférable oâ ils font. Tout le plaifir confiée à les voir danfer , 8c à les entendre chanter des châti- ions de leur pays , ou bien de celles que leurs Vainqueurs leur ont apprifes chemin faifanr. D’une Cabane on les conduit dans une autre, 8c on les promène ainfî pendant quelques jours dans les Cabanes , jufqu’à ce que les Guerriers Ce remettent en route ou fi c’elt le Village de leur féjour, jufqu’à ce qu’on ait déterminé 8c déclaré à qui on doit les donner, Dcftination des Efclaves. La deftination s’en fait dans un Confeil > après lequel on fait le cri dans le Village, cù tout le monde s’alferable dans la place publia 14^ Moeurs dis Sauvages que pour y apprendre le fort des efclaves. Un Ancien déclare le partage qu’on en a fait, les Nations alliées , ou les perfonnes à qui ils font donnez, & le nom deceux ou de celles qu’ils doivent remplacer. On diftribuë auflï en même temps les chevelures , ïefquelles tiennent lieu d’un efclave,&: remplacent aufïl une perfonne. Ceux qui reçoivent ces ché- velures , les confervent avec loin , les fufpen- dcnt pendant quelque temps aux portes de leurs Cabanes ; elles s’en font un ornement dans les folemnitez publiques, fur- tout lors- qu’on chante la Guerre ; & enfin elles les fufi. pendent de nouveau aux portes de leurs Ca- banes , où le temps achevé de les coniumer. Après cette diflribution on conduit les ef- claves dans les Cabanes où ils font donnez , êc on les y introduit ; ou bien , on les laifTe à 2a porte dans leveltibule -, ce qui fe pratique fur- tout lorfqu’on n’elt pas déterminé à leur donner la vie. Là on leur fait donner fur le champ à manger. Cependant ceux de cette Cabane 3 leurs parens 8c leurs amis pleurent les morts que ces efclaves remplacent , com- me fi on ne faifoit que de les perdre ; 8c on verfe dans cette cérémonie des larmes vérita- bles pour honorer la mémoire des perfonnes, dont la vûe de ces efclaves rappelle un fou- venir amer , 8c renouvelle la douleur qu’on a eue de les avoir perdues. Les Guerriers qui donnent un efclave , le donnent avec le collier qui a fervi d’engage- ment à leur entreprife, ou qui leur fert de pa- role , pour dire qu’ils onfremplileur obliga- tion. Ilsdépoiiillent l’efclave de tout le relie, excepté de la feule pièce qu’ils ne peuvent lui éter avec bienféance. La Cabane à qui l’ef-i £laveeft donné » doit répondre à ce prefenÿï AmERIQJJ AINS. 247 par un autre fi elle lui donne la vie*, mais fî elle le jette au feu , le prefent fe prend fur le Village , étant jufte qu’il paye le plaifir bar- bare qu’il a de le faire mourir. On brûle toujours deux ou trois efclaves , lorfqu’ils font donnez pour remplacer des perfonnes de grande confîdération , quand bien même ceux qu’on remplace , feroient morts fur leur natte , & de leur mort natu- relle. On n’eft point furpns que ceux à qui on les donne , les jettent au feu , félon leur exprefïion ; mais après cela il faut que les perfonnes intérefTées fe contentent ; car l’o- bligation de remplacer les morts , fubfiftanc toûjours dans les enfans par rapport à la Ca- bane de leurs peres & de leurs tantes , jufqu’à ce qu’on ait donné la vie aune perfonne qui repréfenre celle qu’on veut reffufciter, ceux qui ont cette obligation , auroient droit de fe plaindre qu’on les ménage peu ; puifque pour faire un efclave,ils font obligez de courir les rifques d’être faits efclaves eux- mêmes , d’être tuez ou brûlez , de la même manière dont ils les brûlent chez eux. Souvent les Anciens appliquent quelques prifonniers au fhk , comme un bien qui ap- partient au public , 5c qui peut fervir dans la fuite pour quelque affaire d’Erat. On ne laiffe pas alors de les déterminer à quelque Caba- ne , & de leur faire relever quelque nom , pour mieux déguifer les intentions fecreres que le Confeil peut avoir prifes , ou prendre dans la fuite à leur fujet. D’autrefois les An- ciens & les Guerriers eux-mêmes , en les donnant dans une Cabane , font preffentir l'inclination qu’ils ont fur la décifîon de kur vie ou de leur mort , 5c cette inclination eft communément fuivie par la déférence qu’on M8 Moeurs des Sauvages a pour eux*, mais elle ne fait pas loi. Celles I qui on les donne , en font tellement maîtref- fes , que l’inclination de tout le Village ne fçauroit les fauver , fi elles ont envie de les jetterau feu j ni les faire mourir, fi elles ont la volonté de leur donner la vie. Les circonflances critiques où fe trouvent ces" malheureux , décident aflez fouvent de leur deflinée. Leur perte eft comme afturée , s’ils tombent dans une Cabane où l’on ait perdu beaucoup de Guerriers , ou quelque autre perfonne que ce puififeêtre , ne fut-ce qu’un enfant à la mammelle , dont le deiiil eft encore récent. Ils ne courent pas Un moin- dre rifque , fi leur âge, leur phyfionomie 8c leur caraétére ne plaifent pas , & font crain- dre qu’on n’en retirera pas de grands ferviees 3 fi on les donne à -certaines Mégères , lefquel- les fe font un plaifir de leur inhumanité : ou bien fi on les applique â des Cabanes pauvres, qui ne foient pas en état de reconnoître le préfenc , de nourrir tk d’habiller l’efciave J Les Jéfij-ites ont fauve pluficurs de ces roal- heureufes viélimes , qu’ils ont retirez des' feux de ces Barbares, en fournifiant lespré- fens héceffaires pour leur confervation. Leur fort eft bien- tôt décidé , fi les perfion- nes à qui ils font donnez , fe trouvent dans le Village. Mais fi elles font-abfentes , ces infor- • tunez vivent jufqu’à leur retour dans une cruelle incertitude entre la vie la mort. On leur donne néanmoins une liberté raifonna- ble y ils ne font ni liez , ni enchaînez , on les entretient dans l’efpérance de la vie , & on fe contente de veiller à ce qu’ils ne puifientpas s’éhfuïr. Souvent pour les tranquiliifer , 8c • pour les tromper mieux , on leur laifië igno- re! dans ces occafions à qui ils ont été donnez. F, n du Tome umHémp